Suite à l’entrée en vigueur des nouvelles règles applicables aux allégations cosmétiques prévues par le Document Technique européen et la 8e Recommandation Produits Cosmétiques de l’ARPP française, une grande majorité des allégations “Sans…” sont interdites depuis le 1er juillet. Un “enfumage”, selon Romain Ruth, président de Cosmébio. D’après lui, ces deux textes n’ont aucune valeur légale et ne peuvent en aucun cas contraindre les professionnels de la beauté à abandonner ces allégations.
C’est à l’occasion d’une conférence de presse donnée à Paris, le 20 septembre 2019, que Cosmébio, par la voix de Romain Ruth, s’est exprimé sur l’interdiction des “Sans…” depuis le 1er juillet 2019.
Le président de l’Association Professionnelle de Cosmétique Écologique et Biologique avait déjà qualifié ces nouvelles règles “d’atteinte à la liberté”. Deux mois plus tard, il campe sur ses positions. “Après le scandale de la norme ISO 16128, certaines associations ont fait croire, y compris à des professionnels du secteur, qu’une nouvelle règlementation était entrée en vigueur et interdisait les allégations ‘Sans…’. Ces termes forts indiquent donc que toute l’industrie doit s’y conformer. Je ne compte plus les articles de presse qui ont relayé cette nouvelle, ni les confrères qui m’ont contacté en étant persuadés que les ‘Sans…’ étaient interdits. Cette information est fausse. Aucune loi n’est entrée en vigueur, juste une recommandation d’un groupe de travail de la Commission européenne qui a précisé qu’il serait mieux de ne pas utiliser les allégations ‘Sans…’ sur un certain nombre d’ingrédients”, déclare-il.
Des textes ”vides” ?
Selon Cosmébio, “la version 8 de la Recommandation Produits Cosmétiques de l’ARPP indique, entre autres, que l’utilisation d’une allégation portant sur l’absence d’un ou de plusieurs ingrédients ou d’une catégorie d’ingrédients n’est possible que si cette allégation (…) ne constitue pas l’argument principal de la communication et [qu’elle] répond à l’ensemble des Critères Communs établis par le Règlement (UE) n°655/2013 (…) et aux bonnes pratiques de son application développées dans le Document technique sur les allégations cosmétiques publié le 3 juillet 2017 par la Commission européenne et ses versions ultérieures. Elle sous-entend que les allégations ‘Sans…’ ne seraient plus possibles pour informer de l’absence d’un ingrédient perçu négativement par l’opinion publique, mais autorisées par le Règlement Cosmétiques. Pourtant, nous rappelons qu’aucune norme juridique ne bannit les allégations ‘Sans…’. L’ARPP et le Document Technique initialement publié le 3 juillet 2017 n’ont aucune valeur légale. Ils ne peuvent en aucun cas entraver la liberté des entreprises d’employer des mentions qui délivrent une information légitime au consommateur et que ce dernier attend. En matière d’allégations relatives aux produits cosmétiques, seul le Règlement n°655/2013 est juridiquement opposable en cas de litige. C’est d’ailleurs le seul qui est traduit en français. Et celui-ci interdit le ’dénigrement d’un ingrédient utilisé de manière légale’. Enfin, Le Document Technique lui-même précise qu’il ne vaut pas règlement : ’ce n’est pas un document de la Commission européenne. Il sert d’outil, au cas par cas, il n’a pas valeur légale. Seule la Cour européenne de Justice peut donner une interprétation faisant autorité des normes légales de l’Union européenne’”.
Romain Ruth a également précisé que Cosmébio s’est rendu à la DGCCRF afin de s’assurer que l’autorité de contrôle partage la même lecture de la situation que l’association. Bilan : “Nous avons rencontré les fraudes, et le chef du Bureau m’a indiqué avoir la même analyse que nous, à savoir qu’il n’y a ni nouveau texte de loi, ni modification législative. Il serait impensable qu’il puisse y avoir des inspections dans ce sens”.
Suivre ou ne pas suivre ? Telle est la question
Pour autant, une question reste en suspens : les marques ont-elles suivi les directives de l’ARPP et du Document Technique ?
“Les réactions sont vraiment très diverses sur les centaines de marques”, analyse-t-il. “Certaines très grosses marques historiques de la bio avaient décidé de ’rentrer en résistance’ avant même de s’apercevoir qu’il n’existait en réalité aucune contrainte légale. D’autres, dans l’emballement généralisé (services réglementaires internes qui anticipent… distributeurs nationaux qui se font manipuler… distributeurs étrangers dans les pays limitrophes qui entendent parler d’un changement réglementaire), ont déjà modifié leurs packagings avant de comprendre la situation. Globalement, les marques issues du conventionnel, souvent intégrées à des sociétés qui militent en faveur de l’interdiction pure et simple des allégations ‘Sans…’, suivent ces recommandations, également dans le but de montrer la marche à suivre à défaut de démonter la pertinence de la chose. Reste la catégorie des tout petits, qui ne voulaient pas ou n’avaient pas les moyens de tout changer à toute vitesse. En résumé, les réactions ont été très variables. Mais les changements contraints interviennent à la suite de cet ’enfumage’”.
Alors qu’on croyait les allégations “Sans…” mortes et enterrées, Cosmébio semble bien décidé à faire de la résistance.