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mercredi 16 avril 2014Ingrédients

Peptides : What else ?

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Un peptide est un enchaînement linéaire d'acides aminés (AA) ; une protéine est aussi un enchaînement linéaire d'acides aminés, mais c'est une chaîne nettement plus longue. La frontière entre les deux n'est pas fixée officiellement, mais à partir d'une masse molaire de 10 000 daltons (env. 100 acides aminés), on parle plutôt de protéines que de peptides. Un oligopeptide (entité à laquelle nous allons nous intéresser plus précisément dans ce qui suit) est composé de 2 à environ 20 AA, après on parle de polypeptides.

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~ 8 minutes

Histoire des peptides dans la cosmétique: 1ère partie d'une série

Un peptide est un enchaînement linéaire d'acides aminés (AA) ; une protéine est aussi un enchaînement linéaire d'acides aminés, mais c'est une chaîne nettement plus longue. La frontière entre les deux n'est pas fixée officiellement, mais à partir d'une masse molaire de 10 000 daltons (env. 100 acides aminés), on parle plutôt de protéines que de peptides. Un oligopeptide (entité à laquelle nous allons nous intéresser plus précisément dans ce qui suit) est composé de 2 à environ 20 AA, après on parle de polypeptides.

Comme M. Jourdan et sa prose dans le "Bourgeois Gentilhomme" de Molière, beaucoup de formulateurs de produits cosmétiques utilisaient des peptides dans leurs crèmes ou shampoings consciemment ou inconsciemment depuis longtemps. Alors pourquoi parle-t-on tant des "peptides" dans la communication actuelle sur les "actifs" sophistiqués des produits d'aujourd'hui ?

Quand on prend une belle protéine obtenue à grande échelle par extraction à partir d'une source naturelle (collagène de la peau, caséine du lait, kératine du cheveux ou des plumes d'oiseau, protéines de blé, de soja, de pommes de terre, de lupin…) et qu'on la soumet à une hydrolyse ménagée (soit par voie enzymatique, soit par de l'acide fort), on obtient un mélange de fragments peptidiques, dont la composition en taille (i.e. longueur des chaînes, répartition des AA…) varie d'une protéine à l'autre, voire d'une production à l'autre, puisque l'hydrolyse n'est pas très spécifique et le résultat est un peu aléatoire. C'est comme si on coupait une grosse pelote de laine multicolore avec des ciseaux un peu au hasard, à travers la pelote entière. Les nombreux morceaux de fil récupérés seront de longueur et de coloration différente, et, d'un lot à l'autre, différents dans les détails, même si statistiquement les tas de petits morceaux se ressembleraient grossièrement.

Donc, les produits aux nom INCI de type "hydrolysat de protéine de blé/soja/lait/lupin", les "hydrolyzed collagen/elastin/keratine/silk…" tous composés d'un tas de "peptides", se trouvaient déjà dans les produits cosmétiques de toute nature depuis très longtemps : préparations peu onéreuses, faciles d'emploi, apportant un peu de toucher, un peu d'hydratation par le truchement de l'hygroscopie, un peu de gainage sur les cheveux, voire du renforcement des cuticules, ces hydrolysats étaient (et sont encore) des ingrédients de base utiles et populaires, même si les gourous du Marketing les mettent rarement en avant comme représentants de l'innovation.

Sauf que… avec l'introduction des peptides bioactifs spécifiques (voir plus loin) et la reconnaissance de leur intérêt grandissant, leur marche triomphale égalant celle des AHA des années 1990 ou du Retinol des années 1995, on redécouvrait que ces hydrolysats de protéines étaient aussi des "peptides". Certes, la composition n'était pas bien connue analytiquement, variable d'un lot à l'autre, et l'activité biologique de ces fragments mélangés n'était que très rarement étudiée. Mais on pouvait dire que la crème de nuit, le shampooing, le fond de teint contenait des "peptides"…
Pas faux, mais pas très informatif non plus.

C'est au début des années 1990, à la suite de la crise de la BSE ("vache folle") qui a "nettoyé" le champ des principes actifs de toute "contamination animale", que les peptides synthétiques, de haute spécificité biologique, ont fait leur première apparition.

Un fragment de collagène, composé de trois acides aminés (Gly-His-Lys = GHK) complexé aux ions de cuivre Cu  2+ ("copper petide") avait été identifié par Maquart et al. comme pouvant stimuler la synthèse de collagène dans des fibroblastes, une activité utile dans la cicatrisation du tissu conjonctif. Le seul hic consistait en la réalisation qu'un peptide de cette nature (chargé avec deux H+ et un O-) et une telle solubilité dans l'eau n'avait pratiquement pas de chance de pénétrer à travers la couche cornée pour atteindre les fibroblastes de la peau. Le cuivre, métal réputé utile et nécessaire pour la construction de la matrice extracellulaire, jouait éventuellement un rôle bénéfique, sans que la question "Gly-His-Lys ? ou Cuivre ? ou les deux ? sont-ils nécessaire pour agir ?" soit tranchée.

Les travaux de Sederma ont permis de contourner l'obstacle : en greffant un acide gras (C  16 = palmitoyl) sur le peptide, la pénétration trans-épidermique était assurée et l'activité in vitro de ce lipopeptide (stimulation de la synthèse de collagène) était décuplée par rapport au peptide non-modifié. À tel point qu'une quantité infime (3-5 ppm) de ce lipopeptide dans une formule anti-âge pouvait donner un effet antirides mesurable dans des études cliniques, même comparé à la formule sans peptide, souvent appelé " placebo" [Note: la notion de "placebo" n'a pas de sens en cosmétique puisque c'est le produit integral qui agira sur la peau (ou le cheveux) avec tous ses composants. Pour tester l'activité d'un seul ingredient, on devrait parler plutôt de "produit témoin" ou "véhicule"].
Étant donné le coût très élevé d'un peptide synthétisé à façon, à petite échelle industrielle, et la réticence des chercheurs et formulateurs à croire qu'une si petite quantité d'un "actif" pouvait générer des bénéfices incontestables pour la peau, couplée à la difficulté pour le Marketing de communiquer sur ce nouveau concept inouï, le démarrage des peptides bioactifs synthétiques fut très lent.

Un hexapeptide (fragment de l'élastine VGVAPG) également pourvu d'une chaîne palmitoyle, stimulateur du tissu élastique, suivait le GHK ; et ainsi d'autres peptides, tous fragments naturels de protéines présentes dans l'organisme humain, préparaient le terrain avant la grande percée en l'an 2000.

Avant d'en parler (2 e partie et suivantes), voici quelques détails techniques d'ordre général à connaître sur l'utilisation de ces peptides en cosmétique :

• les peptides s'utilisent en général en très petite quantité, de l’ordre de ppm,
• ils sont présentés aux formulateurs sous forme de solutions prêtes à l'emploi,
• la séquence (ordre d'enchaînement des AA dans la chaîne) est très importante : un peptide GHK (synthèse de collagène) n'aura pas la même activité qu'un peptide GKH (lipolyse),
• les peptides de petite taille (<10 AA) ne possèdent pas ou très peu de risque allergène et aussi très peu de risque toxicologique en général :
> étant donné leur faible concentration dans les produits, on applique par voie topique quelques nano grammes par cm  2 de peau,
> de ceci, une faible quantité pénètre jusqu'au derme ou dans le sang, où les enzymes protéolytiques les métabolisent en quelques minutes,
> les peptides sont en général choisis pour être identiques ou analogues aux fragments protéiques déjà présents dans l'organisme ( principe des Matrikines ) ce qui réduit encore le risque d'effets secondaires,
• une difficulté dans l'utilisation des peptides est liée à ce faible dosage : comment détecter analytiquement quelques 3 ou 5 ppm de peptide dans les >50 ingrédients qui composent une crème de soin aujourd'hui ? Les méthodes LC/MS ou MS/MS Maldi/TOF permettent dans quelques cas de résoudre le problème.

Telle était la situation des peptides dans les cosmétiques avant 2000. Suite dans la deuxième partie de cette histoire .

Karl Lintner

Une anecdote rapportée par Karl que je confirme
"L'histoire a bien commencé comme ça. Je te vois (JCLJ) encore dans le bureau de Daniel (Greff), qui te montre l'échantillon du premier peptide  avec ses 100 ppm dissouts dans de l'eau et de la glycérine, et tu étais TRÈS sceptique : "quoi, 900 balles pour de l'eau et de la glycérine (99,99 % de la compo) ? Tu te moques de qui ?"  Remarque, c'était compréhensible, et tu n'étais pas le seul à réagir ainsi au départ. Ce n'est que le Matrixyl qui t'a convaincu de mettre des peptides dans les gammes suivantes".

Il nous a fallu effectivement un peu de temps pour comprendre que de mettre de plus en plus d’actifs n’était pas une solution et que cette voie proposait un nouveau paradigme intéressant. Nous étions dans une logique du "toujours plus" à cette époque. Aujourd’hui, il n’y a plus de doute !

JCLJ

Cette contribution a été réalisée par Karl Lintner.

Karl est Ingénieur Chimiste de l’Université Technique de Vienne (Autriche) et possède un Doctorat en Biochimie (PhD) de la même Université. Après 10 ans de recherche sur les Peptides Biologiques au Centre d’Études Nucléaires de Saclay, il intègre HENKEL KGaA à Düsseldorf (Allemagne). En 1990, il devient Directeur Technique chez SEDERMA (développement d’Ingrédients Cosmétiques Actifs), puis Directeur Général. Parmi les nombreuses réalisations de cette société, on retiendra plus spécifiquement l’introduction du concept Peptides aux applications cosmétiques ("MATRIXYL®"). Lauréat de plusieurs Prix d’Innovation pour le compte de la société SEDERMA, il est récipiendaire du In-Cosmetics Life Time Achievement Award 2013. Professeur associé à l’UVSQ, c’est un conférencier mondialement reconnu dans le monde de la cosmétique.

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