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lundi 1 juillet 2019Actualités

L'interdiction des "Sans..." : pour Cosmébio, une mauvaise lecture du droit et une atteinte à la liberté

La position de Cosmébio sur l'interdiction des allégations "Sans..."

L’interdiction des allégations “Sans…” sur les étiquettes des produits cosmétiques est-elle justifiée ou est-ce une attaque dirigée à l’encontre de la cosmétique naturelle et biologique ? A-t-elle un réel fondement juridique ? Non, répond Romain Ruth, qui voit dans cette mesure une lecture erronée et abusive du droit opposable et une atteinte injustifiée à la liberté, des marques innovantes et des consommateurs. Le 1er juillet 2017, date de son entrée en application, le Président du Conseil d’Administration de Cosmébio a répondu aux questions de CosmeticOBS.

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CosmeticOBS : Pourquoi défendre les allégations “Sans…” ?

Romain Ruth : Ce qui nous a guidés au départ chez Cosmébio, c’est le désir du consommateur et l’idée était de lui permettre d’avoir une cosmétique vraiment biologique et naturelle, alors même que fleurissaient des cosmétiques “inspirés par la nature” mais qui n’avaient pas le début d’un ingrédient naturel dans leur formule. Dès le départ, on a voulu bannir ce qui n’était évidemment pas naturel, et dont le consommateur ne voulait plus. On s’est retrouvés, au début des années 2000, précurseurs sur certaines polémiques qui ont touché ensuite la cosmétique, en particulier celle sur les parabènes.
Mais dans un deuxième temps, c’est la cosmétique conventionnelle, en guise de parade mais aussi avec opportunisme, qui a commencé à vouloir se raccrocher au mouvement en affichant simplement “Sans parabène”.
Et aujourd’hui, l’état des lieux, c’est que dans l’esprit du consommateur, la cosmétique naturelle se reconnait au label Cosmébio et à la mention “Sans parabènes”. Et plutôt que d’aller dans son sens avec des éléments de transparence, on veut faire en sorte que le “Sans…” disparaisse des emballages. On veut en fait nous empêcher de communiquer sur une information qui est demandé par le consommateur.
Cosmébio ne plaide pas pour avoir une cosmétique qui soit systématiquement “Sans…”, mais pour la liberté de pouvoir le dire en toute transparence au consommateur. On ne voit pas pourquoi on n’aurait pas le droit de dire “Sans sels d’aluminium” pour les personnes qui veulent garder une tranpiration naturelle, ou “Sans sulfates” pour les personnes qui utilisent de la kératine pour se lisser les cheveux… ou “Sans parabène” pour les personnes qui veulent des cosmétiques les plus naturels possibles.

CosmeticOBS : Mais cette interdiction repose sur des textes réglementaires ?

Romain Ruth : Beaucoup d’adhérents de Cosmébio considèrent que cette obligation de faire disparaître les allégations “Sans…” est surtout destinée à taper sur la cosmétique biologique. Mais indépendamment de la raison pour laquelle cette mesure a été prise, si on a une lecture orthodoxe du Règlement sur les Critères Communs, on s’aperçoit qu’on est face à une interprétation abusive du texte qui, en réalité, n’interdit pas ce genre de mentions. Cette mesure n’est pas fondée en droit. Le seul texte obligatoire, le Règlement européen 655/2013 sur les Critères Communs, interdit le dénigrement d’un ingrédient. Dénigrement, juridiquement, ça a un sens très précis, et ça ne signifie pas dire “Sans…”. Est-ce que le simple fait de dire qu’un ingrédient n’est pas présent dans une formule est un dénigrement ? Je ne le crois pas, et à plus forte raison quand on a une justification pour l’avoir évité.
Sur le fond, c’est en fait une sur-interprétation de dire que le dénigrement de l’ingrédient vient du simple fait qu’on signale son absence. Le seul texte qui a une force légale, c’est le Règlement sur les Critères Communs, et à aucun moment, il ne dit explicitement que le “Sans parabènes” est interdit. Les lignes directrices qui le disent ne sont qu’une circulaire interprétative.
Et là où cette interprétation extensive pose particulièrement problème, c’est que normalement, dans une démocratie, tout ce qui est interdit doit résulter d’un texte de loi. La sur-interprétation n’est pas admise, il faut au contraire sous-interpréter en faveur de la liberté. En droit français, l’interprétation téléologique est interdite, ce qui veut dire qu’on n’a pas le droit de chercher le but de la loi, on doit juste regarder ce qu’elle dit, et on l’applique telle qu’elle est écrite. La loi doit toujours être d’interprétation stricte, particulièrement quand elle touche à une liberté. Là, on fait exactement l’inverse. Je ne vois pas au nom de quoi, et de quel droit au sens strict du terme, on viendrait nous enlever une liberté, surtout quand le consommateur la veut.

CosmeticOBS : Maintenant que cette interdiction est entrée en application, que va faire la cosmétique bio ?

Romain Ruth : On essaie par tous les moyens de créer des nouvelles contraintes, ou de faire croire qu’un contrainte existe alors qu’elle n’existe pas. On joue sur tous les tableaux pour faire en sorte que la cosmétique biologique soit cornerisée, et le risque est que les autorités de contrôle se fassent influencer. Ces contraintes se multiplient, et sont systématiquement en défaveur des mêmes, c’est-à-dire de la cosmétique émergente qu’est la cosmétique biologique.
Le résultat aujourd’hui, c’est que certaines centrales d’achats prennent les devants et refusent les produits qui revendiquent un “Sans”. Il est probable que les gros acteurs vont les abandonner pour ne pas prendre le risque de voir leurs produits refusés par les distributeurs. Et pour les petits acteurs, qui restent les plus fragiles, la menace est encore plus forte, surtout si les autorités de contrôle émettent une injonction ou demandent le retrait des produits. Ce type de mesure favorise les gros acteurs qui ont la capacité de répondre, d’ester en juste, de construire un argumentaire, et de fait, peut aboutir à une certaine forme de concentration. Mais il se pourrait qu’il y ait une certaine résistance, et pas seulement venant des petits acteurs.
De notre côté, nous voulons simplement défendre la liberté de la cosmétique biologique de communiquer quand elle veut, comme elle veut, avec tout l’éventail de la communication dont elle peut disposer. Cette interdiction brutale, sans aucune explication, sans fondement légal, sincèrement, paraît délirante.

Peut-être alors que le “Sans…” pourrait devenir positif, avec un “Sans parabène…” sur le devant de l’étiquette et une explication à l’arrière de la raison pour laquelle a été pris cet engagement… Une position qui, pour Romain Ruth, ne serait pas juridiquement condamnable…

LW
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