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vendredi 5 juin 2015Experts

Les rôles changent !!!!! (Les fabricants et le futur des labos)

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Depuis quelque temps, certains signes me semblent agiter le microcosme de la cosmétique, qui peuvent éventuellement conduire à des changements de posture, d’attitude, voir de rôle. Je veux parler ici du rôle des fabricants d’ingrédients qui proposent des initiatives plutôt inattendues et pour le moins impertinentes.

Temps de lecture
~ 5 minutes

Certes, nous avions vu renaître les laboratoires d’application dans quelques organisations desquelles elles avaient disparu. C’était, et ça reste plutôt, une bonne initiative.
Certes, nous avons vu aussi quelques fabricants déborder, timidement au début, puis un peu plus franchement, sur le territoire des laboratoires. Je pense aux intéressantes contributions des sociétés comme Gattefossé, Lucas Meyer ou encore Seppic, qui s’adressent régulièrement aux utilisateurs finaux avec des outils pertinents et opérationnels.
Certes, nous en avons vu quelques-uns s’intéresser de nouveau au maquillage, spécialité plus ou moins abandonnée depuis des décennies, et c’est tant mieux.

Mais cette fois, je veux faire référence à quelques initiatives par lesquelles les opérateurs en amont vont beaucoup plus loin dans la recherche du changement.
Voici trois exemples pour illustrer mon propos.

Le projet Skin Genomic Center
Skin Genomic Center propose de déchiffrer l'ADN de la beauté grâce à une analyse génétique complète ! L'analyse génétique est effectuée grâce à un prélèvement d'échantillon de salive réalisé au sein du Centre. Celui-ci est ensuite envoyé et traité au laboratoire de One.gen/0,1 : Prima-Derm (situé à Barcelone, en Espagne). Prima-Derm effectue le test ADN et analyse les variations génétiques liées à sept points clés : la longévité cellulaire, l'architecture tissulaire, la pigmentation, les rides, la détoxification cellulaire, l'intolérance cutanée et l'augmentation de l'IMC. Parce que le mode de vie joue également un rôle primordial sur la beauté, il convient aussi de renseigner Skin Genomic Center sur les antécédents médicaux, le style de vie, l’alimentation, etc. De plus, un diagnostic de peau est réalisé grâce à un microscope numérique 3D afin d'identifier les sensibilités, les rides déjà apparentes, les rougeurs et la texture de la peau. Jusque-là, rien de très nouveau, me direz-vous, encore que cette approche est quand même assez avancée. Le fait nouveau est que c’est un fournisseur d’ingrédients qui est derrière ce projet. En effet, il n’est pas très sorcier d’identifier en back stage un fournisseur de peptides actifs très connus, et initiateur de quelques spécialités ayant été remarquées.

Ashland
Lors du récent salon des ingrédients à Barcelone, ce fabricant a présenté une approche que certains ne trouveront peut-être pas nouvelle, ou encore que d’autres qualifieront de "mots nouveaux sur quelque chose de connu", mais quand même. Voilà le concept de base : “Creating consumer-desirable sensory experiences is a function of ingredient expertise, controlling formulation behaviour all along the sensory pathway and considering the differing texture preferences of consumers around the world,”. Il s’agit dans ce cas d’une revendication très précise : ce fabricant fait le boulot à votre place et, en filigrane, peut-être mieux ! En plus, il ne se contente pas de développer une activité de recherche pour valider ses actifs, mais entretient une équipe qui consacre pas mal de temps et d’efforts à des activités de recherche de base . Si ce n’est pas totalement nouveau, ce n’en est pas moins inhabituel. C’est ainsi que récemment, cette équipe a proposé des tests in vivo pour révéler que certains paramètres biophysiques et physiologiques de la peau humaine peuvent évoluer en fonction des rythmes circadiens.

Lubrizol
Je vous laisse apprécier le concept proposé récemment par ce fabricant :
"Lubrizol’s New Vision for Skin Care Clients: Accelerating Your Creativity. Lubrizol Skin Care’s mission is to become a partner to their customers and help boost their creativity with innovative concepts, strong technical and regulatory support, as well as flexibility in supply and delivery". Si, dans cette approche, le fabricant ne revendique pas de se substituer au développeur, il prétend clairement lui amener un nouveau type d’ingrédient : sa créativité ! Avec, en creux, l’idée que le développeur en manquerait peut-être !

Ces différentes démarches pointent toutes l’idée que la conception "produit" pourrait se faire en dehors des marques. Pourquoi pas ? C’est déjà souvent le cas avec les façonniers et dans certains contextes d’open innovation. Mais je ne suis pas certain que ce soit toujours un bien. Est-ce la bonne interprétation de ces faits, qui, pris isolément, n’ont peut-être pas de sens, mais qui mis bout à bout, semblent indiquer que les rôles pourraient bien se redéfinir ? On me dira : c’est du déjà-vu, ou comme suggéré précédemment, des mots nouveaux sur une situation de type "business as usual". Mais… Et si ce n’était pas le cas ?????? Je ne vois d’ailleurs pas forcément de malice à ce que les choses se passent ainsi, mais ce n’est peut-être pas inutile de les interpréter autrement. Si l’open innovation est une alternative satisfaisante (ce que je crois, surtout quand elle remet les labos au centre du jeu, ce qui n’est pas toujours le cas), là, il s'agirait de transfert d’activité. Et de ce point de vue, je ne suis pas certain que ce soit utile. Il en va du futur des labos. Dans ce contexte, que sera la contribution des marques dans ce genre de démarche ? Que sera la part de la créativité si elle est "sous-traitée" ? Quelles seront également les conséquences sur ce phénomène si dangereux de la "commoditisation" ? Allez voir ce qui se passe dans les labos qui font du low cost !

Je souhaite que les responsables de labo se posent la question.
Mais peut-être est-ce encore une fois ma pauvre tête malade qui me joue des tours !

Jean Claude Le Joliff

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