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mardi 23 septembre 2014Congrès

Quelle(s) valeur(s) pour le Made in France ?

© L'Observatoire des Cosmétiques

Dans un contexte de crise et d'incertitudes quant à l'avenir, le Made in France connaît un regain d'intérêt : de plus en plus de marques le revendiquent et veulent en faire un outil marketing. Mais quelle perception le consommateur en a-t-il ? Comment influe-t-il sur son acte d'achat ? C'était l'objet d'une table ronde organisée au salon Beyond Beauty le 10 septembre 2014.

Temps de lecture
~ 6 minutes

À la tribune, Jean-Luc Ancel, fondateur et Directeur général de la Cosmetic Valley, Mario Moretti, Directeur de l'entreprise italienne de packaging Lumson, et Anne-Flore Maman-Larraufie, consultante en gestion de marques et en stratégie du cabinet SemioConsult .
Si Jean-Luc Ancel voit dans le "Made in" un devoir d'excellence pour les entreprises, Mario Moretti un signe de passion et d'amour du savoir-faire, les trois intervenants sont d'emblée tombés d'accord sur un point : le "Made in" est bien plus qu'une distinction technique du produit, il représente d'abord des valeurs.

Mais à quelles valeurs est associé le "Made in France" dans l'esprit des consommateurs ou des acheteurs BtoB ? Anne-Flore Maman-Larraufie a participé à l'élaboration du rapport Étude sur les valeurs associées au "Fabriqué en France" , remis à la Direction générale de la compétitivité de l’industrie et des services, et disponible sur le site Internet du Ministère .

Et elle éclaire sur la complexité de la perception du "Made in", relié à des valeurs, oui, mais aussi à des idées préconçues, positives ou négatives, contre lesquelles il est très difficile de lutter : " Éduquer le consommateur est très long ", dit-elle, " cela peut prendre de 15 à 20 ans. Mieux vaut d'abord comprendre ses perceptions et ses attentes pour valoriser la fabrication française ".

L'effet "pays d'origine"

Pour un consommateur, l’origine peut revêtir des réalités diverses. Il peut ainsi s’agir :
• du lieu de fabrication,
• du lieu d’assemblage,
• du lieu de R&D, de conception ou de design du produit,
• de la localisation du siège de l’entreprise à laquelle appartient la marque,
• de l’origine des ingrédients ou d'une partie du produit,
• du pays d'origine de la marque…
" Que penser d'un Coca-Cola estampillé Made in France , parce qu'il est fabriqué en France ?", illustre Jean-Luc-Ancel ." C'est un non-sens ! Pour tout le monde, le Coca-Cola est d'abord un produit américain ! "

Quoi qu'il en soit, et tout naturellement, le consommateur a tendance à relier cette origine perçue avec ce qu’il en connaît (son expérience passée avec le pays) ou ce qu’on en dit (les stéréotypes liés au pays). Et ce prisme d'approche vient impacter de manière plus ou moins importante son comportement de choix et d'achat, au travers de trois mécanismes, décrits par Anne-Flore Maman-Larraufie :
• purement émotionnel : c'est le règne des idées préconçues et de l'impulsif qui se traduit par un basique "J'aime/J'aime pas" ;
• plus rationnel : c'est l'influence des associations mentales et des perceptions liées à la qualité du produit ou de la main-d'œuvre ;
• Normatif : C'est le poids de ce qui est écrit dans la presse, de ce qui est dit dans le discours politique… et le consommateur ajuste son comportement en fonction de "ce qu'il faut faire", ce qu'il est bien de faire au regard de critères économiques ou sociaux, par exemple…

Les valeurs sous-jacentes du "Made in"

Si le "Fabriqué en France" était une personne, il aurait les mêmes traits de personnalité pour les Français et pour les étrangers : il serait dynamique, féminin, sincère et robuste, lit-on dans le rapport remis au Ministère.
Mais au-delà de ce portrait-robot, le "Made in" est associé à des valeurs, qui peuvent être clairement positives, absolument négatives ou plus ambigües, et qui sont différentes pour les Français et les étrangers.

La perception des Français
De manière générique, le "Fabriqué en France" est associé par les Français à 14 valeurs primaires et 65 secondaires, ce qui prouve la vision très fragmentée qu’ils en ont.

Au nombre des valeurs positives :
• le produit inspire confiance,
• c'est un produit de qualité,
• les normes sont respectées, ce qui plaide en faveur de sa sécurité,
• l'entreprise est ancrée sur le territoire français ou a relocalisé…

Pour les valeurs négatives :
• c'est un produit rare, difficile à trouver,
• c'est un produit cher, du fait des coûts de fabrication français,
• les entreprises ont tendance à abuser de cette labellisation,
• le "Made in" renvoie aux vagues de délocalisations…

Quant aux valeurs plus ambigües, qui peuvent être perçues à la fois comme positives et négatives :
• le "Made in" traduit une attitude de protectionnisme, de chauvinisme,
• c'est une exploitation marketing de la problématique politique du "Fabriqué en France",
• c'est assimilable à la RSE… mais est-ce du Fran-washing ?

Conclusion du rapport : " il apparaît un manque de connaissance de la part des Français dans les capacités de production de leurs entreprises, l’existence d’un certain nombre d’idées reçues erronées, le besoin d’être légitime pour une entreprise pour valoriser une production française, et enfin un certain manque de visibilité des produits fabriqués en France ".

La perception des étrangers
Les étrangers voient les produits d’origine française un peu différemment, principalement à travers l'image qu'ils ont des Français et de la France.

Au nombre des valeurs positives :
• c'est un produit dont les normes de sécurité sont élevées,
• c'est un produit issu du savoir-faire et de la tradition artisanale, donc rare et associé à une notion d'exclusivité,
• pour les produits dits hédoniques (luxe, mode, gastronomie, cosmétiques…), c'est un moyen d'acheter un peu de style de vie à la française,
• C'est un vecteur d'image, qui rend une femme sexy et séductrice, un homme romantique, et les deux sexes "bons vivants"…

Pour les valeurs négatives :
• c'est un produit non-compétitif, au rapport qualité/prix discutable,
• les produits technologiques et utilitaires manquent de fiabilité,
• c'est un produit mal marketé…

Conclusion : le "Made in France" garantit un esthétisme, une originalité, un style, mais pas une qualité technique fiable. Et si des innovations voient le jour en France, les Français sont perçus comme incapables de les vendre !

Bien utiliser le "Made in France"

Chaque catégorie de produit a bien sûr ses spécificités, tout comme elle a ses propres valeurs associées. Ce qui veut dire que le consommateur n’a pas toujours les mêmes attentes par rapport au "Made in France".
Tout l'enjeu pour une entreprise française est donc de s’appuyer sur les valeurs associées au "Made in France" par le consommateur pour définir les opportunités en termes de marketing à mettre en place : capitaliser quand le "Made in France" est un atout, la revaloriser ou le repositionner quand l’image associée est moins porteuse…

Selon les auteurs du rapport, une valorisation du "Fabriqué en France" auprès des consommateurs français pourra utiliser une argumentation rationnelle basée sur la qualité et la sécurité, jouer sur la notion du "bien de chez soi", et devra séparer les marquages d’origine et de prix sur tout support (étiquette, communication, etc.).
La cosmétique française peut de plus compter sur son image d'excellence, en France comme à l'étranger.

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