Le secteur des produits cosmétiques, comme beaucoup d’autres, est victime de la production de contrefaçons. Ces imitations, bien souvent de mauvaise facture, exposent les consommateurs à certains dangers. L’actualité récente a d’ailleurs démontré que la contrefaçon cosmétique sévissait, et ce même en France. CosmeticOBS-L’Observatoire des Cosmétiques a enquêté sur le sujet.
Alors que mercredi 5 janvier 2017, le service de presse des douanes annonçait
une saisie record de produits de beauté contrefaits
, c’est en réalité au mois de décembre que tout s’est joué.
Après quatre mois d’enquête, les services de douanes, dirigés par Bruno Collin, ont perquisitionné un laboratoire en Seine-et-Marne le vendredi 2 décembre 2016.
Ils trouvent alors près de 9 500 produits portant frauduleusement le nom d'une marque vendue en pharmacie. La marchandise, produite l’avant-veille, était déjà filmée et mise sur palette, prête à partir en livraison, vers une destination encore inconnue des services des douanes
Pourtant, l’enquête ne s’arrête pas là, Bruno Collin précise que " le chauffeur qui devait récupérer la marchandise a indiqué qu’il devait livrer un autre entrepôt non loin du premier ". La perquisition dans ce deuxième lieu a été concluante puisqu’elle a permis à Bruno Collin et son équipe de trouver d’autres produits, ainsi que tout un rayonnage de packaging qui allait de la caisse aux bouchons, en passant par les bouteilles. Par la suite, d’autres informations ont conduit les enquêteurs à se rendre dans le Calvados, où d’autres marchandises étaient potentiellement stockées. Coup gagnant, au total près de 160 000 produits ont été saisis.
" C’est une affaire sans précédent en France, car à ce jour, il n’y avait encore jamais eu de lieu de production de contrefaçon cosmétique sur le territoire national " explique Bruno Collin, " D’autant plus que ce laboratoire produisait des produits de sa propre marque en tout légalité, et en parallèle utilisait frauduleusement le nom d’une autre ", poursuit-il. La suite de l’enquête a été confiée au service national de douane judiciaire par le parquet de Melun.
Les doutes sur ce laboratoire sont-ils les fruits du hasard ? Absolument pas : le chef de l’enquête met en exergue la collaboration entre les différents services des douanes sur cette affaire en indiquant que " L’Observatoire du médicament, intégré à la direction du Renseignement, s’occupe de tout ce qui est contrefaçons et produits potentiellement dangereux. Ce sont eux qui ont attiré l’attention sur la potentialité de contrefaçons sur la marque ". Une enquête a donc été diligentée par la suite. Le fameux laboratoire perquisitionné a été découvert après plusieurs mois d’investigation.
En 2015, sur 7,7 millions d’objets contrefaits interceptés par les services de douanes, près de 512 000 faisaient partie de la famille des cosmétiques. La menace sur ce secteur est bel et bien présente, et il appartient à plusieurs acteurs de le protéger (et de se protéger). Certes, mais comment ?
Les recours des marques
La demande d’intervention
Les marques sont les premières concernées par la problématique de la contrefaçon. En plus d’une utilisation frauduleuse de leur propriété intellectuelle, il y a bien évidemment un manque à gagner pour elles.
Pour autant, les marques et titulaires de droit sont les premiers à pouvoir se protéger contre les utilisations abusives de leurs propriétés. En effet, à partir du moment où l’on détient une marque, une formule ou des produits, une demande d’intervention peut être déposée auprès des services de douanes. La demande est totalement gratuite et peut se faire en ligne (cf lien). Bien sûr, donner le maximum d’informations pour aider les agents des douanes à distinguer les produits originaux des contrefaits est idéal.
Il est important de rappeler que cette action est à l’initiative des marques. Sans avoir rempli cette demande d’intervention, il sera impossible aux services de douane d’intercepter d’éventuels produits contrefaits. Pour autant, il n’est pas nécessaire de suspecter une activité frauduleuse pour déposer le dossier auprès de la douane. Il est bien plus prudent de le faire de façon systématique (la demande est valable un an). Comme dit le proverbe, prudence est mère de sûreté.
Le dépôt de plainte
Dans le cas d’une activité contrefaisante à l’égard d’une marque, la suite logique est de porter plainte pour obtenir des dommages et intérêts. Cette option prévoit des poursuites judiciaires immédiates.
Toutefois, si un gros volume de marchandise est saisi, la douane est dans l’obligation d’informer l’autorité judiciaire qui ouvrira une enquête, même si le titulaire de droit ne souhaite pas porter plainte. En effet, le juge peut décider que, derrière l’affaire, se cache un réseau, et qu’il y a un risque de pertes financières, de pertes fiscales et potentiellement des problématiques de santé.
Surveiller les tableaux de concordance
La Fédération des Entreprises de la Beauté (FEBEA), syndicat professionnel du secteur cosmétique, aide également ses adhérents à lutter contre les contrefaçons. Emmanuelle Gourbin, directrice des affaires juridiques et sociales explique que la FEBEA est "
très active dans la recherche de tableaux de concordance
". Cette pratique renvoie spécifiquement à la contrefaçon de parfum. "
Il s’agit de listes utilisées par les revendeurs pour faire correspondre un de leur produit avec un parfum de marque connue par le biais de concordance en termes de fragrances
", explique Emmanuelle Gourbin. Pour débusquer ce genre d’entourloupes, la traque se fait principalement sur Internet mais aussi sur les marchés et autres petites boutiques. En ce qui concerne les contrôles physiques, la Fédération collabore avec les services de police ou de la DGCCRF qui les informent des potentielles contrefaçons. Lorsque le délit de contrefaçon est constaté, la FEBEA peut alors prévenir les titulaires de droit. Emmanuelle Gourbin précise que "
bien souvent, plusieurs marques sont concernées en même temps. Le but est d’intenter une action commune afin d’avoir un impact plus fort, avoir le même avocat et donc centraliser la défense
".
Les méthodes des services de douane
La plupart du temps, les produits issus de la contrefaçon sont fabriqués à l’étranger. La Chine et l’Inde sont les pays d’où proviennent le plus de faux cosmétiques. Les services de douane travaillent donc plus sur les flux d’importations, avec des méthodes bien précises.
Le ciblage
Les douaniers sont habitués et formés à reconnaitre des contrefaçons. Outre le flaire douanier, les agents travaillent en ciblant les colis. Plusieurs indicateurs permettent d’extraire les colis contenants des produits contrefaits, comme la provenance, certains emballages ou noms de société. Les agents de douane travaillent dans les grands centres de traitement comme Roissy, mais font également des contrôles routiers en France.
Collaboration avec les pays d’où sont issus les produits frauduleux
"
Lorsqu’il est possible d’identifier des lieux de production, on se met en contact, pas forcément avec les autorités douanières, mais avec les organes fiscaux ou policiers de ce pays
", explique le service de presse de la douane française. Il y a régulièrement des échanges d’informations.
Se trouver dans un cadre Europeen facilite le processus en raison de la libre circulation des marchandises, il est même d’ailleurs plus facile de faire des enquêtes judiciaires.
Collaboration avec les marques
"
Dès lors qu’on est sur un volume plus gros qu’un colis, les titulaires de droits ayant effectué une demande d’intervention sont avertis du caractère contrefaisant à l’encontre de leurs produits originaux
",
explique le service de presse de la douane. Bien que toutes les informations relatives à la saisie des produits ne puissent être révélées puisqu’elles sont sous le secret professionnel, il est demandé à la marque de confirmer que les produits en possession des services de douanes sont bien des contrefaçons.
À
ce moment-là, il y a échange d’informations (photos, numéros de séries) afin de savoir si les produits sont authentiques ou non. Ensuite, en fonction des réponses, la douane va opérer une saisie effective des produits, ou les laisser circuler.
Destruction des produits
En règle générale, les produits saisis sont d’abord gardés par le service de douanes. Ils sont ensuite détruits, soit à l’issue d’une enquête, soit quand les stocks des douanes sont pleins. Les produits sont broyés. Si la marque concernée décide de pas porter plainte, cela accélère la destruction des produits.
Conseils à l’attention du consommateur
En dépit de toutes ces mesures, certains cosmétiques passent au travers de ce maillage pour se retrouver à la portée du consommateur. Ces produits, contenant souvent des substances dangereuses voire interdites, représentent un danger pour la santé en plus d’être illégaux.
Reconnaitre une contrefaçon
La plupart du temps, les contrefaçons peuvent se repérer à l’œil nu. Si un consommateur se retrouve en possession d’un produit dont l’origine le fait douter, le packaging donne bien souvent la réponse. Fautes d’orthographe, de typographie ou encore changement de couleur par rapport aux originaux, doivent mettre la puce à l’oreille.
Comment éviter une mauvaise surprise
Comme le rappelle de service presse de la douane, "
le mieux est de faire ses achats dans les circuits de vente reconnus, et en direct
", à savoir dans les boutiques officielles des marques. Les marchés, par exemple, sont à éviter.Bien que le e-commerce ait le vent en poupe, il est important de veiller à limiter le shopping sur Internet autant que faire se peut, ou éviter les interfaces de vente de particulier à particulier (PAP). Pour les afficionados de ce type de sites, le mal peut être évité en privilégiant les plateformes qui sont reconnues comme ayant une politique volontariste de lutte contre la contrefaçon. Enfin, la réputation du vendeur est un bon moyen de savoir si on peut acheter sa marchandise en toute confiance.
Les risques en cas d’achat de marchandises contrefaites
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Pour les particuliers
Si la douane intercepte le colis, le consommateur s’expose à des sanctions :
- la confiscation des marchandises,
- la confiscation du moyen de transport des marchandises,
- une amende allant d’une à deux fois la valeur de la marchandise authentique,
- une peine d’emprisonnement de trois ans maximum.
Si la douane n’a pas intercepté le colis, le consommateur ne risque plus rien. La marche à suivre la plus logique est de se rapprocher de la plateforme de vente afin de pouvoir se faire rembourser le produit. Somme toute, les recours du consommateur sont extrêmement limités.
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Pour les professionnels
En cas d’achat de marchandises contrefaites auprès d’un fournisseur, il vaut mieux se rapprocher de la douane afin d’amorcer un début d’enquête. D’ailleurs, un professionnel peut directement porter plainte.
Que ce soit au niveau des marques ou du consommateur, la vigilance est donc le meilleur moyen de lutter contre les fraudes en matière de cosmétiques.
JS