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lundi 27 octobre 2014Congrès

Les différentes alopécies et leurs traitements

© Thinkstock/L'Observatoire des Cosmétiques

Il est normal de perdre des cheveux chaque jour. C'est quand on en perd trop, trop régulièrement, ou trop brutalement, que le phénomène devient un problème. Mais toutes les chutes de cheveux n'ont pas les mêmes causes, ni les mêmes traitements. Lors de la 14e Journée d'Échanges Scientifiques et Techniques organisée par Cosmed, Alexandre Guichard, du service de dermatologie du CHU de Besançon, a fait le point sur les différents types d'alopécies et la façon de les prendre en charge… sans laisser de place aux solutions cosmétiques.

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Aucune chute de cheveux importante n'est anodine, a rappelé d'entrée Alexandre Guichard. Qu'elle soit chronique ou aigüe, elle a immanquablement des impacts forts sur la personne qui en est atteinte.
Parce qu'elle peut avoir une cause interne ou être liée à un traumatisme émotionnel, parce qu'elle est affichante et a le plus souvent des répercussions psychologiques en étant associée à un sentiment de perte de virilité ou de féminité voire en générant un syndrome dépressif, parce qu'il n'existe pas de produit miracle pour la contrer, une perte de cheveux doit être accompagnée par les professionnels de santé, et d'abord par un discours rassurant… sans être menteur.

Principales causes des alopécies

On parle de chute anormale quand on perd plus de 150 cheveux par jour. Mais il ne faut pas confondre chute physiologique, chute pathologique et alopécie, ni assimiler une perte de densité de la chevelure à une chute des cheveux.

Techniquement, les alopécies peuvent être dues à des phénomènes nombreux et variés :
• un défaut de production du cheveu : du fait d'une carence (carence martiale), de troubles endocriniens (dysthyroïdies), d'une prise de toxiques ou de certains médicaments (chimiothérapies) responsables d’un arrêt du cycle pilaire en phase anagène (celle de la pousse du cheveu) ou effluvium anagène,
• une miniaturisation, suivie d'une disparition du follicule pileux à l’origine d’un éclaircissement de la chevelure, puis d’une disparition des cheveux (golfes temporaux, vertex) au cours de l’AAG (Alopécie Androgéno-Génétique),
• une chute excessive, le plus souvent transitoire, par une entrée prématurée en phase télogène (celle de la "mort" et de la chute du cheveu) ou effluvium télogène,
• une anomalie de la structure de la tige pilaire, qui peut être génétique (dysplasie pilaire) ou acquise (dystrophie, trichotillomanie),
• une destruction de la tige pilaire par des agents infectieux kératinophiles (teignes tondantes),
• une réponse immune dirigée contre le follicule pileux (pelade),
• une destruction du follicule pileux d’origine physique, inflammatoire, infectieuse, tumorale, à l’origine d’une alopécie dite cicatricielle.

Et tout cela peut se traduire par une diminution diffuse ou localisée, aiguë ou chronique, partielle ou totale, de la densité des cheveux.
Il y a donc chute de cheveux et chute de cheveux, et toutes ne se traitent pas de la même façon. L'intervenant a souligné qu'il y avait plusieurs classifications possibles des différentes alopécies : il en a proposé une, et présenté les prises en charge adaptées à chacune d'entre elles.

Les alopécies non-cicatricielles

Ce sont les plus fréquentes. Parmi elles, on peut distinguer l'alopécie androgéno-génétique (AAG), l'effluvium télogène (ET) et la pelade.
Elles ont toutes pour point commun la préservation du follicule pileux et du matériel nécessaire à la production pilaire (matrice, papille et bulge), mais un cycle de régénération comme "bloqué".

Elles peuvent relever de plusieurs processus :
• les troubles hormonaux (dysthyroïdies), les carences (martiale, vitaminique, oligo-éléments, cachexie) perturbent le cycle pilaire,
• l'effluvium télogène qui est observé après un stress (fièvre, stress psychologique, intervention chirurgicale…),
• divers toxiques (thallium) ou les chimiothérapies sont responsables d'effluvium anagène,
• les infections (folliculites mycosiques appelées aussi teignes, ou folliculites bactériennes),
• l'arrachage répétitif des cheveux par trichotillomanie (trouble compulsif) ou par les habitudes de coiffage (traction par un chignon, brushings exagérés…),
• une réaction auto-immune précipitant les follicules en phase catagène, expliquant l'inhibition transitoire des follicules (pelade),
• la régression et la miniaturisation des follicules pileux qui aboutit à des duvets sous l’effet des androgènes (AAG),
• sur certaines zones du cuir chevelu, l'hyperactivité de la 5α-réductase de type 2 qui augmente le renouvellement du cheveu et l'évolution vers un follicule à duvet.
* Pour les définitions des différentes phases de la vie des cheveux et poils, voir l'article Connaissez-vous vos cheveux ?

L'alopécie androgéno-génétique

L'AAG est définie comme une alopécie par miniaturisation du cheveu terminal en duvet due à une accélération du cycle pilaire.

Elle intervient en deux phases.
 1. Sous l’action des hormones, les cycles s’accélèrent, le cheveu n’a pas le temps de grandir, grossir et pigmenter : il devient duvet (poil miniaturisé) et ne se voit plus à l’œil nu même s’il persiste.
 2. Une fois que la papille a épuisé son nombre de cycles (plus rapidement qu'à la normale), la disparition du cheveu est irréversible.

L'AAG est causée par deux facteurs concomitants :
• androgéno : une sur-expression de la 5α-réductase, qui induit un excès d’hormone mâle active,
• génétique : une prédisposition héréditaire des bulbes pileux à la sensibilité aux hormones, et particulièrement à la testostérone.
Il faut noter que les papilles ne sont pas toutes égales face aux hormones : les cheveux au niveau occipital ou frontal bas sont peu sensibles aux androgènes, ce qui permet d'en prélever dans ces zones pour les greffer sur les parties dégarnies.

L'AAG touche également près de 40 % des femmes de plus de 70 ans (alors qu'elle peut être bien plus précoce chez l'homme), du fait alors d'un excès d'hormones mâles, qui va souvent de pair avec un hirsutisme (la pousse de poils sur des zones "masculines" : menton, ventre…).

Traitements
La prescription est essentiellement médicamenteuse.
Pour les hommes : Finastéride, à l'origine un traitement de la prostate qui bloque la 5α-réductase, ou Minoxidil.
Pour les femmes : acétate de cyprotérone (Diane 35) et/ou corticoïdes (Spironolactone), Minoxidil et éventuellement, même s'il est contre-indiqué car il peut favoriser un cancer du sein, Finastéride.

Mais quid des compléments alimentaires ou des cosmétiques (shampooings, lotions) antichute ? "Ils sont inutiles !", affirme Alexandre Guichard. "L'AAG se traite dans un cabinet médical, pas dans un centre esthétique !"
Un positionnement qui peut faire débat au sein du secteur cosmétique, on s'en doute. Et auquel Christophe Ripoll, directeur scientifique de Naturactive, la branche "compléments alimentaires" du groupe Pierre Fabre, a répondu en citant plusieurs actifs dont l'action antichute a été prouvée. C'est le cas, par exemple, de l'huile de pépin de courge ou de l'algue marine Grateloupia elliptica, qui ont la capacité d'inhiber l'activité de la 5α-réductase.

L'effluvium télogène

Il s'agit d'une chute de cheveu brusque, abondante et diffuse, qui survient le plus souvent chez la femme.

Un facteur déclenchant synchronise de nombreux cheveux en phase télogène (morts). Le cheveu télogène reste deux à quatre mois sur le cuir chevelu puis tombe en masse. Une cause est souvent identifiée dans les deux à quatre mois précédant la chute.
L'ET existe sous deux formes : aigüe (inférieure à 6 mois) et chronique (supérieure à 6 mois).

Parmi les facteurs en cause dans l'ET aigu :
• un accouchement,
• un changement de saison, particulièrement l'automne,
• un choc psychologique : décès, accident, stress professionnel…,
• un stress de l'organisme : forte fièvre, anesthésie…,
• la prise d'un médicament.

Parmi les facteurs en cause dans l'ET chronique :
• une carence en fer (ce qui se comprend, pour Alexandre Guichard, par une ferritine < 60 ng/ml !!!),
• une carence vitaminique (par exemple en cas de régime alimentaire ou de perte de poids importante),
• une dysthyroïdie,
• une pathologie chronique,
• une dépression,
• la prise de certains médicaments,
• des signes précoces d’AAG…
L'ET chronique peut aussi être idiopathique, et constituer un symptôme d'une pathologie qu'on ignore.

Traitements
L'ET étant spontanément résolutif, aucun traitement n'est nécessaire… au moins du point de vue capillaire.
Le médecin devra d'abord rassurer sa patiente, insister sur le fait qu'elle ne va pas devenir chauve et que ce type de chute de cheveux est transitoire. Et il peut aussi avec intérêt traiter la cause première : prescrire un antidépresseur, combler les carences en fer et vitamines, surveiller le fonctionnement de la thyroïde…

Et côté cosmétique ? Rien encore d'utile, pour Alexandre Guichard !

La pelade

La pelade est une maladie auto-immune qui voit, en cas de terrain génétique prédisposant, le système immunitaire se diriger contre le follicule. Les cheveux tombent par plaques entières, et le phénomène peut ne toucher que certains endroits du crâne ou provoquer une calvitie totale.

Cette maladie touche 1,7 % de la population au moins une fois dans la vie. Très affichante et au retentissement psychique important, elle n'est cependant ni grave, ni contagieuse. Contrairement aux idées reçues, elle ne constitue pas le signe d'une dépression, mais le stress peut être un facteur déclenchant. Elle n'est souvent pas définitive mais peut (ou non) récidiver.

Traitements
Ils ont une efficacité variable, prévient Alexandre Guichard. Si l'on ne fait rien, les cheveux repoussent d'eux-mêmes dans les 6 mois dans 60 % des pelades.
Dans ce cas, une prothèse capillaire associée à un tatouage des sourcils peut permettre de passer le cap plus sereinement.

Une prescription médicamenteuse peut comprendre des dermocorticoïdes, des injections d’acétonide de triamcinolone, ou le Minoxidil mais seulement pour potentialiser la repousse spontanée… Et l'intervenant n'évoque cette fois même pas compléments alimentaires et cosmétiques.

Les alopécies cicatricielles

Elles se traduisent par la destruction du cheveu et son remplacement par de la fibrose (qui forme une cicatrice). Le mécanisme exact reste méconnu mais il semble qu'une inflammation détruise les papilles.
Les alopécies cicatricielles sont peu fréquentes mais regroupent un grand nombre de pathologies.

Elles peuvent avoir trois causes principales :
• une origine infectieuse, par exemple par le biais de teignes,
• une origine congénitale : kératose pilaire décalvante, incontinentia pigmenti…,
• une cause inconnue : pseudopelade de Brocq, lupus erythémateux, lichen plan, alopécie frontale fibrosante, folliculite décalvante de Quinquaud…

Leur traitement dépend de la pathologie en cause.

Les dysplasies pilaires

Elles interviennent chez l'enfant et sont congénitales.
Un ensemble de modifications de densité, de structure, de forme et de couleur affectent le cheveu, se manifestant dès l’enfance ou au cours des premiers mois de la vie.

L’examen de la tige pilaire par microscopie ou trichoscopie permet de différencier différentes entités : le monilethrix, le trichorrhexis nodosa, le trichorrhexis invaginata ou cheveux en "tige de bambou", le pili annulati, le pili torti, le syndrome des cheveux anagènes caducs, la trichothiodystrophie, le syndrome des cheveux incoiffables ou "pili trianguli et canaliculi" ou encore le syndrome des cheveux laineux ou "wooly hair".

On ne leur connaît pas de traitement et les seules prises en charge sont d'ordre non-médicamenteux :
• greffes,
• camouflage grâce aux poudres cosmétiques densifiantes, à base de kératine ou de fibres naturelles (soie, riz…) qui se fixent aux cheveux grâce à l'électricité statique pour un effet volumisant temporaire,
• compléments capillaires : "clipsés" ou cousus aux cheveux existants, collés directement sur le crâne avec une résine naturelle…

En conclusion

"Il n'existe pas de produit miracle pour l'instant", a redit Alexandre Guichard au moment de clore son propos. "L'alopécie a souvent une cause interne et ne doit donc pas être prise à la légère. L’alopécie de la femme n’est pas l’affaire des centres esthétiques mais un réel problème interne à rechercher. Donner des compléments alimentaires ou un shampoing "antichute" pour une AAG, c’est contribuer à la chute et à la dépression !!!"
Et de mettre en garde contre "les publicités mensongères et alléchantes des industries pharmaceutiques et cosmétiques, basées sur des résultats biaisés ou non cliniquement significatifs"…

Il ne manquait que le coup de grâce, qu'il a formulé ainsi : "Le seul traitement efficace à 100 % dans l’AAG, c’est l’acceptation".

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