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mercredi 19 novembre 2014Ingrédients

Le pastel en cosmétique

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Nous sommes à la fin des années 80, le problème des acides gras polyinsaturés (AGPI) continue de faire l'actualité dans l’alimentation et commence à être un sujet certain en cosmétique. De nombreuses sources pour ces substances sont proposées, et quelques travaux commencent à préciser leur rôle au niveau de la peau, alors que leur intérêt était à cette époque plus spécifiquement décrit au niveau alimentaire. C'est à cette époque qu'une information banale parue dans la presse régionale signale qu'une équipe toulousaine travaille à la réintroduction de la culture du pastel dans leur région.

Temps de lecture
~ 8 minutes

Cet article de La Dépêche du Midi du 27 août 1987 décrivait les utilisations ancestrales de cette plante, comme des cataplasmes de feuilles de pastel, mais aussi la possibilité d'obtenir à partir des graines une huile particulièrement riche en AGE, et plus spécifiquement en un acide gras peu documenté à l'époque, l’Omega 3.
De tout temps, et encore aujourd'hui, l'un des produits emblématiques de la marque Bourjois porte le nom de Fard Pastel .
La conjonction de ces deux éléments nous a conduits à nous intéresser à l'utilisation de dérivés du pastel dans les produits cosmétiques d'une façon générale.

Qu’est-ce que le pastel ?

Selon Wikipédia , "Le pastel des teinturiers ou guède ( Isatis tinctoria L.) est une plante herbacée bisannuelle, de la famille des Brassicaceae , originaire d'Asie Centrale, de l'Asie du Sud-Ouest et de l'Europe du Sud-Est. Elle est connue aussi sous les noms vernaculaires d' Herbe de Saint Philippe , Varède , ou encore Herbe du Lauragais . Utilisée comme plante médicinale et tinctoriale par les Grecs et les Romains de l'Antiquité, elle fut largement cultivée au cours du Moyen-Âge et de la Renaissance. En Europe, elle permettait la production d'une teinture bleue, extraite des feuilles, avant qu'elle ne soit détrônée par l'indigotier, puis par les colorants de synthèse".

La teinture "bleu pastel" est extraite des feuilles de la plante. En Lauragais, jusqu'au XVIIe siècle, l'ensemble du processus d'extraction du pigment coloré se déroulait sur deux ans.
• La première année, les producteurs de pastel cultivaient la plante. Les feuilles étaient cueillies à la main de la Saint-Jean à la Toussaint. Soigneusement lavées, elles étaient écrasées au moulin pastelier. Le moulin était une simple meule de pierre qui tournait dans une auge et transformait les feuilles en une bouillie que l'on préparait en boules, appelées "cocagnes".
Ces cocagnes, durcies et séchées dans des séchoirs adaptés, étaient alors vendues à des collecteurs locaux, intermédiaires entre les producteurs et les puissants marchands de pastel de Toulouse.
• La seconde année, les marchands de pastel produisaient la poudre tinctoriale (ou agranat) , c'est-à-dire la matière destinée à servir dans les cuves des teinturiers.

Dans sa Petite histoire du pastel , Jean Odol rapporte que "la "fleur de pastel", recueillie sur le bord des cuves des teinturiers, était par ailleurs utilisée comme pigment pour les Beaux-Arts, et également par les "peintureux" (nom donné à l'époque pour désigner les peintres des carrosses et bâtiments) sous le nom de bleu charron)".

La fabrication du pigment et son utilisation par les teinturiers étaient bien connues. En effet, la corporation des teinturiers était très réglementée et a laissé de nombreux documents sur les pigments et la fabrication des couleurs. Il en va un peu différemment de l’utilisation par les peintres, car leur corporation n’existait pratiquement pas. Les secrets des ateliers sur les procédés pour peindre ne seront que partiellement levés au siècle des Lumières, avec la publication en 1788 du premier "Traité de la peinture au pastel" par Paul-Romain de Chaperon.

Cette plante était plus particulièrement connue en Europe dans la région toulousaine, dont elle a fait la richesse au Moyen-Âge, et où elle était considérée comme un véritable "or bleu". Les riches marchands pasteliers de Toulouse étaient aussi propriétaires de fermes et octroyaient des prêts aux petits paysans. La fourniture du pigment en provenance de l’Asie devait ruiner cette industrie, qui s’éteindra progressivement dans la région toulousaine.

En s'intéressant aux ressources locales, le laboratoire des Agroressources de l' Institut National Polytechnique de Toulouse , devenu un CRITT , avait identifié l'intérêt de ce végétal pour la région. En collaboration avec le Château de Magrin , le Musée du Pastel sur la Route du Pastel , il s'est attaché à retrouver des graines de pastels, pour voir dans quelle mesure il était possible de réintroduire la culture de cet arbrisseau dans la région. Ce qui fut fait. Le processus est sensiblement différent de celui de l’époque. Actuellement, il est semé au mois d'août, fleurit en avril pour être récolté en juin. Disposant de nouveau d’une biomasse suffisante, l’organisme a pu mener une recherche exhaustive sur ce végétal pour en caractériser l'intérêt. C’est au terme de ces recherches que la présence d’une huile particulière dans les graines a été mise en évidence.

Le projet, développé dans le cadre d’un partenariat avec cet organisme, a consisté à réintroduire la culture du pastel en quantités suffisantes pour produire de l’huile de première pression, dans le but de l’utiliser dans ces produits cosmétiques.
Les techniciens ayant conduit ce projet, Christine Lauth et Olivier Thierry, vous raconteront les principaux épisodes de ce projet passionnant dans un article à venir : La renaissance du pastel grâce à la cosmétique .

Utilisation cosmétique

Classiquement, l’utilisation des huiles végétales en cosmétique répondait à des considérations assez classiques comme l’effet émollient, lubrifiant ou l’effet hydratant commun à toutes les huiles végétales de par leur caractère semi-occlusif.

Dans le même temps, un intérêt croissant pour le rôle des AGE ou AGPI se manifestait. En effet, le rôle particulier des céramides dans la peau commençait à se préciser, et l'implication des acides gras essentiels dans la constitution des acyles céramides prenait de plus en plus d'importance. Toutefois, l'intérêt se portait plus particulièrement sur les omégas 6, plutôt que sur des mélanges équilibrés en AGPI. Enfin, les caractères de sensibilité cutanée commençaient à devenir un centre d'intérêt particulier.

C'est pour ces différentes raisons que l'utilisation d'une huile fortement insaturée prenait tout son sens. Nous avons alors abordé l'utilisation de ces huiles sous différents angles :
• en tant qu’ingrédient tel quel,
• sous la forme d'un mélange équilibré en acides gras polyinsaturés (AGPI).
Dans les deux cas, l'idée était de fournir des éléments constitutifs à des facteurs de cohésion cornéocytaire pour améliorer l'hydratation cutanée, renforcer l’effet barrière et compenser les caractères de sensibilité cutanée.

Pour étayer ce dossier, certains travaux ont été menés avec la collaboration du CED (Centre Européen de Dermocosmétologie - Lyon) en vue de montrer que l'application topique d’huile de pastel permettait de modifier la réponse cutanée et d’améliorer son aspect. C’est ainsi que nous nous sommes intéressés à l'évaluation de l'occlusivité de l’huile, l’effet sur la desquamation, l'activité restructurante par évaporimétrie, l’effet "anti-inflammation" vis-à-vis de l'érythème installé sous UV ou par induction UV de l'érythème, l'effet sur l'élasticité in vivo , la comparaison de l'effet curatif vis-à-vis de l'inflammation comparativement à d'autres huiles végétales. Les résultats ont été communiqués dans le cadre d’un congrès international portant sur l’utilisation du pastel.

L’ensemble des résultats a constitué une preuve de concept suffisante pour envisager l’introduction de cette huile dans différentes préparations. Un brevet portant sur l'utilisation d'un mélange équilibré d’acides gras essentiels réalisé grâce à l’huile de pastel a été déposé (Brevet N° 2 681 783 – Lauth Christine, Le Joliff Jean-Claude, Thierry Olivier).

Ces différentes approches se sont matérialisées sous la forme de produits commerciaux qui ont été lancés respectivement sous les marques Bourjois et Chanel.
Le produit Bourjois s'intitulait Teint Secret . Il s'agissait d'un fond de teint permettant d'améliorer l'hydratation et de protéger la peau tout en développant un effet de maquillage. En quelque sorte un prédécesseur des fonds de teint traitants et autre BB Cream qui font l’actualité aujourd'hui.
Les produits Chanel sont entrés dans la gamme Crème et Émulsion de Nutrition Continue destinées aux peaux alipiques et matures. Le dosage du complexe huileux permettait d'améliorer significativement les caractères d'hydratation et de diminuer la rugosité des caractères de peau sèche.
Ces différents produits, en particulier les produits Chanel, ont été exploités commercialement jusqu'à la fin des années 90.

Dans les articles suivants, nous reviendrons en détail sur les caractéristiques de l’huile de pastel, puis sur son utilisation actuelle, soit dans le cadre d’activité d’artisanat (le Bleu de Lectoure) ou dans des usages cosmétiques actuels : Graine de Pastel® entre autres. Et quelques autres encore.

Bonne lecture.

Contribution réalisée par Jean Claude Le Joliff
Biologiste de formation, Jean Claude Le Joliff a été un homme de R&D pendant de nombreuses années. Successivement en charge de la R&D, puis de la Recherche et de l’Innovation dans un grand groupe français de cosmétiques et du luxe, et après une expérience de création d’un centre de recherche (CERIES), il s’est tourné vers la gestion de l’innovation.
Il a été par ailleurs Professeur associé à l’Université de Versailles Saint Quentin (UVSQ) et reste chargé de cours dans le cadre de plusieurs enseignements spécialisés : ISIPCA, IPIL, ITECH, UBS, UCO, SFC etc.
Il est le fondateur de inn2c, société de conseil en R&D et Innovation. Consultant auprès de plusieurs sociétés internationales, il a participé activement à des projets comme Filorga, Aïny, Fareva, et bien d’autres.
Il a créé la Cosmétothèque®, premier conservatoire des métiers et des savoirs faire de cette industrie.
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