Les perturbateurs endocriniens sont des substances qui ont la propriété de pouvoir affecter le système hormonal. Certaines ont la faculté d’imiter l’action des hormones ou de bloquer leurs récepteurs. D’autres entravent leur acheminement, leur production ou leur dégradation dans l’organisme. Les conséquences que peuvent avoir ces interactions inquiètent d’autant plus qu’elles sont très variables d’une substance à l’autre, d’une dose d’exposition à l’autre, et même d’une personne à l’autre… Mais il est aujourd’hui dans l’esprit commun que les perturbateurs endocriniens sont dangereux pour la santé…
Soyons clairs d’entrée : les substances qui agissent en perturbateurs endocriniens sont très diverses, et on ne parle là pas que de chimie lourde. Car si certaines sont d’origine synthétique, d’autres sont on ne peut plus naturelles : le soja est ainsi fréquemment décrit comme un perturbateur endocrinien végétal.
Et le problème n’est pas tant qu’une substance puisse avoir une influence sur le système hormonal (la pilule est très utile à de nombreuses femmes), c’est que nous sommes tous aujourd’hui exposés à une multitude de perturbateurs endocriniens, que nous le voulions ou non.
Beaucoup sont déjà identifiés comme les alkylphénols, les phtalates, le Bisphénol A, les composés polychlorés ou organochlorés… que l’on trouve dans des matières plastiques (c’était notamment le cas de certains biberons pour le Bisphénol A), des pesticides, des émissions de gaz en provenance d’industries, des eaux contaminées, mais également dans l’alimentation, parfois les médicaments… et certains cosmétiques.
Et le réel souci est que personne ne maîtrise ce cocktail d’interactions et ses effets, dont on a découvert avec le temps qu’ils étaient loin d’être tous désirables.
Des effets délétères
On sait que l’effet des perturbateurs endocriniens est particulièrement nuisible lors de la période embryonnaire et pendant la petite enfance : durant cette phase, le développement et la fonction à venir des organes peuvent être perturbés, avec notamment pour conséquence de graves malformations et/ou des dysfonctionnements de l’appareil sexuel. Ils seraient également responsables de la baisse importante de la fertilité observée actuellement dans de plus en plus de pays occidentaux ou de la “vague” de pubertés précoces observées chez les petites filles. Les abeilles, décimées par ruches entières, en seraient aussi victimes par le biais des pesticides déversés sur les fleurs qu’elles butinent.
Il est vrai qu’il semble que, passée la période critique de la vie embryonnaire et de la petite enfance, l’organisme se montre beaucoup moins sensible à ces substances, même lorsqu’il y est exposé à des doses élevées. Mais, encore une fois, aux premiers stades de la vie humaine, leur effet peut être terrible, pour l’enfant lui-même comme pour les générations futures : une étude menée sur des rats a montré que si la mère avait été en contact avec des perturbateurs endocriniens pendant une période critique, ces effets pouvaient être détectés chez ses descendants, et ce jusqu’à la quatrième génération…
Une réglementation difficile à mettre en place
Il faut savoir que les doses de sécurité fixées pour permettre l’utilisation de ces substances sont (comme pour toutes les substances chimiques ou naturelles) calculées pour chacune d’entre elles, indépendamment les unes des autres, et que nous sommes tous, tous les jours, en contact avec plusieurs perturbateurs endocriniens, et même généralement de très nombreux d’entre eux.
Or, avec eux, tous les principes classiques de la toxicologie sont mis à mal. Ainsi, ce n’est plus vraiment la dose qui fait le poison : une substance peut avoir des effets nocifs à très faible dose, aucun à dose moyenne, et à nouveau être dangereuse à forte dose !
D’autre part, un perturbateur endocrinien, considéré de façon isolée, peut apparaitre neutre et sans effet. Mais, s’il est associé à d’autres perturbateurs endocriniens, ils ont ensemble un impact qui peut s’avérer dramatique. C’est l’“effet cocktail” que les associations écologistes dénoncent depuis des années, et que les scientifiques sont de plus en plus à même aujourd’hui de mesurer.
Face à ces propriétés si spécifiques, la réglementation a bien du mal à s’élaborer. Des stratégies d’évaluation ont été élaborées, par exemple en France ou en Europe. Mais malgré les recherches et les progrès des scientifiques, on a encore aujourd’hui plus de questions que de réponses sur quelles substances restreindre ou interdire, comment et dans quels types de produits.
Le point de départ de toute réglementation (ces fameux critères permettant d’identifier un perturbateur endocrinien que devait publier la Commission européenne) a suscité tellement de controverses et de débats qu’il a pris plus de deux ans de retard sur les délais fixés. Toujours en l’absence de consensus clair, et sans rien de spécifique à ce jour pour les cosmétiques.
En résumé, ils sont encore mal connus, leurs effets sont graves et de plus en plus certains, les mesures de protection tardent à se mettre en place : voilà le cocktail parfait pour qu’ils fassent peur et qu’ils soient rejetés de toutes parts.