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jeudi 19 février 2015Actus produits

Parfums : le terroir à l’honneur

© L'Observatoire des Cosmétiques

Jasmin de Grasse, rose de mai, santal de Mysore, fève tonka du Venezuela… ces ingrédients d’exception signent les plus belles créations olfactives du printemps. Ils sont mis à l’honneur par les marques de luxe, mais aussi par la parfumerie d’auteur… Le savoir-faire et la créativité de la parfumerie française en sortent grandis.

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Il y a les grands parfums, et puis il y a les autres… Pour peu qu’il soit attentif, notre nez perçoit avec une précision redoutable la qualité des ingrédients, même s’il sait rarement déceler pourquoi "ça sent beau". Mais l’essentiel demeure : même un odorat non averti peut faire la différence.
Les belles matières premières sont le secret des beaux parfums. Elles font rêver, bien sûr, et permettent aux marques de raconter de belles histoires. À tel point qu’on en oublie parfois les soins patients et attentifs qu’elles réclament. Rigoureusement sélectionnées et transformées, elles exigent un savoir-faire artisanal. Mais elles ont aussi une réalité bien perceptible. Elles vivent et évoluent sur la peau comme aucune autre, révélant le "tomber" parfait d’une fragrance, la profondeur, les inflexions et la richesse des absolus et essences naturelles qui la composent.
Le retour à une parfumerie de matières premières, cultivées dans le plus grand respect de la tradition, rassure quant à l’origine de nos parfums (il y en a trop qui sont dépourvus de la moindre fleur ou essence naturelle !), autant qu’il donne naissance à des fragrances rares et authentiques, insérées dans des collections très haut de gamme, distribuées dans des points de vente triés sur le volet.
Avec ces ingrédients précieux, qui n’ont jamais autant été à la mode, la parfumerie française renoue avec ses lettres de noblesse et peut s’exprimer dans toute sa splendeur. Cette parfumerie d’excellence, évidemment élitiste, n’est pas accessible à tous. Son coût est élevé. Elle s’adresse aux amoureux inconditionnels du parfum (et il y en a beaucoup). Mais attention, une fois qu’on y a "goûté", il est difficile de revenir en arrière !

Le triomphe de la rose de mai

Du fait de son climat et de son terroir uniques, Grasse, berceau de la parfumerie, est évidemment le territoire le plus convoité par les marques de luxe pour la culture des fleurs. C’est le cas du jasmin Grandiflorum (grandes fleurs), de la tubéreuse, de l’iris ou du géranium rosat de Chanel, et surtout de la très célèbre rose de mai (son mois de floraison) ou rose Centifolia (du nom de son rosier aux cent feuilles). Fragile et rare, cette rose hors du commun, aux multiples facettes, exhale un parfum délicat, puissant et reconnaissable, qui évoque le mimosa, avec une note moins fruitée que la rose turque ou bulgare (rose Damascena) qui, elle, rappelle le litchi ou la poire.
C’est à Chanel, et à son partenariat exclusif avec la famille Mul, que l’on doit de la voir relancée à Grasse. Récoltée trois semaines par an et cultivée sans aucun engrais chimique, cette rose de mai donne lieu à une minuscule production qui s’avère aussi précieuse que le célèbre vin de Bourgogne Romanée-Conti ! Arrosage au compte-gouttes, savant système de jachères et de greffes… tout est mis en œuvre pour obtenir un cru d’exception, à la qualité olfactive constante, autant que rigoureusement contrôlée. Sa transformation en absolu fait également l’objet d’un soin extrême. Une fois coupée, la rose Centifolia ne supporte pas le transport, c’est pourquoi l’usine d’extraction de Chanel a été construite au milieu des champs. Signature des extraits de la marque, on la retrouve dans la dernière création de sa collection Les Exclusifs : Misia (eau de toilette, 75 ml, 133 €, ou 200 ml, 255 €), où, accompagnée de feuille de violette et d’iris, elle nous transporte dans l’ambiance des Années Folles.
Dans le cercle très fermé des parfums utilisant la rose de mai, décidément très présente ce printemps, on trouve aussi quelques marques de niche qui l’utilisent en majesté :
• L’Artisan Parfumeur dans Rose Privée (eau de parfum, 50 ml, 90 €, ou 100 ml, 120 €, à partir de mi-avril),
• la Maison Francis Kurkdjian avec sa nouvelle fragrance À la Rose (eau de parfum, 70 ml, 145 €),
• Ex Nihilo avec Rose Hubris (eau de parfum, 50 ml, 180 €, ou 100 ml, 260 €).

Des ingrédients qui méritent tous les égards

C’est le cas du santal qui s’affiche en majuscules dans la dernière création de Guerlain : Santal Royal (eau de parfum, 125 ml, 145 €). Pour exprimer ses vibrations racées, à la fois boisées et crémeuses, cet arbre sauvage, de plus en plus rare (le mythique santal indien de Mysore est en péril, du fait de la déforestation) exigeait une relation de confiance avec un producteur à la démarche pérenne. Guerlain s’est donc tourné vers le santal asiatique. " Depuis 5 ans, nous avons un partenariat avec un exploitant forestier d’un pays d’Asie que nous tenons confidentiel, le risque de braconnage de ces exploitations étant avéré. Le santal ne se cultive pas comme un champ de tulipes ! L’arbre a besoin, en moyenne, d’une maturité de plus de 15 ans, afin que l’on puisse extraire l’essence de son tronc. Sauvage semi-parasite, il a sa vie intime et colonise des variétés particulières d’arbustes pour se nourrir de leurs racines. La flore environnante a aussi son rôle pour qu’il puisse se développer à l’envi. De leur côté, certains oiseaux l’aident à se disséminer. En tout cas, il a besoin d’un espace naturel qui lui est propre. Cette observation nous permet de le faire pousser librement et respectueusement, en un lieu secret, et, par la suite, d’obtenir un santal "Guerlain" fidèle à notre exigence qualitative ", confie Thierry Wasser, le parfumeur maison.

Une fève vraiment délicieuse…

Prisée des grands chefs comme des "nez", la fève tonka est une graine sombre contenue dans les fruits de l’arbre Dypterix Odorata (aussi connu sous le nom de teck). Elle a pour synonyme coumarou ou coumarine, une des principales substances odorantes qui la compose.
On retrouve sa gourmandise sophistiquée, entre caramel, amande et foin coupé, dans la treizième fragrance de La Collection Privée Christian Dior : Fève Délicieuse (eau de parfum, 125 ml, 210 € ; 250 ml, 300 € ; 450 ml, 420 €, à partir du 1er mai). Bâtie autour d’un absolu de fève tonka du Venezuela, elle possède une douceur suave, mais aussi des facettes plus sombres. François Demachy, Parfumeur-Créateur Dior, en livre une interprétation qui joue sur ses contrastes. Selon lui, " la Fève Tonka est un concentré de sensations et d’arômes. Elle est plurielle dans sa séduction. Lactée et sucrée, elle attire inexorablement. Mais elle révèle aussi une douce et étonnante amertume lorsqu’on la goûte ".
Toujours complexes, les matières premières d’exception n’ont pas fini de nous surprendre…

Ariane Le Febvre

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