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mercredi 14 février 2018Tendances

Formuler autrement ?

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Ces termes reviennent de plus en plus fréquemment dans les préoccupations de certains acteurs de notre profession. Il finit même par constituer un mode de pensée unique qui viendrait remplacer le précédent. Ce billet m’a été inspiré par le pertinent article de Jacques Sebag dans Expression Cosmétique n°48, dans lequel, après quelques rappels dont celui de Pickering, il discute de certains concepts autour de nouveaux ingrédients.

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Dans le camp des émulsions de Pickering, nous sommes à peu près dans la situation de Monsieur Jourdain, car sans le savoir, les formulateurs appliquaient consciemment ou inconsciemment ce concept en ajoutant des particules chargées dans certaines formulations : les Aérosil ne sont pas d’hier ! Que les choses se structurent plus précisément autour du concept : tant mieux. Les substances qui sont discutées sont, semble-t-il, particulièrement intéressantes. Attention toutefois au concept de nano qui est le vrai fait nouveau !

Il discute ensuite la notion de "formule minimaliste", de celles qui sont faites avec un nombre limité d’ingrédients. Ce concept, déjà développé par certaines marques (solution 10 de Chanel) ou encore repris comme thème central du concours de formulation du Cosmétagora : "formuler avec 10 ingrédients pour les 10 années du Cosmétagora", va dans le sens de la simplification du formulaire. Le concours du Cosmétagora a montré que c’est parfaitement possible.

Cette démarche est-elle nouvelle ? Pas tant que ça.

Rappelons-nous d’un temps que certains ne peuvent pas connaître, dans lequel les fabricants s’ingéniaient à proposer des bases de formulation dans lesquelles il suffisait de rajouter des ingrédients simples, comme une huile ou de l’eau, pour obtenir un produit fini. Ça s’appelait, Protegin, Emulzone, bases auto-émulsionnables etc.

Sous la pression de différents facteurs, ces pratiques ont petit à petit disparues, et même si dans certains cas on retrouve des ingrédients dans les fonds de catalogue, il est bien rare qu'elles aient encore cours. La meilleure maîtrise des ingrédients, la recherche d’optimisation des coûts, le développement des contraintes réglementaires, l'optimisation des portefeuilles d’ingrédients, la recherche de certification des approches, etc. ont fait que, petit à petit, les formulateurs ont remonté la filière de formulation jusqu’aux ingrédients de base. Cette tendance a été tellement forte qu’elle a fini, par un effet de balancier, par déboucher sur des formules pléthoriques, longues comme des jours sans fin, dans lesquelles la liste des ingrédients occupe quelquefois plusieurs faces du packaging.

Cette question déjà pointée du doigt, entre autres, avec la tendance du "sans", prend actuellement tout son sens. La réduction des délais de développement, la multiplication des produits, les boxes, l’effet de la K-Beauty… font qu’il faut maintenant faire très vite, en essayant autant que possible de faire très bien ! Bien voulant dire, stable… encore que !!!!! et sûr (safety) sans parler d’agréable (texture).

D’une façon ou d’une autre, cette tendance conduit à la réapparition de ces fameuses "bases de formulation", auxquelles il suffit de rajouter quelques éléments, et en particulier les ingrédients fonctionnels comme les actifs, pour que le produit soit fait.

Je n’ai personnellement rien contre ces pratiques, pour les avoir aussi pratiquées et recommandées bien souvent. La seule question qui se pose à ce niveau étant de savoir si on achète ces bases ou si on les fait soi-même. Mais ne serait-ce pas le retour à une certaine forme de mixologie ? Il ne faudrait surtout pas oublier les bases essentielles de la physicochimie et faire en sorte que ces systèmes formulaires nous fassent retourner plusieurs années en arrière, avec l’absence totale de maîtrise et surtout de compréhension des phénomènes qui sont mis en œuvre. Faire simple, c’est une chose, tomber dans le simplisme en est une autre.

Jacques propose dans son papier que l’innovation porte plus sur les textures que sur les actifs : pourquoi pas ! Et tant mieux, encore qu’il ne faille pas négliger l’appétence des marques pour les concepts scientifiques. Mais faisons attention à ce que l’utilisation de spécialités particulièrement robustes en termes de formulation, permettant de faire très rapidement et très simplement des choses, ne conduisent pas les formulateurs à faire un peu n’importe quoi, n’importe comment, du moment que ça se mélange, concept de base de la mixologie !!!!!! Pour que les formulateurs soient au centre du développement produit, ils doivent comprendre les concepts et les effets qu’ils mettent en œuvre.

Dans un autre article , cette notion de développement rapide est abordée sous l’angle du recours aux formules de départ. Nous avions déjà discuté de cette pratique dans ces colonnes . Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une question importante, et que la conservation des éléments techniques des produits déjà développés devient de plus en plus importante à consigner et à conserver. Cette notion est d’ailleurs renforcée par l’idée qu’un jour, on pourrait peut-être utiliser l’intelligence artificielle pour faire du développement. La chose qui semble manquer le plus à ce stade n’est pas l’offre ingrédient (elle est très largement pléthorique), mais un ingrédient bien spécifique : le temps !!! Dès que c’est fini, on passe à autre chose, en oubliant très vite ce qui s’est passé. La Cosmétothèque essaie de ne pas oublier, mais aidez-nous !
Une dernière condition : un travail de proximité entre les fournisseurs et les formulateurs , et pas de substitution !

Alors oui, formuler autrement est une nécessité, mais pas formuler n’importe comment.
Je vous souhaite bon courage à toutes et à tous.

Jean Claude Le Joliff

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