Un peu d’histoire…

Le cuir est presque à l’origine de la parfumerie française. Matière noble par excellence, il renvoie au métier originel de parfumeur, celui de gantier. En France, la ville de Grasse, réputée pour ses tanneries, a développé son expertise parfum pour masquer l’odeur des cuirs tannés. C’est ainsi qu’elle est devenue la capitale du parfum dans le monde.
L’accord cuir a donné naissance au légendaire cuir de Russie, obtenu avec de l’essence de bouleau (les bottes en cuir des Cosaques étaient tannées avec des écorces de bouleau brûlées), parfois accompagné d’encens et de bois de cade, comme dans le célèbre Cuir de Russie de Chanel (collection Les Exclusifs, 75 ml, 130 €).
Ses effluves peuvent aussi être recréés par la combinaison de matières premières naturelles comme le styrax, le ciste-labdanum, l’essence d’agar, la cassie, ou de matières de synthèse comme le Suderal (chez IFF) ou l’IBQ (Isobutyl quinoléine)…
Proche des notes tabac ou "pyrogénées" (une senteur brûlée qui évoque le goudron ou le pneu chaud), cette famille olfactive, puissante et singulière, restait cantonnée ces derniers temps aux parfums masculins. Elle réapparaît aujourd’hui en majesté dans la parfumerie féminine de luxe. En parfaite cohérence avec les marques de sellerie comme Hermès, ou de Haute Couture (Chanel, Dior, Givenchy…) qui possèdent des lignes de maroquinerie, elle devient le nouveau snobisme parfumé.

Des inflexions moins abruptes

Moins animales et goudronnées, les fragrances cuirées d’aujourd’hui sont plus faciles à porter. L’évolution des matières premières a donné naissance à de nouvelles notes de synthèse, plus souples et duveteuses, évoquant davantage le daim velouté et tissant des liens uniques avec la peau, comme dans Cuir d’Ange d’Hermès (collection Hermessence, eau de toilette 100 ml, 185 €). Adouci de musc, d’héliotrope et d’aubépine, le cuir y devient léger et intimiste.
Même rondeur florale (fleur d’oranger, ylang-ylang, jasmin), avec des facettes chyprées et caramélisées, pour Cuir Cannage de Christian Dior (La Collection Privée, eau de parfum 125 ml, 210 €), caressé de notes de rouge à lèvres (rose et violette) et de bouffées de tabac blond miellé.
Quant à Cuir Blanc de L’Atelier Givenchy (eau de parfum 100 ml, 170 €), ce néo-cuiré au grain tactile pourrait presque s’effleurer avant d’être respiré ! Enrobé de muscs blancs, ce parfum de peau, charnel et moulant comme un fourreau, n’a rien d’androgyne !
Même l’Eau de Gaga de Lady Gaga (eau de parfum à partir de 29,90 € les 30 ml, chez Sephora), revêt une tonalité cuirée épicée qui nous change des fragrances fruitées girly !

La parfumerie de niche s’en empare

Pour Clara Molloy, créatrice des parfums Memo, qui lui a consacré toute une collection (Cuirs Nomades), " l a palette des cuirs est vaste en parfumerie. Si p our certains, il évoque une seconde peau, une carapace protectrice , p our d’autres, son élégance racée est un modèle de raffinement. L a mode des cuirs est sexy et moderne. Elle offre une séduction ambigüe, qui permet de jouer sur le contraste masculin-féminin ". Troisième opus de cette gamme, French Leather (eau de parfum 75 ml, 168 €) est un cuir frais et fleuri, qui rend hommage à la rose, alliant force et fragilité.
Selon Alienor Massenet, parfumeur IFF qui signe tous les jus Memo, " le cuir donne tout de suite une couleur forte qu’il faut savoir manier avec délicatesse. Pour French Leather, nous avons utilisé un cuir daim qui évoque l’intérieur d’un sac à main. Il apporte une atmosphère intime, une impression de promiscuité ".
Vintage et subtil, The British Bouquet de Atkinsons (The Legendary Collection, eau de toilette 100 ml, 110 €, Printemps Haussmann) est un nouveau sillage fauve aux inflexions boisées et ambrées (gaïac, huile de bouleau, ciste-labdanum, benjoin). C’est le seul parfum mixte de notre tour d’horizon.

Ariane Le Febvre