C’est la grande tendance du moment, le Do It Yourself est absolument partout. Internet fourmille de recettes, tutoriels et autres conseils en tous genres pour préparer soi-même ses produits de beauté. La promesse ? Avoir des soins sûrs dont on connait les ingrédients et réaliser des économies tout s’amusant lors de la fabrication. Au-delà du plaisir que l’activité peut procurer, certaines règles sont à prendre en compte si l’on souhaite se lancer dans la cosmétique maison. La FEBEA a initié une campagne pour sensibiliser les consommateurs aux règles fondamentales à respecter pour garantir leur sécurité
Anne Dux, directrice des Affaires Scientifiques et Règlementaires de la FEBEA, a abordé, au cours d’un atelier presse le mardi 14 novembre 2017, cinq points majeurs liés aux bonnes pratiques de préparation des cosmétiques maison.
Le choix de la recette et des ingrédients
Le mieux est l’ennemi du bien, cet adage est également valable en cosmétique. Si l’on souhaite faire ses propres produits de beauté, il est préférable de se lancer dans la confection de soins simples, à la liste d’ingrédients relativement courte.
Avant de jeter son dévolu sur un tutoriel, s’assurer que son auteur est au fait de la réglementation cosmétique est absolument indispensable. En effet, tout le monde ne sait pas forcément qu’en Europe (donc en France), environ 2000 substances sont interdites dans la fabrication de produits cosmétiques et que l’utilisation de 300 autres ingrédients est strictement réglementée. Anne Dux ajoute qu’il "est de bon ton de comparer plusieurs recettes afin d’apprécier laquelle est la plus cohérente".
En ce qui concerne l’achat des matières premières, Elle invite le consommateur "à se rapprocher de fournisseurs européens reconnus sur le marché". Ainsi, les substances achetées sont conformes à la règlementation en vigueur.
La FEBEA conseille également "d’utiliser des produits et/ou des ingrédients avec des indications en français, de demander conseil à un professionnel avant d’utiliser des huiles essentielles, de privilégier des ingrédients certifiés bio pour les ingrédients végétaux et de favoriser l’argile de très bonne qualité pour éviter qu’elle ne contienne des métaux lourds".
Les précautions d’emploi
• Les règles d’hygiène
Une cuisine ou une salle de bain, aussi propres soient-elles, ne sont pas soumises aux mêmes règles d’hygiène qu’un laboratoire cosmétique. Il est impératif d’observer des gestes élémentaires comme bien se laver les mains et nettoyer le plan de travail ainsi que les ustensiles que l’on utilise. "Contrairement à ce que les gens croient, l’alcool ne nettoie rien, il fixe les germes. Il faut utiliser des détergents", ponctue Anne Dux.
• Les récipients à utiliser
Il y a également des soucis de microbiologie. Elle explique qu’un "consommateur peut tout à fait décider d’ajouter des conservateurs à sa formule. Toutefois, celui qui décide de ne pas en mettre va devoir adopter un comportement différent selon que le produit contient de l’eau ou non. Pour des huiles ou parfums, il n’y a pas de souci de conservation, mais dès lors qu’il s’agit d’une émulsion aqueuse, il y a un risque de contamination microbienne. Dans ce cas, nous conseillons d’utiliser des récipients fermés, de taille adaptée à la quantité de soin réalisée". Elle ajoute qu’il est préférable de choisir des flacons-pompes pour éviter de mettre ses doigts en contact avec le produit. Enfin, les contenants opaques et en verre sont idéaux car ils évitent les interactions contenant/contenu et empêchent la dégradation due à la lumière.
• Comment conserver les produits faits maison
En ce qui concerne la question de la conservation, "la FEBEA a pris le parti de dire qu’à partir du moment où un consommateur fait un produit aqueux sans conservateur, il peut le conserver 15 jours au réfrigérateur. Il n’y a pas de données scientifiques qui justifient un tel choix mais le délai nous a semblé raisonnable. La plupart du temps, les gens utilisent des huiles essentielles qui ne sont pas autorisées comme conservateur dans la règlementation européenne mais qui ont des propriétés de conservation", explique Anne Dux.
Les effets indésirables
Elle indique que les produits cosmétiques industriels sont en général très bien tolérés, il y a peu d’effets indésirables. Les problèmes que l’on peut rencontrer à l’application est plus de l’ordre de la réaction cutanée allergique. Ce risque n’est pas moins important avec des cosmétiques faits maison. Comment s’assurer que l’on tolère bien tous les ingrédients utilisés dans la formule ? En appliquant une petite quantité du produit sur l’avant-bras et en attendant 48 h avant d’utiliser le produit sur le visage ou le corps en entier.
Conditions d’utilisation
Afin d’assurer au mieux la sécurité du consommateur lorsqu’il crée lui-même ses cosmétiques, Anne Dux rappelle "de ne pas faire de produits pour le contour de l’œil. C’est une porte d’entrée directe vers le cerveau. D’ailleurs, en matière de réglementation, les soins à destination de cette zone doivent répondre à des règles spécifiques en ce qui concerne la sécurité microbiologie. Il est donc extrêmement dangereux de fabriquer dans sa cuisine un contour des yeux ou un mascara".
Plus généralement, la FEBEA conseille de manipuler avec précaution les huiles essentielles et de ne jamais les appliquer sur les plaies et muqueuses, de ne pas fabriquer soi-même de produits solaires, et de demander conseil à un dermatologue si l’on réalise un soin à destination d’une peau atteinte de troubles cutanés.
La promotion et publicité des recettes
Au regard de la règlementation cosmétique, quelqu’un qui réalise ses produits pour lui n’est pas tenu de respecter les règles en vigueur. En revanche, "dès lors que les produits sont vendus, le créateur est tenu de respecter les lois. Il y a un problème de responsabilité à la clé. Même si l’activité est à but récréatif, à partir du moment où il y a un acte de vente, le statut change et l’on devient fabricant de produits cosmétiques même s’ils sont réalisés dans la cuisine. Les implications évoluent également, il faut être en accord avec le Règlement européen, déclarer aux autorités compétentes l’activité, et faire un dossier sur chacun des produits".
Celles et ceux qui prodiguent et diffusent des recettes sur Internet, sans vendre de produits finis, sont responsables de ce qu’ils partagent. "Il faut que la recette soit sûre. Sans répondre à la réglementation cosmétique, elle doit répondre à l’obligation générale de sécurité. Une fois réalisée, elle doit être conforme et aboutir à un résultat appréciable par les lois en vigueur en matière de composition et d’interaction", détaille Anne Dux.
En cas de litige, si la recette est conforme, la responsabilité de l’auteur ne pourra être engagée car on ne pourra jamais démontrer que le consommateur à bien suivi les conseils tels qu’ils ont été donnés. De plus, s’il est question de réaction allergique à un ingrédient, ce motif ne peut être imputable au prescripteur.
Le coût
L’économie est parfois un facteur décisif pour se mettre à faire des produits home-made. À ce sujet, Anne Dux interpelle sur "le coût de certaines matières premières. Un cosmétique complexe demande des ingrédients chers. De plus, les volumes achetés sont souvent nettement supérieurs à ceux utilisés, cela représente une perte financière non négligeable".
Plus qu’un phénomène de mode, la cosmétique Do It Yourself semble s’imposer de plus en plus. Ludique et amusante, elle n’en est pas moins sans risque et demande une grande rigueur.
Prudence est mère de sureté, y compris dans la beauté.
JS