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mercredi 28 février 2018Actus

Le chanvre en cosmétique

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Quand on entend parler de cette plante, on ne l’associe pas nécessairement au secteur de la beauté. Pourtant, il apparait que le chanvre et autres variétés de la même famille ont des vertus cosmétiques non négligeables. Rencontre avec Laure Bouguen, fondatrice de la marque HO KARAN (à base d’huile de chanvre) et militante active pour sa valorisation dans la formulation des cosmétiques.

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~ 5 minutes

Jasmine Salmi : Quelle partie de la plante est utilisée pour faire des produits de beauté ?

Laure Bouguen : Aujourd’hui, la plupart des marques utilisent exclusivement la graine. Chez HO KARAN, nous travaillons avec un chanvrier breton qui la presse à froid et dont on récupère l’huile dont le nom INCI est Cannabis sativa seed oil.

JS : Quelles sont ses allégations cosmétiques ?

LB : L’huile de chanvre est hydratante, raffermissante et antioxydante. Tout cela est prouvé en cosmétique. L’avantage de cet ingrédient est sa forte teneur en Oméga-3 (autour de 20 %). C’est cette concentration importante qui va permettre d'aider à reconstruire le film hydrolipidique. En effet, l’huile de chanvre a un profil gras très proche du sébum produit naturellement par la peau. De plus, elle est non-comédogène.
Elle peut être utilisée par les hommes, les femmes, les personnes très jeunes ou les plus âgés. Elle convient aussi bien aux peaux sèches qu'aux mixtes et même grasses.

JS : Quel est le cadre réglementaire qui entoure l’utilisation des cannabinoïdes en cosmétique ?

LB : L’utilisation de l’huile est autorisée puisque le THC (Tétrahydrocannabinol, molécule psychoactive qui provoque les effets psychotropes) a une concentration inférieure à 0,2 % dans les variétés autorisées en France.
Que ce soit dans le BTP ou en cosmétique, tous les éléments peuvent être utilisés, à l’exception de la fleur, dont l’utilisation est tout simplement absente des textes légaux et dont le statut est indéfini. Or, nous savons qu’elle contient beaucoup de molécules ayant des effets positifs sur la peau.

JS : L’utilisation de la fleur ne serait pas dangereuse pour le consommateur ?

LB : Les fleurs utilisées en France contiennent moins de 0,2 % de THC, il n’y a donc pas d’effets psychotropes possibles. Les fleurs regorgent d’autres cannabinoïdes non psychoactifs. Nous ne cherchons pas à faire l’apologie du THC et de la dimension récréative du chanvre.
Nous souhaitons pouvoir utiliser les cannabinoïdes bénéfiques pour la peau. Le Cannabidiol (CBD), par exemple, a fait l’objet d’études cosmétiques et ne présente pas d’effets stupéfiants.
Il existe beaucoup de variétés de plantes peu chargées en THC (à 0,2 % selon la réglementation en vigueur), mais plus fortes en CBD.

JS : L’industrie cosmétique est-elle intéressée par cette plante ?

LB : Des marques comme Le Baigneur ou The Body Shop formulent certains de leurs produits avec de l’huile de chanvre mais l’utilisation reste relativement discrète comparée au succès de l’huile d’argan ou de coco par exemple. Pourtant, l’huile de chanvre est bien plus hydratante et non comédogène.
Je pense que les acteurs majeurs ont un peu peur du bad buzz et de la mauvaise image à laquelle leur marque pourrait être assimilée.

JS : Est-ce une culture à l’impact écologique positif ?

LB : Le chanvre est une plante mondiale qui pousse aussi bien en Chine qu’en Inde ou en Bretagne. On en trouve absolument partout.
En l'utilisant en cosmétique, il est donc possible de créer une marque globale, de commercialiser à l’international, mais aussi de produire localement et donc d’éviter le transport de produits finis.
De plus, c’est une plante qui n’a pas besoin de beaucoup d’eau, elle pousse vite, tue les mauvaises herbes et ne nécessite pas d’avoir recours à des pesticides.

JS : Face à autant de bienfaits, pourquoi l’utilisation du chanvre en cosmétique est aujourd’hui si stricte ?

LB : Le problème majeur, c’est la peur.
Les professionnels du chanvre ne soutiennent pas forcément le développement de cosmétiques à la fleur de chanvre par crainte que la culture ne soit interdite à cause de la mauvaise image que cela renvoie. Ils ne veulent pas mettre en péril tous les efforts et les investissements mis en place.
Idem pour les politiques qui peuvent craindre d’être taxés de laxisme en autorisant l’utilisation de plantes stupéfiantes, même à usage cosmétique.
Ce qui est assez paradoxal, c’est que la France est le premier producteur à l’échelle européenne et sans doute le pays le plus en retard sur le champ thérapeutique et pharmaceutique. Le Royaume-Uni vient de valider le CBD comme actif cosmétique grâce à ses bienfaits antioxydants et anti-séborrhéiques. Ici, nous en sommes loin.

JS : Pourquoi avoir décidé de développer une gamme cosmétique à partir d’une plante aussi controversée ?

LB : Mes grands-parents cultivaient du chanvre et je connaissais les applications du chanvre liées à la culture de la tige.
Un reportage sur la légalisation de la plante en Californie et sur ses usages thérapeutiques a aiguisé ma curiosité. Je m’y suis donc intéressée et j’ai commencé à imaginer ma marque pendant mes études de commerce.
Le projet est passionnant parce qu’il y a un vrai combat à mener pour éduquer les esprits et faire changer les choses.
Bien sûr, ce n’est pas facile tous les jours. Par exemple, on ne peut pas faire de post publicitaires sur Facebook ou Instagram à cause de notre positionnement.

JS : Quels sont les objectifs à atteindre pour autoriser l’utilisation de ces plantes en cosmétique ?

LB : La priorité est de mettre en avant l’utilisation de la fleur. Certains cannabinoïdes sont objectivés à l’étranger mais toujours pas en France.
L’avenir du cannabis dans la cosmétique ne réside pas dans l’huile, il faut s’intéresser à l’ensemble des molécules de la plante !
Il est impératif de communiquer afin de déconstruire ces clichés et lutter activement contre la diabolisation intempestive.
Enfin, travailler avec les institutions officielles est évidemment nécessaire pour marcher vers un assouplissement des règles.

JS

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