Face à une société en pleine mutation, les canons de la beauté évoluent à leur tour. Pourtant, ces nouvelles esthétiques ne sont pas encore représentées à 100 % dans les médias et dans l’industrie cosmétique. Pour faire bouger les choses, Virginie Bapaume, directrice de l’agence événementielle Ivy Agency, a créé le Prix de la Beauté Plurielle. Elle s’est entretenue avec Chantal Soutarson, fondatrice du podcast Beauty Toaster, lors de la Journée de la Beauté 2019 organisée par le CEW France.
Chantal Soutarson : De base, vous étiez blogueuse, parlez-nous du début de votre carrière.
Virginie Bapaume : J’ai commencé chez Allociné où j’ai été responsable du pôle annonceur pendant dix ans et en parallèle, j’avais créé un blog. Il s’adressait à toutes les femmes et il a fini par prendre de l’ampleur. Ce projet est donc devenu primordial pour moi.
Plus jeune, j’ai grandi en banlieue avec des femmes de toutes origines. Ça a toujours été pour moi un peu étrange, dans les médias ou ailleurs, de ne voir toujours qu’un seul type physique alors qu’on était toutes très consommatrices de beauté.
Alors, quand j’ai lancé le blog, il était capital pour moi qu’il puisse s’adresser autant aux filles noires qu’aux asiatiques. Je voulais toucher tout le monde.
CS : C’est en 2014 que vous avez l’idée des ateliers de la diversité. Comment ce projet a-t-il germé dans votre esprit ?
VB : Le blog prenant de la notoriété, j’ai commencé à être invitée à des événements presse de marques que j’aimais beaucoup.
J’ai vite remarqué que parmi les blogueuses invitées, il n’y avait qu’une fille noire (moi), une asiatique et une maghrébine pour 30 caucasiennes. Et pourtant, j’en connaissais des filles de différentes ethnies qui avaient la même activité que moi.
Alors j’ai pensé à organiser un atelier qui pourrait combiner toute cette diversité si peu représentée et réunir des filles de toutes origines, d’âges et de morphologies différentes autour de marques qui s’adressaient à elles.
CS : En 2017, vous avez lancé le prix de la Beauté Plurielle. En quoi cela consiste-t-il ?
VB : Ce prix est destiné aux marques qui sont inclusives en termes de produits, de services mais aussi en termes de campagnes et de sensibilisation.
Le temps d’une soirée, on remet un prix à ces marques-là après que leurs produits aient été testés par un jury de 30 lectrices. Journalistes et influenceurs sont les bienvenus pour démultiplier la portée média. Mais surtout, on invite les consommatrices, car ce sont elles qui achètent mais elles n’ont jamais l’occasion de rencontrer les professionnels de l’industrie. C’est un événement qui permet d’échanger avec transparence. Après la remise des prix, les marques gagnent en capital sympathie auprès de lectrices de plus en plus fidélisées.
CS : Est-ce facile de convaincre les marques de revenir sur l’événement ?
VB : Ce n’est pas simple parce qu’il faut déjà qu’elles soient un petit peu alertées sur cette notion de diversité.
Le problème est qu’il est impératif de bien expliquer que toutes les femmes sont leurs consommatrices. Le premier pas est toujours un peu compliqué mais 80 % des marques qui nous suivent reviennent les années suivantes.
CS : Sentez-vous que les marques s’impliquent plus en termes de représentation de la diversité ?
VB : Oui et non. Certaines campagnes de publicité vont mettre en avant une égérie non-caucasienne, il va y avoir un investissement média et après….plus rien ! Il ne suffit pas de mettre une fille noire ou maghrébine en figure de proue pour dire qu’on fait dans la diversité. Il faut s’engager plus que cela…et les consommateurs ne sont pas dupes !
L’inclusivité n’est pas qu’une question de couleur de peau, quid du handicap ?
CS : Est-ce que vous pensez que plus de diversité dans la beauté peut engendrer une meilleure acceptation des différences de chacun ?
VB : Les marques ont une telle force de frappe quand elles font des achats média, quand elles choisissent des égéries…qu’elles définissent des codes beauté auxquels on s’identifie.
En voyant toujours le même type de profils, il est normal que beaucoup de femmes se sentent en décalage ou pensent ne pas correspondre aux canons de beauté. Marques et journalistes ont donc un grand rôle à jouer sur les questions d’estime et de confiance en soi.
CS : Pour que l’inclusivité devienne un standard, ne faudrait-il pas plus de diversité dans les entreprises de beauté ? Au niveau du marketing, par exemple ?
VB : Pour répondre à cette question, je vais simplement citer la Rédactrice-en-Chef de Teen Vogue : “to change a storytelling, you have to change the storyteller”, tout est dit.