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mercredi 9 janvier 2019Congrès

Conservateurs : qui a peur du grand méchant loup ?

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Souvent mis au ban par la presse consumériste, ils sont considérés comme des ingrédients dangereux bien qu’essentiels à la préservation des cosmétiques. Au cours d’un atelier organisé pour les journalistes le 11 décembre 2018, animé par Françoise Audebert, conseillère règlementaire et scientifique et Anne Dux, Directrice des Affaires Réglementaires et Scientifique, la FEBEA a décidé de monter au créneau afin de rétablir la vérité sur ces ingrédients souvent critiqués.

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Comme son nom l’indique, un conservateur sert à conserver le produit et empêche la contamination microbienne. Grâce à lui, le consommateur a la garantie d’utiliser son soin sans risque pour sa santé et pendant une durée relativement longue.

Des conservateurs dans les cosmétiques : pourquoi ?

À l’instar des êtres humains, les bactéries ont besoin d’eau pour se développer.
Dans un cosmétique, la prolifération bactérienne est possible à partir de 20 % d’eau dans la formule.
“La conservation d’un produit cosmétique va donc dépendre de sa formule et de sa concentration en eau”, a expliqué Anne Dux.

Tout comme les antibiotiques, les conservateurs ne sont pas toujours automatiques ! Certains produits n’en requiert pas l’usage :
• les produits formulés sans eau comme les poudres, rouges à lèvres ou sérums huileux,
• les cosmétiques contenant des ingrédients rendant la prolifération microbienne impossible, comme l’alcool,
• les soins sous forme d’aérosols qui contiennent un gaz propulseur (butane ou propane, par exemple).

Pour se passer de conservateurs, il est également possible de formuler des cosmétiques stériles, en utilisant le procédé UHT. Seul bémol, toutes les substances ne supportent pas ce traitement.

Choisir le bon conservateur

Les ingrédients utilisés pour la conservation doivent être listés dans l’Annexe V du Règlement Cosmétiques. Cette liste positive, établie sur la base de la sécurité des substances évaluée par un comité d’experts européens, contient 59 entrées.
En pratique, seule une vingtaine est utilisée.

“Les industriels ne peuvent pas choisir n’importe quel conservateur. En effet, il doit correspondre au germe qui risque de se développer dans le produit et cela dépend de la formule, du pH ou de la zone d’application. Par exemple, le PHMB (Polyaminopropyl biguanide) est un conservateur qui ne pique pas les yeux, c’est pourquoi on l’utilise quand on formule un produit à destination de cette zone”, a indiqué Anne Dux.

Quid de la sécurité ?

Les conservateurs sont des substances qui tuent des germes, des bactéries et des champignons, ce sont donc des tueurs et de ce fait, ils sont eux aussi potentiellement toxiques.

“On évalue de façon systématique leur sécurité. Pour qualifier le danger d’une substance, il est nécessaire d’avoir des données expérimentales sur le pH, la toxicité locale, le potentiel irritant, les dangers systémiques etc… et ensuite d’évaluer l’exposition du consommateur. Les doses autorisées fixées correspondent à une concentration 100 fois plus faible que la dose qui ne provoque pas d’effet toxique (NOAEL)”, a expliqué Françoise Audebert.

Pourquoi sont-ils mis en cause ?

Les questions que l’on se pose majoritairement sur les conservateurs concernent leur potentiel allergisant et irritant. Et il faut savoir que plus une personne est exposée à une substance allergisante, plus elle risque de déclencher une allergie.

“C’est exactement ce qu’il s’est passé avec la méthylisothiazolinone (MIT). Ce cas mérite qu’on en tire tous les enseignements”, a insisté Anne Dux. “La MIT est un conservateur utilisé depuis les années 60-70, d’abord en combinaison avec de la méthylchloroisothiazolinone (MCIT), particulièrement dans les produits à rincer, gels-douche ou shampooings. Mais ces deux conservateurs provoquaient des allergies. Les autorités ont donc demandé aux industriels d’en limiter l’utilisation. C’est la raison pour laquelle les professionnels de la beauté se sont davantage tournés vers les parabènes, qui ont aussi un large spectre d’activité contre les micro-organismes. Mais après la crise médiatique de 2005, les parabènes ont été abandonnés, et la MIT a de nouveau été largement utilisée”.

Problème, la MIT est fortement allergisante et a été beaucoup trop utilisée, dans trop de produits, y compris sans rinçage, qui augmentent considérablement l’exposition des consommateurs. Résultat, l’industrie a fait face à une forte augmentation de cas d’allergies.
“Moralité”, selon Anne Dux, “il ne faut pas bannir un conservateur sans raison valable. Il est important de varier les conservateurs dans les formules”.

Parabènes et Phénoxyéthanol, boucs émissaires des consommateurs ?

Selon Françoise Audebert et Anne Dux, ces deux conservateurs honnis par le grand public, ne sont pas aussi nocifs qu’on veut bien le croire.

Les parabènes

Carte d’identité
C’est une famille de substances synthétiques dérivées de l’acide parahydroxybenzoïque.
Leur large spectre d’activité en fait des conservateurs très utilisés (plus de 50 ans de recul d’utilisation) et dans plusieurs domaines (pharmacie, alimentaire, etc).
En cosmétique, la concentration des parabènes est réglementée.
Par ailleurs, ils ont fait l’objet de nombreuses évaluations par le comité d’expert européen indépendant (CSSC) en 2005, 2006, 2008, 2010, 2011 et en 2013.

La polémique
“En 2004, le professeur Philippa Darbre conduit une étude qui semble indiquer une relation entre parabènes et cancer du sein. Ces liens potentiels n’ont toujours pas été confirmés, mais la controverse a bel et bien été lancée. Différentes sortes de parabènes sont surtout”soupçonnées de”. À ce jour, aucune étude ne confirme ces inquiétudes, mais la mention “sans parabène” fleurit sur les packagings de nos produits cosmétiques. La controverse est donc alimentée en permanence”, a expliqué Françoise Audebert.

Depuis 2015, seuls quatre parabènes restent autorisés (méthyl-, éthyl-, propyl-, butyl-parabène) à une concentration limitée. Leur utilisation est interdite dans les produits sans rinçage destinés à être appliqués sur la zone du siège des enfants de moins de trois ans, le risque de pénétration cutanée étant plus élevé. Pour plus d’informations sur la polémique concernant les parabènes, voir l’article Les parabènes.

Le phénoxyéthanol

Carte d’identité
“C’est un esters de glycol qui est présent naturellement dans le thé vert et la chicorée”, a dit Françoise Audebert.
Il a un large spectre d’activité et est utilisé depuis 40 ans, dans beaucoup de domaines mais essentiellement en cosmétique.
Sa concentration maximale autorisée est de 1 %.

La polémique
En automne 2008, le C2DS (Comité pour le Développement Durable en Santé) attire l’attention de l’ANSM sur ce composé présent dans les cosmétiques distribués dans les maternités. Suite à cette demande, l’Agence enquête et publie ses recommandations en 2012. Elle recommande de ne pas utiliser de phénoxyéthanol dans les produits cosmétiques destinés au siège des bébés. “Or, pour mener ses études, l’ANSM a utilisé la NOAEL d’une étude non-conforme aux règles de l’OCDE et qui comportaient de nombreux biais”, a réagit Françoise Audebert. “Ces résultats ont été portés à la connaissance de la Commission européenne et transmis au CSSC afin d’être réévalués . En 2016, le comité d’expert européen a déclaré que la NOEL utilisée par l’ANSM n’était pas bonne et a estimé que le phénoxyéthanol utilisé à 1 % en tant que conservateur dans les produits cosmétiques est sûr pour la santé, quel que soit le groupe d’âge”. Cependant, en 2017, l’ANSM a ré-évalué la sécurité de ce conservateur et a maintenu sa position.

Anne Dux a précisé que “depuis le début de la polémique, la FEBEA invite ses adhérents à ne pas respecter la recommandation de l’ANSM, car nous considérons qu’elle est scientifiquement non fondée”.

Très souvent critiqués, les conservateurs sont toutefois essentiels dans la formulation.
Aujourd’hui, l’industrie n’a plus énormément de substances autorisées à sa disposition.
Un programme de protection des conservateurs : le plan d’action de Cosmetics Europe), à l’échelle européenne a donc été lancé à l’initiative des associations des professionnels de la cosmétique.
Le but, défendre les conservateurs, et surtout garder une large palette de substances, pour assurer la sécurité des produits… et des consommateurs. Envers et contre tous !

JS
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