Qui n’aimerait pas connaître le secret pour paraître plus jeune ? Lors de la 6e Anti-Ageing Skin Care Conference s’est tenue à Londres les 5 et 6 juin 2018, le Dr David Gunn, d’Unilever, est venu présenter les résultats de ses recherches sur les facteurs qui influencent l’apparence d’une personne et son âge perçu par les regards des autres. Au menu : gènes, exposome, ADN et horloge épigénétique…
Le Dr Gunn a d’abord cité une étude menée en 2008 par son équipe sur une méthodologie clinique destinée à générer l’âge perçu en tant que biomarqueur du vieillissement, utilisant des photographies de visages présentées à des évaluateurs.
Rides, ovale du visage, finesse des lèvres… il est apparu que des personnes de même âge réel pouvaient être perçues soit plus vieilles, soit plus jeunes. L’équipe du Dr Gunn s’est donc posé cette grande question : pourquoi certaines personnes paraissent-elles plus jeunes que leur âge ?
Nul doute que la réponse en intéresse plus d’un (et d’une)… et même si nous semblons assez optimistes sur notre apparence : car quand les chercheurs ont demandé à un groupe de 162 femmes quel était, à leur avis, l’âge qu’elles paraissaient avoir, seules trois ont donné un chiffre supérieur à leur âge réel !
La part des gènes, la part du style de vie
Le cœur du sujet est de comprendre ce qui crée les différences de perception de l’âge d’une personne à l’autre : quelle part revient à la génétique, laquelle à l’environnement, à notre mode de vie ? Il suffit de regarder ces deux voitures, dans leur état actuel et qui datent de la même époque, pour comprendre à quel point la question mérite qu’on s’y attarde…
Un élément de réponse se trouve sans doute dans une étude menée par les chercheuses danoises Kaare Christensen et Helle Rexbye sur de vrais et de faux jumeaux.
“Les vrais jumeaux ont les mêmes séquences d’ADN”, a expliqué David Gunn, “ce qui n’empêche pas qu’on note des différences dans l’apparence”. Ce qui laisse supposer que l’environnement et le mode de vie ont des influences similaires à celles de la génétique.
Les variations de l’ADN
Des techniques existent pour mesurer toutes les séquences d’ADN : on peut donc comparer celles des personnes qui paraissent plus jeunes que leur âge avec celles des autres.
Une large étude menée depuis le début des années 90 dans la région de Rotterdam, destinée à mesurer la façon dont les maladies progressent avec l’âge et qui a été publiée en 2016 dans Current Biology, a permis de constituer une base importante de photographies de visages.
L’analyse de plus de huit millions de SNP (les “single nucleotide polymorphism”, qui correspondent à des variations mineures du génome au sein d’une population) de 2693 adultes a montré une forte association entre l’âge perçu et des associations génétiques marquées par de multiples SNP dans le gène MCR1.
“Tous nos chromosomes vont par paire, soit deux allèles”, a précisé David Gunn. “Dans la population européenne, on a identifié une forme commune et des formes rares. Chacun peut donc être porteur du gène MCR1 avec deux allèles de forme commune, ou de MCR1 avec un allèle commun et un allèle rare, ou de MCR1 avec deux allèles rares”.
L’étude a montré que les personnes porteuses du gène MCR1 avec deux allèles de forme commune paraissaient en moyenne plus jeunes que les autres, les porteuses du MCR1 avec un allèle commun et un allèle rare faisaient juste leur âge biologique, et les porteuses du MCR1 avec un deux allèles rares semblaient environ 2 ans de plus que leur âge réel…
Le gène MCR1 est ainsi lié au vieillissement de la peau, mais également à la production de mélanine. L’étude s’est donc poursuivie pour chercher une relation avec l’exposition solaire et les rides qu’elle peut induire, mais aucune différence statistiquement significative n’a pu être mise en évidence.
Les modulations du style de vie
Bien sûr, la génétique ne fait pas tout : l’influence du style de vie a aussi été approfondie. Une étude publiée en 2015 dans le British Journal of Dermatology a montré que les bonnes, comme les mauvaises habitudes, avaient un impact non négligeable sur l’âge perçu :
• tabagisme : +2 ans par rapport à l’âge biologique,
• exposition solaire : +4 ans,
• soins bucco-dentaires : -2,5 ans (des dents en bonnes santé contribuent à éviter l’affaissement du visage, a expliqué David Gunn),
• hydratation de la peau : -2 ans…
Quant à l’influence de la nutrition, elle a également été étudiée par le Dr Gunn, notamment en mettant en relation les habitudes alimentaires de 2753 personnes et l’apparence de leurs rides faciales. Les résultats ont été publiés en 2018 dans le Journal of the American Academy of Dermatology.
Plutôt que d’analyser les aliments un par un, les chercheurs ont choisi de prendre en compte des groupes d’aliments (les personnes qui mangent davantage de légumes verts ont aussi plus tendance à consommer plus des autres légumes, ainsi que des fruits…). Les aliments ont donc été divisés en deux groupes : les aliments réputés bons pour la santé (légumes, fruits, poissons gras, eau minérale…), et les aliments réputés moins bons (fromages, viandes, snacks, sodas…).
Conclusion : en termes d’impacts sur l’apparence des rides, les fruits sont bénéfiques, alors que la viande et les snacks les creusent !
L’épigénétique, à la croisée de la nature et de la culture
“L’épigénétique est une science relativement nouvelle”, a indiqué l’intervenant. Elle est définie comme la discipline de la biologie qui étudie la nature des mécanismes modifiant de manière réversibles, transmissibles (lors des divisions cellulaires) et adaptatives l’expression des gènes sans en changer la séquence nucléotidique. Pour le Dr Gunn, c’est elle qui dirige notre état de santé et la façon dont nous vieillissons, en fonction de nos styles de vie et de notre environnement.
L’exploration du vieillissement cutané par l’épigénétique
Toutes les cellules de notre corps ont un ADN identique, ce qui n’empêche pas que, par exemple, les cellules de notre cerveau sont très différentes de celles de notre peau : “Les cellules qui produisent de la mélanine sont très actives dans la peau pour nous protéger des effets des rayons UV… elles n’ont aucune utilité dans le cerveau”, a illustré David Gunn. “Pour que les gènes”utiles” soient activés, les cellules doivent être hors d’accès de l’ADN pour obtenir d’autres types d’informations. Et c’est l’épigénétique qui contrôle l’accès à l’ADN, qui régule les gènes pour qu’ils soient activés ou non… et qui ainsi commande la fonction des cellules, cellule de la peau ou du cerveau, fibroblaste, kératinocyte, etc.”. Mais au cours du temps, en fonction du régime alimentaire, du niveau de stress, de la qualité du sommeil, de la pollution et des conditions environnementales, des interactions microbiennes…, en un mot en fonction de l’impact de l’exposome, il peut y avoir des changements au niveau épigénétique, qui ont des répercussions sur notre vieillissement.
Une étude a été menée pour explorer cet aspect. Elle a eu lieu en Californie sur 48 sujets, de deux groupes d’âge différents (20-30 et 45-65 ans), dont les ancêtres étaient d’origine européenne et chinoise. Les chercheurs ont pratiqué des biopsies de peaux dans deux zones, exposées ou non au soleil. Ce qui a permis d’analyser les différences liées au vieillissement en fonction de l’âge et de l’exposition solaire.
Les résultats ont confirmé ceux d’autres études précédentes : l’exposition solaire affecte la méthylation de l’ADN (faible hausse et forte baisse sur les zones de la peau exposées par rapport à celles qui ne le sont pas). Le Dr Gunn a indiqué qu’il continuait ses recherches pour expliciter tous les aspects de ce phénomène.
L’horloge épigénétique, la nouvelle mesure du vieillissement
Le concept est dans l’air depuis environ huit ans, et a été précisé par deux études qui ont montré que les changements épigénétiques semblent relativement similaires chez tous les individus, et qu’ils constituent donc une bonne lecture du processus de vieillissement.
Une de ces études, signée Steve Horvath et publiée en 2013 dans Genome Biology, a pris en compte tous les tissus du corps humain et leurs changements épigénétiques dans le temps. À partir de données sur la méthylation de l’ADN, il en a déduit un outil prédictif multi-tissus, marqueur de l’âge biologique.
L’autre étude, publiée en 2016 dans Aging, a confirmé que l’estimation de l’âge basée sur la méthylation de l’ADN, aussi appelé l’âge épigénétique, était un biomarqueur fiable de l’âge biologique.
L’application de cette découverte à la peau a été explorée par une autre étude, publiée dans Genome Biology en 2015, et basée sur l’étude de l’ADN de deux zones du corps (une exposée au soleil, l’autre non) de deux groupes d’âges différents.
Premier constat, le modèle multi-tissus prédictif d’Horvath fonctionne : les personnes qu’il “calcule” âgées le sont réellement. Mais bizarrement, il indique les zones cutanées exposées au soleil comme plus “jeunes” que celles qui ne le sont pas, ce qui n’est évidemment pas le cas dans la réalité. On peut donc douter qu’il soit un bon marqueur du vieillissement cutané, notamment pour le photo-vieillissement.
La méthode a donc été affinée avec la création d’une horloge épigénétique spécifique pour la peau, qui a donné de meilleurs résultats, mais avec encore une marge d’erreur (d’environ 5 ans contre 11 pour le modèle d’Horvath).
“Ces modèles doivent encore être améliorés pour se rapprocher davantage de la vérité, mais tout indique que l’horloge épigénétique peut être une bonne mesure du vieillissement cutané”, a conclu David Gunn. Et de donner, en conclusion de son intervention, quelques éléments de réponse à la question première : “Pourquoi certaines personnes paraissent plus jeunes que leur âge ?”
• Tant la génétique que les facteurs liés au style de vie influencent l’apparence de jeunesse.
• La clé de la compréhension du vieillissement perçu est l’interaction entre ces ceux éléments.
• L’épigénétique peut fournir cette clé.
• L’aboutissement des recherches dans ce domaine donnera la possibilité d’adapter nos styles de vie à notre génétique.
Pour une apparence toujours plus jeune… avant de penser à inverser le processus de vieillissement ?
À propos de David Gunn
Après avoir obtenu son Doctorat en génétique, le Dr Gunn a mené des recherches à l’Université de Newcastle sur les déterminants génétiques des troubles cardiaques. En 2000, il a rejoint le département Recherche & Développement d’Unilever au Royaume-Uni, en se consacrant aux mécanismes génomiques du vieillissement de la peau. Plus récemment, il a dirigé de grands projets de recherches internationaux avec plusieurs universités, sur les thèmes du vieillissement de la peau, du visage et des cheveux. Régulièrement invité à intervenir dans les conférences internationales, auteur de nombreuses publications scientifiques, le Dr Gunn voit aussi ses recherches médiatisées (BBC Horizon, World news, média radio et web). À l’interface entre la recherche scientifique fondamentale et la science translationnelle, les travaux du Dr Gunn sont axés sur la façon dont les connaissances biologiques peuvent être traduites en bénéfices pour le grand public et le business d’Unilever.