Le secteur de la cosmétique pour bébés ne manque pas de polémiques inquiétantes sur la sécurité des produits. Régulièrement, des ingrédients sont ciblés comme étant potentiellement dangereux, des conseils sont diffusés recommandant d’éviter certains produits… Dans ce contexte anxiogène, les marques interviennent généralement assez peu, laissant la place publique aux “lanceurs d’alertes”. Mustela a décidé de réagir en s’adressant directement aux parents pour les aider à démêler le vrai du faux, une démarche nouvelle qui a été présentée lors d’une conférence de presse en forme de table ronde le 12 décembre dernier.
“Aujourd’hui, les parents sont très informés mais perdus face aux conseils très contradictoires qui leur parviennent. Ils veulent bien faire, évidemment, et cherchent la formule cosmétique parfaite pour leur enfant. Mais les informations qu’ils entendent les angoissent et tous les moments qui sont censés être des moments de plaisir et de partage avec leur enfant sont gâchés par ce contexte”, a souligné Céline Gerbier, directrice de la rédaction de Parole de mamans, en introduction de la table ronde.
Ainsi, 42 % des parents ont modifié leurs habitudes d’achat de produits cosmétiques pour leur enfant et huit mamans sur dix se déclarent inquiètes à cause d’une polémique à leur sujet*.
Pourquoi entend-on davantage les lanceurs d’alertes que les réponses des autorités et des scientifiques ?
Une première réponse est venue du sociologue Gérald Bronner, qui a beaucoup travaillé sur les croyances collectives, les erreurs de raisonnement et leurs conséquences sociales.
La dérégulation de l’information et l’effet “cocktail party”
Pour Gérald Bronner, il existe un effet psychologique assez connu, appelé “cocktail party” : “Quand vous êtes dans un cocktail”, a-t-il expliqué, “il y a beaucoup de conversations que vous croyez ne pas entendre, mais dans le brouhaha, il y trois types d’informations qui peuvent retenir votre attention, même à votre insu. Votre cerveau les entend, même s’il ne les traite pas. Le premier type relève de la sphère de la sexualité ; le deuxième concerne votre prénom ou votre nom s’il est prononcé (nous sommes tous plus ou moins égocentriques) ; le troisième relève du registre de la menace et de la peur”.
Or, dans la société contemporaine, nous sommes tous plongés dans une espèce de “cocktail mondial” : on croule sous un déluge d’informations, et seules quelques-unes attirent notre attention.
Déluge d’informations
Il faut savoir plus d’informations ont été diffusées depuis le début des années 2000 que depuis la création de l’imprimerie par Gutenberg. En 2005, 150 hexabits de données avaient été produites, ce qui déjà colossal ; en 2010, il en a été produit huit fois plus.
“On observe que, dans cette cacophonie gigantesque, les produits de la peur se diffusent beaucoup plus que les propositions scientifiques et argumentées, et ce de façon virale. Et c’est particulièrement vrai dès que la question touche aux enfants, qui constituent une catalyse des peurs collectives”, a indiqué Gérald Bronner.
Une des explications du sociologue est la structuration actuelle du marché de l’information. L’apparition d’Internet a provoqué sa dérégulation. Les anciens “gardiens du seuil” (journalistes, professeurs d’université, médecins, présidents d’associations, etc.), qui étaient considérés comme légitimes à prendre la parole dans l’espace public, ont vu leur influence s’amoindrir fortement. Et c’est un rapport de forces sans modérateurs qui s’est installé, et qui dépend essentiellement de la motivation des acteurs.
“Ces acteurs ne sont pas forcément mal intentionnés”, a souligné Gérald Bronner, “ils essaient le plus souvent d’alerter leurs concitoyens sur ce qui serait éventuellement dangereux, mais en général, ils le font sans méthode, et en particulier sans se soumettre aux prescriptions de la méthode scientifique. Et ils arrivent à diffuser des informations qui attirent particulièrement l’attention”.
La balance inéquitable du cerveau face à la peur
Le sociologue a encore expliqué que ces propositions intellectuelles qui relèvent de l’idéologie de la peur, dans le contexte de la dérégulation de l’information, rencontrent le fonctionnement ordinaire du cerveau.
Dans certains cas, cet outil formidable, l’objet de l’univers le plus complexe qu’on connaisse avec un million de milliards de connexions, “déconne systématiquement”, a-t-il dit.
Et en particulier lorsque nous sommes confrontés à des situations d’incertitudes, de risques ou de dangers, des pentes naturelles de l’esprit nous conduisent à surestimer intuitivement les faibles probabilités, avec un coefficient de 10 ou 15 (un chiffre qui a été mesuré expérimentalement). Dès lors, quand on est confronté à un risque très faible (et le risque zéro n’existe pas), on a tendance à multiplier ses probabilités, et en particulier si ça touche au domaine de l’enfance.
“Un médicament, par exemple, a toujours des coûts et des bénéfices, mais notre cerveau a une balance très inéquitable : pour compenser 1 euro de coût, il faut psychologiquement 2,5 euros de bénéfices. Ce qui explique qu’on part avec un sacré retard quand on essaie de lutter avec les armes de la science contre les idéologies de la peur”, a-t-il conclu.
L’influence sur l’utilisation des produits cosmétiques
Résultat : les inquiétudes s’installent et les questions qu’elles engendrent font naître des idées fausses, qui peuvent s’avérer bien plus dommageables que l’utilisation des produits qui en sont à l’origine.
Faut-il laver bébé ?
40 % des parents lavent leur enfant tous les jours, 43 % tous les deux jours, 16 % une à deux fois par semaine*.
“Laver le bébé est pourtant indispensable, puisqu’il peut être en permanence en contact avec des poussières, des poils d’animaux, des microbes, des salissures”, a affirmé le Dr Rémy Assathiany, pédiatre à Issy-les-Moulineaux.
Le bain doit ainsi être donné au moins deux à trois fois par semaine, selon ce spécialiste, et même tous les jours si le bébé et le parent apprécient ce moment. Et ce n’est pas seulement un rituel d’hygiène mais aussi de plaisir et d’échanges privilégiés bénéfiques au développement de l’enfant.
Et il faut souligner que l’eau ne suffit pas à laver, contrairement à ce qu’on entend assez souvent, “parce que la majorité des salissures ne peuvent pas être décollées et éliminées de la peau sans un agent gras”, a indiqué Christine Lafforgue, Dermo-pharmacologue de la Faculté de pharmacie Université Paris-Sud.
Le produit choisi pour ce faire doit être doux pour ne pas agresser la peau encore immature du nourrisson. Et mieux éviter les savons, type savons de Marseille, qui, s’ils sont naturels, ont aussi un pH très alcalins et très agressifs pour la peau dont le pH est plutôt acide.
Les bases lavantes douces, qui doivent cependant être bien rincées pour éviter l’irritation et l’assèchement de la peau, sont bien préférables.
Faut-il hydrater bébé ?
Les parents ont aussi tendance à utiliser de moins en moins de produits et uniquement ceux qui paraissent indispensables. Ainsi, 15 % des parents n’hydratent jamais la peau de leur enfant, 25 % le font rarement, 37 % de temps en temps et seulement 19 % tous les jours.
Or, pour le Pr Pierre Vabres, Chef du service de Dermatologie au Chu de Dijon, l’hydratation n’a aucun effet indésirable, au contraire, elle est indispensable : “Quand la peau est sèche et peut prédisposer à la dermatite atopique, il a été montré qu’une hydratation précoce et quotidienne avait des effets préventifs et que les eczémas se développaient moins”, a-t-il indiqué.
L’application du produit hydratant est aussi un moment privilégié au travers du massage, dont Bénédicte Thiriez, puéricultrice à Thionville, a rappelé tous les avantages pour le bien-être et le lien d’attachement entre le parent et l’enfant.
Faut-il passer au bio ?
Le bio peut aussi apparaître comme une valeur refuge : 44 % des mamans vérifient l’existence d’un label bio au moment de choisir un cosmétique pour leur bébé, selon une étude de l’Institut des mamans réalisée en 2016.
Une solution qui n’est pas forcément l’idéal, puisque Christine Lafforgue a rappelé que, si les cahiers des charges des référentiels bio mettaient à l’abri de certaines substances, par exemple les pesticides, les produits n’étaient pas forcément meilleurs pour la peau, puisqu’ils pouvaient éventuellement se révéler allergisants ou irritants.
Faut-il se priver du parfum ?
61 % des mamans reconnaissent l’importance de l’odeur du produit qu’elles choisissent pour leur bébé, mais 57 % affirment préférer les produits sans parfum.
Pour le Pr Pierre Vabres, le parfum ne doit pourtant pas faire peur. Même s’il peut contenir des molécules allergisantes, la fréquence de l’allergie aux substances parfumantes des produits cosmétiques est extrêmement faible chez les enfants.
Informer et rassurer : la démarche Mustela
Cette table ronde a été l’occasion de rappeler que la réglementation cosmétique européenne était une des plus strictes et des plus protectrices au monde… même le temps législatif est toujours plus long que le temps du message alarmant concernant une substance dont on découvre le potentiel indésirable.
Aujourd’hui, 64 % des mamans disent faire attention à la composition des produits cosmétiques qu’elles achètent pour leur bébé**… mais la comprennent-elles parfaitement ?
Face aux idées fausses et aux peurs récurrentes des parents, Mustela a élaboré une réponse en deux volets, pour à la fois restaurer la confiance des parents dans les produits qu’elle propose, et les rassurer en leur donnant les bonnes informations.
La naturalité raisonnée
Franck Menu, Responsable Innovation et Développement cosmétique de Mustela, a souligné que la marque avait mis en place une charte de qualité et de sécurité encore plus exigeante que les règles qui s’appliquent à tous les produits cosmétiques, basée sur une naturalité raisonnée, une sélection rigoureuse des ingrédients utilisés et une politique d’éviction de nombreuses substances (allergisantes, irritantes, asséchantes ou potentiellement dangereuses)… placées en liste rouge, ainsi qu’une validation des formules par des experts toxicologues indépendants pour assurer leur innocuité.
Mais ces arguments relèvent de la sphère des messages scientifiques… et, si l’on en croit Gérald Bronner, tout pertinents qu’ils soient, ils paraissent peu à même de convaincre face à la déferlante des informations de la peur. Et comment aujourd’hui peut-on demander aux parents de faire une confiance aveugle aux industriels ?
La plateforme d’informations
Mustela a donc décidé de s’adresser directement aux parents, en leur offrant des services et des informations, pour les aider à démêler le vrai du faux, répondre à leurs questions, apaiser les angoisses et faire entendre la voix de la raison malgré le contexte anxiogène.
Vincent Mouilleseaux, directeur dermocosmétique corporate de Mustela, a décrit cette démarche, qui va prendre la forme d’une nouvelle rubrique que le site Internet de la marque.
Des réponses aux questions et des informations cautionnées par des experts aux profils variés (dermatologues, allergologues, pharmacologues, pédopsychiatres, sages-femmes) seront proposées au travers de quatre thématiques :
• les gestes et les rituels de soin de la peau ;
• les problématiques de peau (atopie, irritations, croûtes de lait…) ;
• les ingrédients et la sécurité des formules ;
• les produits que les femmes enceintes peuvent utiliser.
Le tout dans un langage simple, facilement compréhensible et accessible, et avec des outils de recherche pour que les parents trouvent facilement les réponses à leurs questions.
Cette nouvelle plateforme sera lancée en février 2018.
En conclusion, Céline Gerbier a rappelé “l’importance de redonner de la sérénité aux parents pour qu’ils vivent mieux leur parentalité”.
La tâche n’est pas simple puisque, comme l’a souligné Gérald Bronner, partout dans le monde, on observe une augmentation généralisée de la méfiance vis-à-vis des corps institutionnels, et particulièrement en France, un des seuls pays au monde à avoir constitutionnalisé le principe de précaution.
Un concept qui peut être dangereux, selon le sociologue, puisqu’il implique qu’on se focalise davantage sur les coûts de nos actions que sur ceux de notre inaction.
“On se pose davantage la question des éventuelles conséquences de l’utilisation d’un produit que celle des conséquences de sa non-utilisation”, a-t-il souligné.
C’est toute la problématique du bénéfice-risque, et peut-être le message essentiel à faire passer aux parents en leur conseillant de se demander ce qui se passera s’ils ne lavent pas leur bébé, plutôt que de s’inquiéter de ce qui pourrait éventuellement se passer s’ils le lavent avec tel produit…
*Étude réalisée pour l’Institut des mamans auprès de 300 mamans d’enfants de 0 à 3 ans en septembre 2017.
**Sondage réalisé par l’IFOP auprès de 514 mamans d’enfants de moins de 2 ans en novembre 2015.