Et si les déchets, d’habitude peu ragoûtants, s’offraient une nouvelle jeunesse ? C’est le pari que la maison État Libre d’Orange et l’agence de publicité Ogilvy Paris se sont lancé en annonçant la sortie, à l’automne 2018, d’un parfum issu des résidus et ordures de la parfumerie.
C’est par une courte vidéo (à voir ici), à l’esthétique léchée, que le projet a été annoncé. On y voit des déchets organiques jetés sur le sol et envahis par des vers de terre. Peu appétissant, n’est-ce-pas ? Pourtant, ce compost permet à de nouvelles fleurs de pousser. Le teaser s’achève par la voix d’une femme prononçant ces mots : “the most wanted scent made from the unwanted”, à comprendre que du laid peut naitre le beau.
Cette idée originale a germé dans l’esprit du parfumeur État Libre d’Orange. Son fondateur, Étienne de Swardt, explique vouloir “concevoir un parfum qui redonne du sens aux déchets et autres résidus de l’industrie du parfum et dire à tous, plus vite, plus fort, que du miasme peut rejaillir le beau et le bon. Nos déchets ont encore plein de sens à redistiller.”
Mais justement, à quoi s’attendre en termes de senteur ? Sur ce point, Étienne de Swardt reste évasif. “Nous ne le savons pas encore car nous sommes en phase de développement. Il sera fait à base de déchets de parfumerie, c’est donc l’occasion d’obtenir des essences encore jamais exploitées auparavant. Ce dont nous sommes sûrs, c’est que ce parfum s’adresse à ceux qui veulent aller à contre-courant, ceux qui dérogent aux familiarités conventionnelles, ceux qui sont assez curieux de découvrir un parfum appelé I Am Trash et assez brave pour le porter”, détaille-t-il. Le projet est donc, certes sur les rails, mais le résultat est encore incertain. Là encore, Étienne de Swardt entend “ne pas se précipiter et laisser le temps à la nature de nous offrir le meilleur de ses éléments pour être cohérent avec l’état d’esprit du concept”. Il précise également que le choix des matières premières n’a pas encore été fait.
Le recyclage, nouveau luxe
Bien évidemment, derrière ce parfum peu catholique se cache l’ambition de s’engager en faveur du développement durable. Ogilvy Paris et État Libre d’Orange expliquent avoir souhaité donner une expertise luxe autour de quelque chose d’aussi dégoutant mais néanmoins utile. “Les déchets ne sont généralement pas perçus comme de belles choses mais ce parfum rend hommage à la beauté de ce que des éléments déjà usagés peuvent révéler. L’extraordinaire peut naître des rebuts”, distille Emmanuel Ferry, Managing Director-Head of Branding & Advertising chez Ogilvy Paris. Pourtant, c’est un pari ambitieux d’associer la volupté de la parfumerie aux ordures. Comment donc arriver à faire bouger les habitudes de consommation et donner envie d’utiliser ce produit ? “Nous avons le profond sentiment que cette démarche est en phase avec la métamorphose actuelle de notre société. I Am Trash a pour ambition de bousculer les perceptions relatives au déchet pour que tout le monde prenne conscience de leur valeur. C’est un pari osé que d’employer le parfum, car sur le plan olfactif, le déchet a plutôt tendance à nous dégoûter, mais c’est là que tout le challenge devient intéressant. Sublimer le déchet dans tous ses états pour qu’il s’imprègne dans l’ADN de notre génération. Aujourd’hui, nous sommes accoutumés à tout obtenir de manière instantanée. Nos désirs ricochent d’une envie à l’autre. Transformer les déchets pour leur donner une seconde vie est un long procédé, nous souhaitions retranscrire cette dimension temporelle dans notre manière de communiquer autour du concept. C’est également un moyen d’embarquer notre audience au cœur du processus de conception de ce parfum”, souligne Etienne de Swardt.
Patience donc avant de pouvoir découvrir les notes de ce jus original. Une chose est sûre, les détritus n’ont pas dit leur dernier mot et comptent bien prendre leur revanche.
Et si ce n’est, au final, pas forcément dans un “vrai” parfum, ce sera au moins dans l’opération de communication qui l’entoure… alors qu’il n’existe pas encore !