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mercredi 22 mars 2017Produits

Le rasage au travers des produits et des outils : Partie 1

© CosmeticOBS-L'Observatoire des Cosmétiques

Après avoir connu de nombreuses modes et tendances et alors que l'art de la barbe est revenu au goût du jour, nous avons bien souvent oublié certains objets ou les produits qui allaient avec, voire les techniques qui étaient à la base de cet art ancestral.

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~ 9 minutes

Devenu pour certains l’art du " grooming" , ceci voulant dire littéralement " épouillage" , ce terme est devenu petit à petit celui attribué aux objets, outils et produits de la toilette masculine ou autour du rasage et de la barbe. Si le terme continue à être d’actualité dans de nombreux domaines comme les sciences comportementales ou l’éthologie, ou dans le monde vétérinaire et plus spécifiquement de l’animal de compagnie, il décrit assez bien cet univers spécifique de la toilette et de l’entretien du visage masculin.

Dans ce travail, nous essayons de faire le point à la fois sur les objets et sur les produits, essentiellement dans un but de mémoire. Il ne s'agit pas d'aborder les aspects culturels ou sociétaux du port de la barbe ou de la moustache. L'ambition est plus spécifiquement de voir les bases technologiques et/ou la formulation de ces objets et de ces produits qui sont maintenant passés dans le domaine public, après avoir été longtemps l'apanage de spécialistes confirmés.

Mais éventuellement, si ceci pouvait conduire à suggérer quelques rééditions, pourquoi pas !!!

Jean Claude Le Joliff

Une petite histoire du rasage

Le rasage est une technique et un soin d'épilation temporaire basé sur l'usage d'un rasoir. Chez les hommes, le rasage concerne le plus souvent les poils du visage et parfois du torse, du pubis, des aisselles ou encore des cheveux lorsqu'ils sont très courts. Depuis les temps primitifs, le rasage a été une pratique culturelle importante. Les peintures des grottes préhistoriques montrent que les hommes pratiquaient déjà le rasage en grattant le poil avec des pierres, silex, coquillages comme des coquilles de palourdes et d'autres objets naturels aiguisés. Les Néanderthaliens se défaisaient de leurs poils par une épilation sous forme de tatouage. La première lame de rasoir aurait été inventée aux alentours de 30 000 av. J.-C. Le " flint " était un objet en silex aiguisé avec lequel les hommes se taillaient la barbe. Avec l'avènement de l'âge du bronze, les humains ont acquis la capacité de forger des métaux simples et ont commencé à faire des rasoirs à partir du fer, du bronze et même de l'or. Vers le IIIe millénaire avant notre ère, lorsque les outils en cuivre ont fait leur apparition, les humains ont conçu des rasoirs en métal.
On trouve les premières représentations d'hommes sans barbe au temps des premières dynasties égyptiennes.

Le rasage complet de l'ensemble du corps était associé à une recherche obsessionnelle d’hygiène et témoignait de la beauté, de la jeunesse, de la propreté et du statut. Les anciens Égyptiens ont donc commencé à se raser la barbe et la tête. Les Grecs de l’Antiquité étaient un peuple de la barbe. Pour eux, elle était un signe de virilité et de sagesse. En effet, selon Plutarque, quand un jeune garçon commençait à avoir de la moustache, il était de coutume de consacrer la première barbe au Dieu du soleil Apollon lors d’une cérémonie religieuse. Par contre, les Grecs pouvaient se couper la barbe uniquement pendant les périodes de tristesse et de deuil. Couper la barbe d’un autre homme était une infraction grave et passible d’une amende, parfois même de prison. Chez les Spartiates, raser la moitié de la barbe d’un homme indiquait qu’il avait montré de la lâcheté au cours de la bataille.

À l’opposé de leurs cousins grecs, les Romains étaient rasés de près. Le premier rasage d’un jeune homme était un événement important dans sa vie et ritualisée lors d’une cérémonie religieuse. Chez les Romains, le rasage était considéré comme un symbole de jeunesse.

Aux frontières allemandes de la Rome antique vivaient des tribus barbares dont les chefs portaient d’imposantes barbes. Les anciens Romains, pour la plupart imberbes, étaient fascinés et apeurés par ces barbes germaniques. Chez les Francs et les Germains, il était de coutume de raser un roi ou un prince déchu et de le défaire de sa barbe. Le rasage signifiait honte et humiliation.

À l'époque macédonienne, la barbe était un symbole de sagesse. Le port de la barbe était réservé aux philosophes et aux hommes âgés. Alexandre Le Grand obligeait le rasage afin d'éviter la saisie de la barbe par un ennemi au combat.
Le rasage de la barbe chez un ennemi soumis pouvait également être humiliant pour certaines religions.

En Inde, alors que le port de la barbe était la norme pour beaucoup de sectes, certaines pratiquaient un premier rituel de rasage semblable aux Romains. Selon le Grihya sûtra , une collection de textes rituels décrivant les rites que les hommes devaient pratiquer, un garçon devait recevoir son premier rasage quand il arrivait à ses seize ans. Connu comme le Godanakaruman , cette cérémonie du premier rasage était réalisée par un coiffeur. Le visage ainsi que la tête devaient être rasé proprement.

Alors que chez les anciens juifs ou encore les musulmans, il était d’usage de ne pas se raser, l’acceptabilité chez les premiers chrétiens d’une barbe cirée et entretenue est devenue la règle. Le monde religieux montrera l’exemple avec les pratiques monastiques qui consistaient à se raser visage et cheveux à intervalles réguliers.

Dans l'Europe du bas Moyen-âge, le port de la barbe tomba en désuétude. Au Moyen Âge, on verra apparaître la profession de barbier-chirurgien. Cela faisait suite à la condamnation par l'église de la pratique de la chirurgie. Les médecins, pour la plupart membres du clergé à l'époque, ne pouvaient donc plus la pratiquer, et elle sera reléguée à un rang inférieur pour de nombreuses années. Cette interdiction de la pratique de la chirurgie par les médecins conduira à des professions comme celles des arracheurs de dents, des marchands forains ou des barbiers à réaliser des interventions de petite chirurgie. Le terme de "barbier" à cette époque renvoie à trois métiers différents :
• le barbier, celui qui a le droit de tenir boutique pour raser et qui a pour enseigne des bassins blancs avec cette inscription “ Céans, on fait le poil proprement et l’on tient bains et étuves ”. (Dictionnaire de Paris de Hurtaut : 1779) ;
• le barbier-perruquier, l’ancêtre des coiffeurs actuels, qui n'exerçait son talent que sur les têtes princières et appartenait à la suite des domestiques de grandes maisons ;
• le barbier-chirurgien, en charge de la petite chirurgie, a pour enseigne des bassins jaunes.

Cette situation durera jusqu’à ce que l’on distingue les chirurgiens dits "de robe longue", qui doivent désormais passer un examen devant leurs pairs avant d'exercer, des chirurgiens dits "de robe courte" ou barbiers, qui ne seront plus chargés que des interventions minimes (XIIIe siècle). Au début du XVIIIe siècle, les métiers de barbier et de chirurgien sont malgré tout toujours proches, d’autant qu’ils ont construit des pratiques et un discours communs reposant sur l’usage d’instruments de haute technologie et sur la théorie humorale. Étant les seuls équipés des lames adéquates et habilités à s’en servir, les barbiers étaient les médecins du petit peuple et exerçaient sur tous une chirurgie rudimentaire, certes, mais la seule qui existait. La plupart ne sont que des rebouteux. L’agrégation entre les différents métiers va suivre des fluctuations liées à toute une série de facteurs, tant économiques que réglementaires, mais petit à petit, les différents métiers vont se distinguer.

Dès lors, les barbiers vont petit à petit devenir les spécialistes du rasage et du traitement du poil. Un barbier est une personne, en général un homme, dont le métier consiste à entretenir les cheveux et la pilosité faciale (la barbe, la moustache, les rouflaquettes, etc.) des hommes.

De tous temps, le port de la barbe, ou la forme de celle-ci, a donc eu une signification socioculturelle. La manière dont on portait la barbe ne relevait généralement pas d'une question de libre choix ainsi.
Ainsi a été le monde, cahincaha barbu ou imberbe, jusqu’au XIXe siècle. C’est globalement le moment où le rasage "moderne" fera son apparition.

En 1900, la plupart des hommes étaient encore rasés périodiquement soit par le barbier local, soit à la maison en cas de besoin, plutôt que régulièrement. Les barbiers avaient un "kit" de rasoirs pour leurs clients les plus fidèles, étiquetés de "dimanche à samedi" et n’utilisaient qu’un seul rasoir par jour. On appelait ça le semainier.

Le rasage à domicile apparaitra au début du XXe siècle avec l’apparition des rasoirs de sûreté et de la pogonotomie. Il se généralisera petit à petit. Il suivra les modes et surtout les évolutions technologiques au niveau des rasoirs, qui vont devenir de plus en plus performants et plus sûrs. Les produits accompagnant le rasage suivront une évolution analogue, passant progressivement du savon à barbe à des propositions de plus en plus sophistiquées.

Aujourd'hui, le port d'une barbe en Europe est généralement une question de tendance de mode. Le rasage d'une certaine forme ou le rasage et l'entretien d'endroits plus intimes font intégralement partie de notre hygiène quotidienne, du soin et de notre confort. À ce jour, pratiquement tous les hommes se rasent ou entretiennent leur barbe chaque jour dans leur propre foyer, en utilisant une large panoplie d’objets ou de produits. Les produits deviennent d’ailleurs petit à petit les objets d'une routine de beauté au même titre que pour la gente féminine. Elles-mêmes se sont entretemps converties au rasage de certaines parties du corps. Certains prétendent même que le rasage pourrait avoir des vertus antiâge !!!!

De nos jours, le port de la barbe a connu un véritable renouveau au travers du mouvement que l’on appelle les "hipsters". C’est est un terme anglo-américain apparu dans les années 1940, qui désignait à l'origine les amateurs de jazz. Depuis le début des années 2 000, "hipster" est de nouveau utilisé pour désigner un individu n'ayant pas adopté certaines habitudes consuméristes et socio-culturelles, se démarquant par un style vestimentaire, une attitude anticonformiste. Le port de la barbe en est un des signes distinctif.

Tous les porteurs de barbe ne sont pas "hipsters" et à coté de ce mouvement, l’art du rasage reste très présent et se traduit par des pratiques souvent très individuelles. La renaissance des boutiques de barbier dans lesquelles les hommes viennent se faire raser complète cette évolution.

De nos jours, il y a de très nombreuses façons d’exprimer ses choix au travers de sa barbe.

Biologiste de formation, Jean Claude Le Joliff a été un homme de R&D pendant de nombreuses années. Successivement en charge de la R&D, puis de la Recherche et de l’Innovation dans un grand groupe français de cosmétiques et du luxe, et après une expérience de création d’un centre de recherche (CERIES), il s’est tourné vers la gestion de l’innovation.
Il a été par ailleurs Professeur associé à l’Université de Versailles Saint Quentin (UVSQ) et reste chargé de cours dans le cadre de plusieurs enseignements spécialisés : ISIPCA, IPIL, ITECH, UBS, UCO, SFC etc.
Il est le fondateur de inn2c, société de conseil en R&D et Innovation. Consultant auprès de plusieurs sociétés internationales, il a participé activement à des projets comme Filorga, Aïny, Fareva, et bien d’autres.
Il a créé la Cosmétothèque®, premier conservatoire des métiers et des savoirs faire de cette industrie.

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