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mercredi 4 novembre 2015Produits

Vernis à ongles à l’eau : où en est-on ?

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Dans la grande saga du vernis à ongles, une question revient de façon récurrente depuis de nombreuses années, celle des vernis à base d’eau. Longtemps réservés à l’usage des enfants, un marché marginal, ils continuent de susciter l’intérêt. Qu’en est-il à ce jour ? Nous avons demandé à un expert de ces questions de nous faire le point. Jean Claude Le Joliff.

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Le marché des vernis à ongles est en très forte progression depuis plusieurs années et a plus que doublé depuis 2006. Avec 7,4 milliards d’unités vendues, il a généré un chiffre d’affaires de 46,5 milliards d’euros en 2012. La part des vernis à ongles à l’eau reste marginale devant les volumes des vernis en phase solvant, malgré le potentiel de réduction des émissions de solvants qu’ils représentent. Les contraintes techniques et réglementaires spécifiques à ce type de vernis sont sans doute une explication à cette faible part de marché, mais il reste certain que le basculement de la technologie solvant vers la technologie aqueuse sera lié à la qualité des produits proposés.

Généralités

Formulation

Comme tous les vernis, le vernis à ongles aqueux se compose d’un liant polymère qui, après séchage, forme un film sur l’ongle, la couleur étant apportée par des colorants ou des pigments. Les autres ingrédients sont les agents de coalescence qui aident à la formation du film, les agents rhéologiques pour régler la viscosité, les anti-mousses, les dispersants pour les colorants et les conservateurs, pour ne citer que les principaux. Cependant, la formulation d’un vernis à ongles à l’eau est techniquement plus compliquée que celle d’un vernis solvant du point de vue de la mise œuvre des différents ingrédients

Cette difficulté technique de la formulation d’un vernis à ongles aqueux est liée à l’état physique du liant polymère, qui n’est pas solubilisé dans l’eau mais en suspension sous forme de particules de taille inférieure à 150 nm. Il faut conserver la stabilité de cette suspension pendant la préparation du vernis. Tout l’art consiste à choisir et à introduire les autres ingrédients de la formulation de façon à obtenir les propriétés et les effets désirés, tout en veillant à ne pas déstabiliser la préparation.  Le vernis final doit également conserver sa stabilité durant plusieurs années.

La fabrication des vernis à ongles à l’eau exige également des investissements et des précautions pour éviter toute contamination par les micro-organismes. Chaque vernis est donc contrôlé en fin de fabrication pour vérifier leur absence.

Avantages et inconvénients

Le principal avantage des vernis à ongles à l’eau est bien entendu un plus faible impact écologique du fait l’absence de solvant. Un vernis à ongles étant composé d’environ 70 % de solvant, on comprend que leur remplacement par de l’eau réduit considérablement les émissions de composés volatiles dans l’atmosphère. L’utilisation de l’eau réduit également à néant les risques liés à la haute inflammabilité des solvants, que ce soit au niveau domestique ou industriel. L’absence de solvant se traduit également par une moindre agression de l’ongle lors de l’application du produit, même si certains vernis à ongle à l’eau nécessitent un dissolvant pour le démaquillage. Enfin, l’application d’un vernis en phase aqueuse présente plus de confort à l’application, du fait de l’absence d’odeur liée à la présence de solvant.

Si le temps de séchage des vernis à ongles à l’eau est plus long que pour les vernis dans les solvants, il reste cependant très acceptable et se situe entre trois et cinq minutes, selon le type de vernis.

Il faut cependant admettre qu’il est difficile d’obtenir certaines propriétés qui font la force des vernis en phase solvant, comme la dureté et surtout la tenue sur l’ongle. À l’heure actuelle, une tenue de plus de trois jours avec un vernis à ongles à l’eau n’est pas envisageable.

Paradoxalement, le coût d’un vernis à ongles à l’eau est également plus élevé que celui d’un vernis solvant du fait des plus faibles volumes fabriqués et des coûts de matières premières et de fabrication plus importants.

Les différents types de vernis à ongles à l’eau

Vernis "conventionnel"

Ces vernis se placent sur le même segment de marché que les vernis solvants à séchage "air", mais sont formulés dans l’eau. Ils doivent donc présenter les mêmes caractéristiques en ce qui concerne la facilité d’application, l’aspect sur l’ongle, la durabilité. Le choix des matières premières, notamment du liant polymère, permet de s’approcher des caractéristiques désirées. Si des progrès certains ont été obtenus ces dernières années en ce qui concerne la brillance, la dureté, le rendu sur l’ongle, etc…, force est de constater que la durabilité reste encore inférieure à celle des vernis solvant, mais une tenue de trois jours peut tout de même être obtenue. Ces vernis se démaquillent à l’aide des dissolvants classiques et sont parfois plus difficiles à démaquiller que leurs homologues en phase solvant, du fait des masses moléculaires élevées des polymères utilisés pour les formuler.

Vernis à ongle pelable ou "peel off"

Ce type de vernis est sans doute celui qui présente le plus de flexibilité d’utilisation pour la consommatrice et est le plus écologique en ce qui concerne les émissions de solvants. Il peut être le vernis d’un jour ou d’une soirée, car il se démaquille par simple pelage sans aucun dissolvant. Il est donc très aisé de l’enlever le soir et ainsi de laisser respirer l’ongle pendant le sommeil. Il permet également d’assortir chaque matin la couleur de ses ongles à sa tenue du jour. Et tout cela pratiquement sans émission de solvant, et donc sans odeur, car formulé dans l’eau et démaquillable sans solvant ! Ce résultat est obtenu par le choix judicieux du liant polymère et des additifs de la formulation. En plus de leur facilité de pelage, ces vernis présentent également une tenue sur l’ongle suffisante (jusqu’à plus d’une journée), une grande brillance, une bonne résistance à l’eau.

Vernis à ongles pour enfants

Le marché des vernis à ongles pour enfants n’est pas négligeable. Le problème de la tenue sur l’ongle ne se pose évidemment pas dans ce cas, car le vernis doit être très facilement enlevé afin d’éviter toute agression de l’ongle chez l’enfant. Des vernis pelables peuvent être utilisés et on en trouve certains sur les marchés spécialement destinés à l’enfant. Cependant, une gamme démaquillable sous le robinet avec du savon a été développée et est largement commercialisée, car ce type de démaquillage est le plus simple pour l’enfant et nécessite moins d’implication de la part des parents.

Réglementation

Les vernis à ongles doivent satisfaire à la réglementation cosmétique. Le choix de certains ingrédients est limité par des listes positives qui listent les matières premières autorisées. C’est le cas pour les colorants (ou pigments) et pour les conservateurs (biocides, antifongiques). Les autres ingrédients ne doivent pas figurer sur les listes de produits interdits et ne pas être toxiques, bien entendu.

De plus, la profession exige de plus en plus que tous les ingrédients de la formulation du vernis à ongles soient enregistrés sur le fichier des ingrédients cosmétiques avec un nom INCI, qui est la nomenclature internationale des ingrédients cosmétiques. Ceci signifie que l’utilisation d’une matière première non interdite doit faire l’objet d’un enregistrement INCI si celui-ci n’a pas déjà été fait par ailleurs. Cela représente un coût relativement modeste mais nécessite l’accord du fabricant de cette matière première pour divulguer un nom chimique.

Un problème, qui se pose notamment pour les matières colorantes, est que les listes positives ne sont pas communes au niveau mondial. Ainsi les matières colorantes autorisées en Europe ne le sont pas forcément aux USA, au Japon ou en Chine. De plus, certains, approuvés au niveau mondial, ne sont pas utilisables dans les vernis à ongles à l’eau car ils ont tendance à tacher l’ongle. Il est alors très difficile de développer des gammes de vernis à ongles aqueux ayant des couleurs attractives commercialisables mondialement, ce qui est une contrainte énorme pour les marques et les fabricants.

La liste des conservateurs autorisés ne cesse de s’amoindrir au fur et à mesure que la législation évolue suite aux tests toxicologiques constamment effectués, ce qui complique d’avantage la tâche du formulateur pour qui il devient difficile de trouver un système conservateur efficace, capable de préserver le vernis à ongles pendant des années contre le développement des bactéries et moisissures.

À ceci s’ajoutent les précautions prises par certaines marques qui interdisent dans leurs formules des matières premières autorisées mais sujettes à une mauvaise presse, parfois injustifiée. Les colorants azoïques, par exemple, font maintenant partie de ces ingrédients que certains voudraient éviter, mais il n’existe pas d’alternative pour obtenir les gammes de couleurs particulièrement appréciées sur le marché des vernis.

Conclusion

Le choix des matières premières pour la formulation des vernis à ongles à l’eau reste limité du fait de la nécessité évidente d’utiliser des ingrédients exempts de toxicité et du fait des contraintes réglementaires propres à la cosmétique s’appliquant aux vernis à ongles. Ceci limite les voies de de développement techniques et impacte les possibilités d’amélioration des propriétés de ces vernis. Le développement de matières premières spécifiques pourrait sans doute faire sauter certains verrous techniques, mais les relativement faibles volumes actuels n’encouragent pas les fabricants de matières premières à investir dans ce domaine.

Malgré des conditions difficiles, des concepts très intéressants ont été développés, tels que les vernis de type "peel off" qui allient facilité et flexibilité d’utilisation, un bel aspect sur l’ongle avec un impact réduit sur l’environnement, ce qui devrait intéresser une partie des consommatrices aimant le changement et soucieuses de laisser l’ongle se régénérer pendant leur sommeil.

Cette contribution a été réalisée par Serge Magnet.

Serge est Ingénieur de l’École de chimie de Lyon CPE (ESCIL) en 1985, puis a obtenu un Doctorat en chimie macromoléculaire en 1989. Il a effectué une partie de sa carrière en R&D sur la synthèse de polymères et leur application en peinture, notamment chez ICI paints, Eliokem (ex Goodyear chemicals) et Synthron. Depuis 2013, chez Fiabila , il s’occupe du développement de vernis à ongles en phase aqueuse.


Pour en savoir plus

Une formule de vernis à l’eau est composée généralement de :
• un liant : polymère acrylique dispersé dans l’eau,
• de l’eau comme milieu de dispersion, environ 60 % de la formule,
• des agents coalescents pour aider à la formation de film, qui s’évaporent lorsque le film sèche : ce sont principalement des éthers de polyéthylène glycol,
• des agents anti-mousses,
• des épaississants : épaississants acryliques ou polyuréthanes,
• des conservateurs ou biocides/fongicides : n’importe lequel de la liste positive de la cosmétique peut être utilisé, comme certains parabènes autorisés ou le phénoxyéthanol, assez courant,
• des colorants ou pigments (liste positive),
• des dispersants pour la dispersion des pigments : spécifiques pour les vernis à l’eau, ils permettent la dispersion et la stabilisation des pigments sous forme de particules très fines et donc un bon développement de la couleur,
• éventuellement des additifs de surface pour "lisser" la surface du film de vernis et la rendre plus hydrophobe : ce sont généralement des dérivés de silicone.

On retrouvera des informations sur les vernis à base d’eau à destination des enfants en relisant cet article publié par L’Observatoire des Cosmétiques , dans lequel figure les formulations type que nous reprenons quelques-unes ci-dessous.

Nailmatic kids

Ingrédients : Aqua (Water), Styrene/Acrylates copolymer, PPG-3 Methyl ether, Phenoxyethanol, Sodium bicarbonate, Lithium magnesium sodium silicate [nano], Acrylates copolymer, PEG-12  Dimethicone, Disiloxane, Ethylhexylglycerin, Bentonite, Tetrasodium pyrophosphate [Nano], Tocopherol, May Contain (+/-) : CI 77891 (Titanium dioxide), CI 11680, CI 77007 (Ultramarines), CI 73360 (Red 30 Lake), CI  74260, CI 74160, CI 15880 (Red 34 Lake), CI 77491, CI 77492, CI 77499  (Iron oxides), CI 15850 (Red 6 Lake, Red 7 Lake), CI 77266 [nano] (Black  2), CI 42090 (Blue 1 Lake).

Namaki

Ingrédients : Water (Aqua), Acrylates copolymer, PPG-2 Methyl ether, PEG-7 Glyceryl cocoate, Diisobutyl glutarate, Disiloxane, PEG-150/Decyl alcohol/SMDI copolymer, Ethylhexylglycerin, Hectorite, Diisobutyl adipate, Diisobutyl succinate, Bentonite, PEG-12 Dimethicone, Phenoxyethanol, Propylene glycol, Mica, Styrene/Acrylates copolymer, Tocopherol. May Contain (+/-) : CI 77007  (Ultramarines), CI 15880 (Red 34 Lake), CI 15850 (Red 7 Lake), CI 77891  (Titanium dioxide).

Maman va être jalouse

Ingrédients : Aqua, Styrene/Acrylates copolymer, PPG-3 Methyl ether, CI 77891, Phenoxyethanol, Sodium bicarbonate, Lithium magnesium sodium silicate [nano], Acrylates copolymer, PEG-12 Dimethicone, Disiloxane, CI 77007, Ethylhexylglycerin, Tetrasodium pyrophosphate [nano], Bentonite, Tocopherol.

Snails

Ingrédients : Aqua, Styrene/Acrylates copolymer, PPG-3 Methyl ether, Synthetic fluorphlogopite, CI 77007, Phenoxyethanol, CI 77891, Hectorite, Disiloxane, Sodium bicarbonate, PEG-12 Dimethicone, Propylene glycol, PEG-150/Decyl alcohol/SMDI copolymer, CI 15880, Ethylhexylglycerin, Tin oxide, Bentonite, Tocopherol.

Little BU

Ingrédients : Aqua (Water), Styrene/Acrylates copolymer, PPG-3 methyl ether, Phenoxyethanol, Hectorite, Disiloxane, Sodium bicarbonate, PEG-17  Dimethicone, Titanium dioxide (CI 77891), Propylene glycol, PEG-150/Decyl alcohol/SMDI copolymer (CI 74160), Ethylhexylglycerin (CI  11680), Bentonite, Tocopherol.

Jean Claude Le Joliff

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