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mercredi 22 mars 2017Actus produits

Parfums : hommage au terroir…

© CosmeticOBS-L'Observatoire des Cosmétiques

Jusqu’à présent, seuls les plus précieux nectars recelaient des matières premières aussi naturelles que rares (rose de mai, jasmin de Grasse, fleur d’oranger Tunisienne, oud du Laos…). Mais voilà que la donne est en train de changer. Des éditions plus accessibles mettent elles aussi, ce printemps, le terroir à l’honneur.

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On a beau nous dire qu’un nez non averti est incapable de faire la différence entre ingrédients de synthèse et matières premières naturelles, nous, on sent bien qu’un parfum qui contient plus d’ingrédients naturels a ce petit "supplément d’âme", ce quelque chose en plus qui signe la qualité et l’aura. À l’instar des grands crus, les matières premières naturelles séparent les fragrances "agréables" des parfums que l’on a envie d’adopter. Elles font évoluer le parfum sur la peau comme aucune autre. En un mot elles sont "vivantes". Même si les subtilités échappent au nez du vulgum pecus , l’impression générale qu’il en retire est celle d’une indéniable authenticité. Sans parler de leur puissance d’évocation.

On savait pourtant que les plus belles matières premières étaient dédiées aux collections exceptionnelles comme la bien-nommée L’Art et La Matière de Guerlain, dont la dernière nouveauté met en scène une tubéreuse d’Amérique Centrale aux inflexions fraîches et végétales (Joyeuse Tubéreuse, Eau de parfum, 75 ml, 205 €).
Ou que les si précieuses récoltes de rose de mai ou de jasmin de Grasse étaient réservées aux extraits (expression la plus pure et aboutie du parfum) de Chanel ou de Dior.
Mais, ce printemps, les parfumeurs se transforment plus que jamais en explorateurs et les matières premières naturelles ne sont plus cantonnées aux éditions de luxe. On les retrouve désormais dans des eaux de parfum que le plus grand nombre pourra s’offrir.

La lavande sur le devant de la scène

Jusqu’à présent, on trouvait surtout la lavande dans les parfums masculins (le célèbre accord fougère), mais voilà qu’elle figure en majesté dans deux grands parfums féminins du printemps.

Thierry Wasser, parfumeur Guerlain, s’est ainsi pris de passion pour une lavande d’exception, la très française lavande Carla. Il l’associe à de la vanille de Nouvelle Guinée et à du santal d’Australie dans sa nouvelle création féminine qui s’appelle tout simplement Mon Guerlain (Eau de parfum, 30 ml : 62,50 €, 50 ml : 89 €, 100 ml : 126 €, 1 L : 3 200 €). Ces matières premières naturelles sont d’ailleurs mises en avant jusque dans la communication publicitaire dont l’égérie n’est autre… qu’Angelina Jolie, une muse généreuse qui fait sens (la totalité de son cachet est reversée à des œuvres caritatives). La lavande Carla (une lavande bio issue de la Drôme provençale) vient rafraîchir les effluves puissants et sensuels de la vanille Tahitensis (matière première fétiche de Guerlain, composante essentielle de la "guerlinade"). S’il voue un culte ardent aux belles matières premières, Thierry Wasser aime les "chahuter", les pousser gentiment dans leurs retranchements, afin d’obtenir des émotions plus inédites. Il affectionne les contrastes, " sinon le parfum est ennuyeux !". Cette lavande rare, dite "de population" (non clonée), avait donc tout pour lui plaire ! Distillée quasiment à froid sur le lieu de production, l’essence est ainsi capturée avec tout son arôme et rien que son arôme. Ses propriétés olfactives sont uniques.

Jusqu’à présent, on ne la trouvait en parfumerie que dans le dernier opus des Exclusifs de Chanel : Boy, ainsi que dans Jersey (Eau de parfum, 75 ml, 175 € ou 200 ml , 320 €). Récoltée par Baume des Anges, cette lavande fraîche et légèrement fruitée, douce et raffinée, perd ses airs de garçon et se révèle florale et féminine, "un peu comme si elle avait mis des talons aiguille et du rouge à lèvres", précise Thierry Wasser. Ses fleurs développent de subtils arômes à l’élégance rare. " Cet accord d’un genre nouveau permet de sortir du clivage, de l’ambiguïté homme-femme, car il joue sur la réconciliation des genres. Ce qui apporte à Mon Guerlain sa puissance et sa modernité", explique Delphine Jelk, qui a co-créé la fragrance. " La lavande Carla vient bousculer la vanille dans sa composante féminine enveloppante et presque maternelle, en lui apportant son audace, sa fraîcheur, sa clarté et sa simplicité. On n’est ni dans l’opposition, ni dans le compromis, mais dans la richesse que produit la différence" .

Même "dualité harmonieuse" entre une lavande bien provençale et un peu courant absolu de cire d’abeille du Laos, miellé, légèrement cuiré et animal, dans la nouvelle eau de parfum de L’Occitane en Provence : Terre de Lumière (90 ml, 89 €, à partir du 19 avril). Le premier gourmand multi-facettes de la marque (ses créations précédentes valorisaient davantage le mono-ingrédient) est " un parfum de tension entre fraîcheur aromatique et douceur féminine ".

Deux fleurs d’oranger très différentes…

Particulièrement prisée ces derniers temps, la fleur d’oranger est à l’honneur. En vérité, c’est un thème éternel de la parfumerie.

Meilleur exemple de la distinction de terroir avec Pierre Guillaume qui compose deux fragrances très différentes autour du néroli (essence de fleur d’oranger) dans sa Collection Parfumerie Générale. La première (créée en 2008) est une de ses plus vendues, il s’agit de Louanges Profanes (Eau de toilette, 30 ml, 68 €), qui met en scène un néroli Tunisien, " vert et citronné, avec des facettes poudrées et épicées, et surtout une grande fraîcheur" . La seconde sortira en avril, il s’agit de Neroli Ad Astra (Eau de parfum, 30 ml : 68 €, 50 ml : 98 €, 100 ml : 146 €), qui joue en majesté un néroli du Maroc à la dominante florale bien plus marquée, " aux antipodes de l’accord Cologne dans lequel il trouve trop souvent sa place ; il est également plus musqué, avec une note miellée, cire d’abeille" . Un vrai "tatouage olfactif" qui s’ajuste à la peau au fil de la journée.

On retrouve la fleur d’oranger Tunisienne dans le dernier Chloé : Love Story eau sensuelle (Eau de parfum, 30 ml : 60 €, 50 ml : 87 €, 75 ml : 103 €). Alliée aux notes solaires, presque vanillées, de l’héliotrope, elle s’y révèle plus suave et charnelle que jamais.

Tout mène toujours à la Provence et au pays grassois…

Dior, lui, utilise une très rare essence de "Néroli Pays", isssue du terroir de Vallauris, qui donne un nouveau sourire lumineux à l’eau de toilette J’Adore (50 ml, 75,50 € ou 100 ml, 105,50 €). Cette minuscule production est réhabilitée par François Demachy, Parfumeur-Créateur Dior, pour qui " le Néroli Pays a des facettes uniques d’une puissance sans pareille. Il est pétillant et résonne en tête grâce à sa floralité zestée" .

Autre beauté provençale, la rose de mai (ou rose Centifolia ou rose de Grasse) que l’on retrouve dans la plupart des dernières créations de la Maison de Couture de l’avenue Montaigne. Dior a planté mille pieds de rose Centifolia au château de la Colle Noire (propriété qui appartenait à Monsieur Christian Dior, restaurée en 2016 par LVMH). Cette rose de caractère "évoque toute la beauté brute et solaire de cette région", selon François Demachy.
Elle est ainsi au cœur du dernier opus de La Collection Privée de Christian Dior : La Colle Noire (125 ml, 227 €), où elle est sertie d’épices, de bois et d’ambre. En toute logique, on la retrouve bien sûr dans les extraits (Miss Dior, J’Adore…). Mais elle figure également dans Miss Dior Absolutely Blooming (Eau de parfum, 30 ml : 64 €, 50 ml : 88 €, 100 ml : 126 €), ou Poison Girl (Eau de toilette, 100 ml, 112,50 €).

La reine des fleurs du terroir grassois déploie encore ses arômes poivrés et boisés dans Si Rose Signature de Giorgio Armani (Eau de parfum, 100 ml : 120,50 € ou 50 ml : 84,50 €). Associée à la rose damascena, elle crée un sillage opulent et sensuel.

Et Chanel fait redécouvrir le géranium rosat de Grasse dans Boy, composé par Olivier Polge, Parfumeur de la Maison. Rien à voir avec la variété souvent galvaudée par la monotonie des balcons fleuris ! Cette fleur androgyne aux facettes aussi menthées que rosées prouve sa splendeur lorsqu’elle est parfaitement cultivée, un savoir-faire que la marque pérennise depuis 1987 et son partenariat exclusif avec la famille Mul, basée à Pégomas (Alpes Maritimes). Cette alliance permet par ailleurs de sécuriser tant la qualité olfactive que la quantité de fleurs nécessaires aux parfums Chanel.

Agrumes radieux

On sait qu’elles signent les notes de tête de la plupart des compositions. Mais s’il y a une marque qui les vénère, c’est bien Atelier Cologne, et pour cause : ce sont les constituants essentiels de la Cologne !
Si la terre d’élection des agrumes est l’Italie (Calabre en tête), la marque rachetée par L’Oréal explore l’époustouflante fraîcheur de la clémentine de Californie, associée à la mandarine d’Italie et aux baies de genévrier de Macédoine, dans Clémentine California (Cologne Absolue 15 % concentration, 100 ml : 100 € ou 30 ml : 60 €, Collection Originale). Rien d’acide ou de grinçant cependant, la fragrance évoluant progressivement vers des épices chinoises aromatiques (anis étoilé et poivre Sichuan) et des notes vertes (basilic d’Égypte), avec un fond boisé (racine de vétiver d’Haïti, santal de Nouvelle-Calédonie, cyprès de France). Le parfum est "aimable" et solaire à souhait, à la fois fruité, vert et doux, avec un vrai sillage.

Oud animal ou boisé

Exercice incontournable aujourd’hui en parfumerie, cette résine sombre et très odorante, qui se développe dans un arbre (Aquilaria) lorsqu’il est infecté par un champignon, développe une odeur envoûtante et complexe qui n’a pas d’analogue dans la nature.
À la fois résineuse et fumée, avec des notes boisées, animales et épicées, sa richesse est un pur concentré d’Orient ! Avec, là encore des variantes selon les provenances. Le oud du Laos est animal et intime, tandis que le oud de Thaïlande est plus boisé.

Cet ingrédient rare à la puissance phénoménale fait l’objet de collections entières chez Berdoues et Misencir, la marque créée par le grand parfumeur Alberto Morillas.
Berdoues a fait du terroir la clé de voûte de sa Collection Grands Crus "Millésime". La marque précise d’ailleurs que ses " Millésimes sont élaborés avec le même soin que l’on apporte aux plus grands vins " et conseille, " afin de préserver toutes les qualités de la fragrance, de la conserver dans un endroit frais, à l’abri de la lumière et de la chaleur, et d’éviter les contacts trop fréquents avec l’air ambiant ". Oui, tout comme pour un grand cru ! Le oud du Laos est la pièce maîtresse de Oud Wa Misk (Eau de parfum, 100 ml, 125 €). Son opulence hors du commun y est tempérée par la douceur des muscs. Quant au oud de Thaïlande, on le retrouve, associé à la rose Turque (ou rose bulgare ou rose damascena) dans Oud Wa Ward, ou à la vanille de Madagascar et au jasmin d’Égypte dans Oud Wa Vanilla (100 ml, 125 € chacun). Il prend alors un caractère ambré beaucoup plus prononcé.
Oud Collection de Mizensir met également en scène un oud du Laos dans Idéal Oud (100 ml, 190 €, chez Colette à Paris), un dialogue entre le oud et la rose, deux matières premières que tout oppose, mais qui pourtant s’harmonisent à merveille ! Marié à un duo de roses, bulgare et centifolia, le oud pur du Laos prend alors des allures de fleur sombre, mystérieuse, relevée d’une pointe d’épice par le poivre rose et le safran.

Dernière minute, Acqua di Parma propose dans sa ligne "Ingredient Collection", après la délicieuse Colonia Oud composée d’huile de bois d’agar et d’agrumes, deux nouvelles "Colonia" : Colonia Ebano et Colonia Mirra (100 ml, 177 € ou 180 ml, 229 €). La première rend hommage au bois d’ébène et à la senteur enveloppante du miel, la seconde aux accents balsamiques et ambrés de l’essence de myrrhe.

Ariane Le Febvre

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