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mercredi 23 mars 2016Ingrédients

Hydratation cutanée, une approche par couche : les osmolytes

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Il existe de nombreuses façons d’hydrater la peau, ou plus exactement de l’empêcher de se déshydrater. En conséquence, il existe de nombreuses substances ayant ces propriétés. Par ailleurs, l’hydratation cutanée reste l’une des principales préoccupations de l’industrie cosmétique sous la pression des utilisateurs. Gros plan sur les osmolytes, ralentisseurs de la perte hydrique.

Temps de lecture
~ 11 minutes

Dans une précédente contribution , nous avions décrit plusieurs groupes de substances utilisées pour l'hydratation, dont les osmolytes. Les osmolytes sont de petites molécules solubles dans la solution intracellulaire, que l’on trouve chez plusieurs espèces, et qui jouent un rôle dans la lutte contre le stress environnemental chez les organismes vivants. Ils permettent d'équilibrer la pression osmotique des différents compartiments tissulaires. Ils peuvent être subdivisés en plusieurs catégories.
Nous essayons aujourd’hui de mieux comprendre leurs modes d’action et ce qu’ils sont grâce à une contribution d’Olga Gracioso qui a travaillé sur cette question.
Merci à elle et à Sederma.

Jean Claude Le Joliff

La peau perspire de l’eau 24 heures sur 24 ; cet efflux aqueux du derme vers l’épiderme crée un gradient d’hydratation local cutané variant de 70 % dans le derme à seulement 10-12 % dans l’épiderme et, par cette voie, environ 80 à 180 ml/m  2 /jour sont perspirés.

Pour une peau bien hydratée, ce flux sortant doit être parfaitement contrôlé : c’est le rôle joué par la barrière épidermique du stratum cornéum .
Pour atteindre la surface cutanée, l’eau de perspiration passe par deux voies différentes : la voie péri-cellulaire (concerne 1/3 de l’eau tissulaire) mais aussi la voie intracellulaire via des canaux spécialisés : les aquaporines (2/3 de l’eau est intracellulaire).

Les aquaporines AQP3 de la peau sont des canaux protéiques membranaires spécifiques de l’eau (et du glycérol), que l’on trouve dans les kératinocytes de la couche basale et qui permettent le transit de l’eau et du glycérol du derme vers l’épiderme.

En association avec l’eau qui circule de manière ascendante, le glycérol joue aussi un rôle important : en effet, chez les souris knock-out en AQP3, la teneur en eau et en glycérol du stratum corneum est déficitaire mais il est possible de retrouver une hydratation normale, soit par injection intrapéritonéale de glycérol, soit par application topique de glycérol. La peau recouvre alors sa capacitance (mesure par cornéométrie) et sa souplesse (mesure par cutométrie), (Hara et al, 2002 et 2003). Ainsi, le glycérol, en se liant localement avec des molécules d’eau, contribue à la capacité de rétention aqueuse intrinsèque de l’épiderme (ou "Water-Holding Capacity" en anglais).

Ainsi, on se représente mieux comment la peau maintient son hydratation, grâce à la coexistence des trois phénomènes :
• la circulation dynamique de l’eau via les aquaporines et les espaces intercellulaires vers la surface,
• la rétention de l’eau par une barrière de cornéocytes stratifiée et bien structurée qui limite la perspiration,
• et enfin la présence de polyols qui, par des liaisons hydrogène, capturent partiellement et localement les molécules d’eau en transit.

Si la peau tend cependant à s’assécher, l’utilisation de produits cosmétiques hydratants (environ 40 % du marché) est un moyen de compenser les déficiences des phénomènes décrits ci-dessus. Glycérine hygrophile, céramides pour réparer la barrière cutanée, de nombreuses stratégies ont été mises au point pour optimiser l’hydratation de la peau. Nous allons décrire ici une stratégie adaptative de la nature, l’osmorégulation, qui permet de conduire l’eau au travers de la peau, de la surface jusqu’à l’épiderme et, plus lentement, jusqu’au derme.

Les osmolytes : stratégie adaptative de la nature

Les osmolytes ont été découverts assez tardivement au début du 20e siècle chez les organismes marins et ont été longtemps considérés comme particuliers à ces espèces.
Or, on sait aujourd’hui qu’ils sont universels : développés, sélectionnés et conservés par la nature au cours de l’évolution dans tout le règne vivant. Ils permettent aux organismes de survivre ou de faire face à des changements brusques et importants de leur milieu vital.

En effet, chaque cellule a besoin, pour maintenir son activité, de contrôler et réguler son volume et son eau intracellulaire (70 % d’eau dans les cellules).
Lorsque les changements brusques en eau disponible sont de courte durée, des échanges ioniques (flux entrant ou sortant d’ions inorganiques) permettent les rééquilibrages rapides, mais, lorsque la situation perdure, alors les cellules mettent en place un système plus évolué de protection en jouant sur les osmolytes.
En cas de stress hyper-salin par exemple, une cyanobactérie synthétisera et accumulera des osmolytes qui ralentiront la perte hydrique et occuperont physiquement l’espace en recréant un environnement favorable à l’activité des protéines intracellulaires.

La définition d’un osmolyte est la suivante :
"Soluté cellulaire mobilisé par la cellule de manière significative pour maintenir ou ajuster la pression osmotique et le volume de la cellule" . (Yancey, 2005).

Les osmolytes ont été regroupés en quatre classes (Yancey, 1994 et 2005) :
• les aminoacides et leurs dérivés,
• les méthylamines,
• les carbohydrates ou polyols,
• l’urée.

De ce fait, de nombreux osmolytes sont communs aux différentes espèces. De plus, ils sont toujours constitués en mélange. Ainsi, chaque espèce présente son cocktail spécifique, avec des proportions variables suivant les différentes catégories d’osmolytes. Cependant, les carbohydrates non chargés sont certainement les composés les plus universellement répandus.
Au final, aucune cellule, bactérienne, végétale ou animale, composée de 70 % d’eau, ne peut survivre et s’adapter aux variations hydriques sans recours aux osmolytes.

Dans notre corps, ceci s’illustre particulièrement bien au niveau de nos cellules rénales qui doivent fonctionner avec un environnement riche en sel et urée lors de la formation de l’urine à partir du sang : sorbitol, myoinositol, GPC et bétaïne sont utilisés par les cellules du cortex rénal. Par contre, pour nos cellules nerveuses, l’ajustement aux variations de la composition sanguine se fait plutôt par la taurine.

La peau et les chocs osmotiques

Les chocs osmotiques provoqués sur les kératinocytes humains sont gérés, selon les travaux de Warskulat et al, 2004, par le cocktail bétaïne/myoinositol/taurine. Ainsi Warskulat (2007) démontre que les osmolytes exercent un effet UV protecteur, anti-dessèchement et anti-apoptose.

Curieusement, le glycérol n’apparaît pas, dans les quelques publications sur peau humaine, en tant qu’osmolyte (c'est-à-dire "composé mobilisé de manière importante par la cellule pour maintenir ou ajuster la pression osmotique et le volume de la cellule").
On pourrait considérer que le glycérol est important pour l’hydratation de la peau humaine, mais dans une situation normale sans stress, c’est en quelque sorte un "hydratant résident".
L’ensemble de ces données conduit à rechercher un osmolyte différent du glycérol pour réguler l’hydratation cutanée.

Platymonas subcordiformis

Cette algue unicellulaire est intéressante par son habitat : elle vit dans les estuaires et se trouve donc confrontée toutes les six heures à un changement de la salinité. L’examen des osmolytes de Platymonas révèle, comme d’habitude, la présence d’un mélange de carbohydrates et d’aminoacides, mais c’est un mélange original. En effet, associé au mannitol, on trouve de l’érythritol et, associé à la bétaïne, de l’homarine (Dickson et al, 1986). Érythritol et homarine sont des osmolytes intéressants de par leurs propriétés. L’homarine est un osmolyte cyclique assez souvent rencontré dans le phytoplancton et chez les invertébrés marins tels que les gorgones.

Lors d’un choc hyper-salin, Platymonas réagit par une néosynthèse de zwitterions : l’homarine intervient, avec une vitesse et une quantité plus importantes comparativement à la bétaïne, permettant à cette algue de pouvoir résister à des concentrations en sel de 1000 mol/m³ (1 M !!!). Cette capacité de l’homarine à contribuer durablement à l’équilibre osmotique vient de sa structure cyclique qui en fait un osmolyte plus stable.

Polyol de 4 carbones, l’érythritol est l’homologue supérieur (quatre carbones) du glycérol (trois carbones). Peu de données sont disponibles dans la littérature concernant ses propriétés en tant qu’osmolyte. Cependant, sa présence, ainsi que l’augmentation de sa production, dans des conditions de stress, dans des levures et des algues a été rapportée. De plus, il semble être caractérisé par une très bonne perméation.

Inspiré par l’exemple du Platymonas , Sederma a élaboré une composition cosmétique visant à réguler les déséquilibres hydriques cutanés. Ce produit, dont le nom commercial est Aqualance ® est constituée des composés suivant :
• l’érythritol, pour ses propriétés de perméation, susceptible d’augmenter la captation hydrique ("water holding capacity") cutanée,
• l’homarine, en tant que zwiterrion cyclique plus stable que la bétaïne, pour contrebalancer les déséquilibres en ions.
Le couple zwiterrion-polyol formant ainsi une entité osmo-équilibrante.

L’efficacité de ce produit a été démontrée. À titre d’exemple, nous pouvons citer ce résultat : 20 femmes âgées de 23 à 67 ans ont reçu en application biquotidienne sur les jambes un gel contenant 3 % d’Aqualance® ou un placebo. Les mesures de l’hydratation de la peau ont été faites après 1h à 7h, 24h et 8 jours au Corneometer® (Courage&Khazaka), au MoistureMeter-D™ (Delfi n) et dans le proche infra-rouge. Les trois tests ont révélé que les cinétiques d’hydratation dans les différentes couches de la peau sont complémentaires du gradient en eau de la peau. La teneur en eau se stabilise après 1h dans le stratum corneum , après 2h dans l’épiderme et après 24h dans le derme.


L’efficacité de ce produit, dénommé Aqualiance™, a été démontrée par des tests in vitro et in vivo disponibles sur le site Internet de Sederma (se connecter à l’extranet pour y accéder) ou sur demande en envoyant un mail à cette adresse .

Références
• HARA M, MA T, VERKMAN AS, 2002 - Selectively reduced glycerol in skin of aquaporin-3-deficient mice may account for impaired skin hydration, elasticity, and barrier recovery. J. Biol. Chem. 2002 Nov 29; 277(48):46616-21.
• HARA M, VERKMAN AS, 2003 - Glycerol replacement corrects defective skin hydration, elasticity, and barrier function in aquaporin-3-deficient mice. Proc. Natl. Acad. Sci. U S A. 2003 Jun 10; 100(12):7360-5
• YANCEY, 1994 - Cellular and molecular pharmacology of cell volume regulation. Edt Kevin Strange, (5):86-90
• YANCEY PH, 2005 - Organic osmolytes as compatible, metabolic and counteracting cytoprotectants in high osmolarity and other stresses. J. Exp. Biol. 2005 Aug; 208(Pt 15):2819-30
• WARSKULAT U, BROOKMANN S, REINEN A, HÄUSSINGER D, 2007 - Ultraviolet B radiation induces cell shrinkage and increases osmolyte transporter mRNA expression and osmolyte uptake in HaCaT keratinocytes. Biol. Chem. 2007 Dec; 388(12):1345-52.
• WARSKULAT U, REINEN A, GRETHER-BECK S, KRUTMANN J, HÄUSSINGER D, 2004 - The osmolyte strategy of normal human keratinocytes in maintaining cell homeostasis. J Invest. Dermatol. 2004 Sep; 123(3):516-21

Contribution réalisée par Olga Gracioso
Olga est Directrice Marketing de Sederma qu’elle a rejoint en 2000. Après des études de biologie et de biochimie, elle a obtenu un Master en Cosmétologie à la Faculté de Pharmacie de l’Université de Paris 11. Elle a commencé sa carrière en 1997 chez Bourjois/Chanel au laboratoire d’évaluation, puis s’est tournée vers le monde des ingrédients cosmétiques. Sa double compétence scientifique et marketing lui permet d’envisager des bénéfices consommateurs adaptés aux besoins de différents marchés à partir de mécanismes d’action biologiques. Elle a lancé avec succès plus de quatre-vingt ingrédients actifs destinés à l’industrie de la beauté. Elle est par ailleurs membre de la Société Française de Cosmétologie.
À propos de Sederma
Sederma est une société spécialisée dans le développement d’ingrédients actifs et la création de concepts innovants pour l’industrie Cosmétique. Son savoir-faire est basé sur la maîtrise des biotechnologies, de la chimie fine et de l’extraction végétale. Fondée en 1964, Sederma a intégré le groupe international Croda en 1997. La société possède une gamme unique d’actifs. Sederma propose également toute une série d’ingrédients issus de la culture cellulaire végétale (acquisition IRB par Croda).
Équipée d’un laboratoire de tests moderne et de haute performance, Sederma conduit des études in vitro , ex vivo et in vivo extrêmement poussées afin de démontrer l’efficacité de ses produits. La production et le laboratoire de contrôle qualité sont également dotés d’un équipement sophistiqué. Sederma est engagé dans une démarche continue d’amélioration de la qualité de ses produits et de ses services. En mai 2014, Sederma a été reconnue Société Européenne productrice d’Ingrédients Actifs Cosmétiques de l’année par Frost & Sullivan et en avril 2015, le Matrixyl® de Sederma a reçu le Prix des 25 ans d’Innovation.
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