Près d’un tiers de la population française souffre de maladies de peau. Dans ce contexte, la Société Française de Dermatologie (SFD) a dévoilé les résultats d’une enquête lancée en 2015 dans le but d’évaluer la prévalence des maladies de peau, mais aussi leur impact psychologique, sociétal, économique, ainsi que leur répercussion sur la vie professionnelle et les loisirs des personnes atteintes.
Cette étude a été réalisée sur un échantillon de 20 000 Français représentatifs de la population française de 15 ans et plus. L’objectif principal de la SFD est de communiquer autour du fardeau physique et mental que les malades endurent, afin d’améliorer leur prise en charge.
Quelques chiffres
Le Professeur Khaled Ezzedine, spécialiste des maladies liées au trouble de la pigmentation et professeur en dermatologie au CHU Henri Mondor de Créteil, a dévoilé que "16 millions de Français souffrent de maladies de peau, soit un Français sur trois. Les femmes sont plus touchées que les hommes."
Les affections les plus courantes sont les suivantes :
• acné - 3,3 millions de personnes atteintes,
• eczéma - 2,5 millions de personnes atteintes
• psoriasis - 2,4 millions de personnes atteintes
• maladies liées au cuir chevelu - 2,3 millions de personnes atteintes,
• mycoses - 2,2 millions de personnes atteintes,
• maladies liées aux ongles - 2,1 millions de personnes atteintes,
• taches brunes - 1,8 millions de personnes atteintes,
• verrues - 1,7 millions de personnes atteintes,
• eczéma de contact - 1,3 millions de personnes atteintes,
• herpès - 1,2 millions de personnes atteintes,
• allergies solaires - 1,2 millions de personnes atteintes,
• grains de beauté suspects - 1,1 millions de personnes atteintes.
Maladies cutanées : réel impact sur la qualité de vie
Stéphane Heas, sociologue, a présenté cet aspect mis en exergue par l’étude. Il explique "46 % des personnes souffrant d’acné on eût un arrêt de travail, 45,2 % des patients atteints de dermatose déclarent souffrir dans leur vie personnelle et 39,2 % d’entre eux sont gênés dans leur vie professionnelle." Il poursuit en précisant que "contrairement aux autres personnes malades, ceux qui sont concernés par les affections cutanées sont touchés par l’aspect visible de la chose". De fait, une maladie de peau est voyante et fait partie des pathologies les plus stigmatisantes et stéréotypantes. "Le regard des autres n’est pas toujours évident à assumer. Bien souvent, les patients souffrant également d’autodénigrement et s’excluent eux-mêmes. Pour plus de la moitié d’entre eux, cela conduit à des états dépressifs et d’anxiété. Il n’est pas rare qu’un malade atteint d’une affection chronique et invalidante songe au suicide", souligne Stéphane Heas.
Il insiste également sur les idées reçues liées à ces maladies. Bien souvent, elles sont mal connues et ont mauvaise réputation. Les personnes atteintes peuvent donc mettre du temps avant d’aller consulter, soit par peur, soit par gêne. Stéphane Heas conclut en précisant que "plus le diagnostic et les traitements tardent, plus lourdes seront les conséquences pour les patients. Lutter contre l’errance médicale, voilà une gageure de taille. Un patient qui ne sait plus à quel saint se vouer, c’est d’abord un patient qui souffre, mais aussi un patient qui multiplie les rendez-vous médicaux tous azimuts, perd son temps, son argent (et celui de la Sécurité Sociale), s’égare, se désespère. Est victime en quelque sorte d’une double peine". Le ton est donné, se rapprocher rapidement d’un professionnel de santé est capital.
Entendre ceux qui souffrent
Jean-Marie Meurant, président de l’Association Française de Vitiligo et de l’alliance internationale Global Skin, lui-même atteint d’une maladie de peau chronique, a décidé de se battre afin d’alerter l’opinion publique sur les conditions de vie des Français souffrant de pathologies cutanées. Il explique que "le quotidien de ces hommes et de ces femmes est régi par la peur, l’isolement, une souffrance physique et psychologique. Aujourd’hui, 60 % des malades se sentent abandonnés par la médecine". Il appelle également toutes ces personnes à ne pas se cacher et à ne pas vivre dans la honte. Deux mannequins dans l’assistance, atteints de vitiligo, ont réagit à cette exhortation en expliquant vivre de leur passion depuis qu’ils ont décidé d’assumer leur dégénérescence pigmentaire. Ils ont également expliqué "être devenus des emblème pour certains qui se maquillent ou utilisent des cosmétiques afin d’atténuer les signes visibles de certaines pathologies. Évidemment, ce n’est pas facile pour tout le monde de s’exposer au grand jour, les produits de soin peuvent apporter du réconfort parfois".
Cette problématique apparaît clairement comme une préoccupation de santé publique. En plus d’avoir un impact sur la santé (à noter que beaucoup de ces maladies sont souvent associées à d’autres facteurs de comorbidité comme l’hypertension ou le diabète), la psyché souffre également. À travers cette étude, la SFD espère informer le plus large public et alerter les acteurs de la santé publique afin d’éviter d’éventuels drames.
Pour conclure, le Professeur Marie-Aleth Richard met en garde sur la fréquence des maladies de peau dont les conséquences sont sous-estimées. Elle insiste également sur le paysage médical dont la démographie s’étiole peu à peu. Aujourd’hui, on compte environ 3500 dermatologues, "c’est bien trop peu pour couvrir la demande, d’autant que le numerus clausus des étudiants en médecine pouvant accéder à cette spécialité réduit au fur et à mesure". La spécialité a perdu 9 % de ses effectifs en dix ans. Seulement 450 nouveaux dermatologues environ sont formés chaque année, un manque qui risque de se faire sentir.
JS