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Cosmetic Days - Protection solaire
vendredi 11 novembre 2016Actus produits

La nouvelle parfumerie d’auteur

© CosmeticOBS-L'Observatoire des Cosmétiques

Ni niche, ni mainstream (les parfums les plus vendus) et 100 % indépendante, elle propose des fragrances vraiment différentes et qualitatives et séduit un nombre croissant d’amoureux du parfum. Portraits de trois parfumeurs qui épousent cette mouvance, tout en valorisant la création française.

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~ 8 minutes

Diptyque appartient à un fond de pension, Serge Lutens a regagné le giron de Shiseido et en juin dernier, Atelier Cologne a été racheté par le groupe L’Oréal. Les vrais artistes indépendants deviennent de plus en plus rares en parfumerie. C’est pourquoi nous avons décidé de leur consacrer ce Zoom. Les trois parfumeurs que nous choisis ici sont talentueux et entièrement libres. Particulièrement inspirés, ils n’appartiennent qu’à eux-mêmes et n’écoutent que leur instinct de créateur. Loin du goût commun, des briefs marketing ou des études de marché… Trois personnalités follement attachantes et inventives. Curieusement, aucun enfant du sérail ne figure dans ce trio, pas d’ISIPCA ou de "fils de…", des parcours atypiques mais pour chacun, une authentique passion…
Leurs parfums, forcément très personnels, sont loin des sentiers battus et ne suivent aucune mode, même si involontairement, ce retour à l’artisanat, aux belles matières premières et à la "qualité France" est la grande tendance du moment. On les retrouve au Bon Marché Rive Gauche, chez Colette ou Liquides ou dans leurs propres boutiques… Et ils rencontrent leur public, un public averti, désireux de ne pas sentir comme tout le monde.

Pierre Guillaume, le surdoué !

Chimiste de formation, Pierre Guillaume est le créateur de la marque Parfumerie Générale (référence à ses initiales !) depuis 2002. Originaire de Clermont, il a 25 ans lorsqu’il compose son premier parfum, baptisé COZE 02. Cet accord "tabac épicé" évoquant le contenu d’une précieuse cave à cigares appartenant à son père est vite repéré par la critique qui le propulse dans la "blogosphère parfum" et auprès d’acheteurs professionnels aux quatre coins de la planète. L’article élogieux en 2005 de Chandler Burr, critique parfum du New York Times et de GQ, titrant "Comment un jeune chimiste français a concocté la plus cool des nouvelles fragrances européennes" donnera le coup d’envoi.
Un an plus tard, c’est Lucas Turin qui l’intronisera dans son guide, référence absolue de tous les initiés. En 2010, la société Pierre Guillaume Diffusion est créée et se dote d’un outil de production comprenant un studio de composition, une cave de matières premières et une ligne de conditionnement entièrement dédiée à la fabrication de parfums imaginés par Pierre Guillaume.
En 2014, ce dernier lance Isparta, un chypre oriental, qui, à ce jour, est toujours le best-seller de la marque (il représente 20 % de la capacité de production !).
Autre succès : Louanges Profanes, un oriental fleuri, frais et poudré, dominé par le néroli et les baumes. Un second atelier est inauguré en 2015, ainsi que le site, car la société grandit vite.
Enfin, Pierre Guillaume vient d’ouvrir sa première boutique parisienne à Paris. On y trouve l’intégralité des parfums des collections Parfumerie Générale, Huitième Art et Croisière, ainsi que la collection exclusive Rhapsodie, à découvrir uniquement dans cette boutique.
Aussi bavard que ses parfums aux évolutions changeantes et complexes, Pierre Guillaume est intarissable sur le sujet, il peut passer des heures à vous expliquer la construction "comme une tombée de dominos" d’une de ses fragrances, ou comment la facette épicée du lys blanc fait écho à celle de l’encens. C’est passionnant et on en redemande ! Sa culture parfums est phénoménale, il peut décoder la composition de la plupart d’entre eux. C’est un créateur prolixe (il a déjà signé une soixantaine de créations !) au charisme évident qui aime mélanger les genres olfactifs. Spontanéité et créativité sont sa marque de fabrique : " Quand on s’adresse à un petit nombre, on n’a pas à faire du consensuel ".
Il invente ses parfums en totale liberté artistique et financière dans ses propres ateliers et les commercialise dans un réseau qui compte déjà près de 250 points de vente internationaux. Pierre Guillaume privilégie la proximité géographique et le "Fabriqué en France" (et même si possible dans sa chère Auvergne !) dans le choix des conditionnements (pompes, flacons, étuis, capots, étiquettes, livrets, etc.).
Sa dernière création : Limanakia (Eau de parfum, 30 ml : 65 € ; 50 ml : 95 € ; 100 ml : 140 € - tous les parfums de la Collection Parfumerie Générale sont au même prix) est un parfum solaire et aromatique qui mêle les registres minéral et animal. On y retrouve la fleur de tiaré, le sel de patchouli, le brûlant labdanum, un accord salicylé de "plages rocheuses", des muscs animalisés… On est aussitôt embarqué sur des plages écrasées de chaleur, bordées de ciste, propices aux étreintes… De quoi réchauffer la froidure !! Dernière heure : il vient de créer sa première collection de bougies (La Bougie Croisière, 65 €). Une chose est sûre : on n’arrêtera plus le talentueux Pierre Guillaume !

Alberto Morillas : l’élégance d’un prince, la simplicité d’un artisan

On ne présente plus Alberto Morillas, maître parfumeur espagnol de grand renom (il a reçu le grand prix de la Fragrance Foundation pour l’ensemble de sa carrière en 2014). On lui doit d’illustres parfums comme CK One de Calvin Klein, Flower by Kenzo, Aqua di Gio d’Armani, Pleasures d’Estée Lauder, Essence de Narcisso Rodriguez…
Mais sa création la plus personnelle se nomme Mizencir. Elle a vu le jour en 1999 et a été conçue avec sa femme Claudine. Ils ont commencé par une collection de délicieuses bougies parfumées (à partir de 26 €), avec la volonté de "mettre en cire des fragrances", puis lancé leur collection d’eaux de parfums (17 à ce jour). Les deux sont distribués chez Colette, ainsi que dans la boutique Mizencir de Genève.
Là encore, un parcours atypique, pas même de doctorat en chimie, ce qui ne l’a pas empêché de rentrer chez Firmenich. La firme suisse, séduite par ce jeune homme qui crée des parfums sans être parfumeur, l’enverra plus tard suivre une formation spécifique à New York. Véritable artisan (il pèse encore ses formules lui-même), il conserve toute sa fraîcheur et son enthousiasme. Pour lui, une essence de néroli mérite d’être constamment revisitée, un musc blanc n’a pas encore dévoilé toute sa richesse olfactive. Tout reste à découvrir, à faire, à sentir…
Toujours avec une totale liberté de création et une écriture très personnelle qui se caractérise par une grande élégance, il s’inspire de ses souvenirs d’hier et d’aujourd’hui, de ses nombreux voyages, de ses rencontres marquantes et… de son fabuleux jardin. Fasciné depuis toujours par l’accord boisé, il ne cesse de l’explorer, comme en témoignent ses deux dernières créations : Bois de Mysore et Bois Iridescent (100 ml, 190 € chacune). La première est un hommage au santal, de la cime jusqu’aux racines. La seconde est un "bois de fleur", à la fois solaire (essences de bergamote et de mandarine), poudré et fleuri (concrète d’iris et absolue de feuilles de violette). Le sillage fait la part belle à l’onctuosité crémeuse du santal, décidément un arbre qu’il affectionne !

Le plus jeune : David Benedek, créateur de BDK Parfums

Né à Paris en 1989 d’un père d’origine roumaine et d’une mère née à la frontière entre l’Algérie et le Maroc, David Benedek a grandi dans l’univers de la parfumerie. Ses grands-parents, exilés de Transylvanie, ont fait partie des premières personnes autorisées à distribuer de grands noms de parfums, tels que Worth ou Christian Dior dans les années cinquante à Paris. Ils se spécialiseront ensuite dans la vente de parfums et de produits de luxe aux clients étrangers visitant la capitale et ouvriront leur première boutique dans les années 1960, à l’angle de la rue Royale et de la rue Saint Honoré.
De père en fils, l’expertise familiale autour des parfums se développera au fil des années. David étudie l’économie puis part vivre à Pékin et New York en 2010 pour ses études. À son retour, il intègre l’Institut Français de la Mode en 2012 où il se spécialise dans l’univers du parfum et des cosmétiques. Pendant plus d’un an, il apprend à reconnaître les principales matières premières, les familles olfactives et leurs facettes, avant de se perfectionner dans l’apprentissage des étapes nécessaires à la création de fragrances.
Sentir, découvrir, reconnaître, il se familiarise aux subtilités de cet univers avec les équipes de Givaudan. Une passion qui se transforme petit à petit en un besoin : celui d’en faire son métier. Il peaufine son apprentissage avec l’Institut Cinquième Sens qui l’aide à révéler son univers olfactif. Il crée alors son entreprise : BDK Parfums, en faisant le choix de développer des produits "Made in France", réalisés par des entreprises locales afin de mettre en avant une richesse patrimoniale vivante d’exception.
Inspiré par l’architecture du dôme du Grand Palais à Paris, le capot des flacons, développé en région parisienne par un bijoutier orfèvre, lui rend hommage. Les flacons biseautés semblent avoir été taillés dans un bloc de cristal. Fabriqués en Normandie par un maître verrier, ils possèdent une transparence et une brillance unique, ce qui permet de valoriser la couleur des "jus". L’étiquette, apposée à la main, vient d’une imprimerie du Marais à Paris.
Enfin, les coffrets, semblables à des reliures de livres, sont façonnés par une entreprise familiale de la région du Mans. Sur chaque coffret figure la liste des principaux composants du parfum. Placés côte à côte, les coffrets forment une encyclopédie des beaux parfums.
Aujourd’hui, BDK Parfums propose deux collections : la collection Parisienne (Bouquet de Hongrie, Pas ce Soir) et la collection orientale (Wood Jasmin, Oud Abramad, Tubéreuse Impériale). Au total, cinq eaux de parfum (100 ml, 140 €) qui mettent en scène une matière première principale (tous les concentrés de parfums viennent de Grasse). Tubéreuse Impériale associe la fleur charnelle à un bouquet d’ylang ylang et de jasmin. En janvier sortira son premier masculin.
Jeune venu dans la profession, David offre un talent prometteur. Ses fragrances singulières ont aussitôt conquis Liquides (le "temple" de la parfumerie alternative) et le Bon Marché Rive Gauche.

Ariane Le Febvre

© CosmeticOBS-L'Observatoire des Cosmétiques
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