Les premières traces de l'utilisation du mascara remontent à l'Égypte ancienne, vers 3000 avant J.-C. Les Égyptiennes utilisaient un "khôl" composé d'un mélange de graisse animale, d'antimoine et de suie. À l'origine, le mascara était donc de la poudre d'antimoine.
L'antimoine est une roche noire aux reflets bleutés qu'on concassait et qu'on broyait jusqu'à donner une poudre dont on tirait un collyre, le khôl. Le khôl est parfois remplacé par un fard à base de safran, d'antimoine, du liège brûlé.
Une autre façon ancestrale de faire du mascara était de mélanger de la graisse de bœuf (suif) avec de la cire d'abeille, de la cendre de bois (alcali) et du noir de fumée obtenu par la consumation de la flamme d'une lampe à huile dont on récolte la suie sur un miroir. Le produit était appelé communément "noir aux yeux".
Les Français ont découvert le mascara lors de la conquête de l'Algérie au milieu du XIXe siècle, car les tribus des hauts plateaux l'utilisaient comme produit de beauté mais aussi pour se prémunir des différents trachomes et maladies des yeux.
Le produit que les gens reconnaissent aujourd'hui comme le mascara ne se développe pas avant le XIXe siècle : un chimiste nommé Eugène Rimmel développe un cosmétique vers 1880, le Rimmel , à partir d'un distillat de pétrole, la vaseline. Le nom du cosmétique rimmel est devenu synonyme avec la substance-même et se traduit encore aujourd'hui par "mascara" en italien ( mascara veut dire "masque" dans cette langue, comparer à mascarade , d’origine aussi italienne), français, espagnol, néerlandais, turc, roumain, etc. Il est passé à la postérité sous différents noms, mais entre autres sous le nom de Rimmel, la marque ayant commercialisé ce fameux produit : " t’as le Rimmel qui fout le camp, c’est le dégel des amants, jolie môme" (Léo Ferré). Ce sera un des tout premiers produits de cette famille.
En 1913, le chimiste T. L. Williams et sa sœur, Maybel, lancent un mascara fait de poussière de charbon mélangée à de la vaseline. Williams vend son produit par correspondance et crée une société qu'il appelle Maybelline , combinaison du nom de sa sœur et de "vaseline". En 1917, le même donne naissance au cake mascara , premier produit cosmétique moderne à usage quotidien. Une formule au noir de fumée structuré par un savon d’huile de noix de coco, et une gomme tragacanthe pour l’adhérence aux cils. Le mascara était disponible sous forme de pain.
Techniquement, ce produit peut facilement se résumer de la façon suivante : un pain de savon, enrichi en cires pour gainer les cils, avec un pigment pour conférer la couleur. Il comprenait éventuellement la présence d’un agent filmogène pour assurer la fixation du maquillage. Ce produit est anhydre, et doit être activé avec de l’eau pour former une pâte plus ou moins consistante que l’on applique sur le cil à l’aide d’une brosse.
Son mode de fabrication consiste en la dispersion du ou des pigments dans les cires en fusion. Le savon est formé in situ ou par l’utilisation de savon préformé préalablement. La dispersion pigmentaire est éventuellement améliorée par broyage. La masse en fusion est ensuite coulée dans des moules métalliques, comportant les éléments distinctifs du produit : forme, incrustations, ou éventuellement faisant l’objet d’un formage définitif par pressage.
Il constitue encore à ce jour un produit de référence, souvent présent dans la mallette des maquilleurs professionnels, compte tenu de sa polyvalence. En effet, il permet de générer tous types de maquillage, charbonneux, léger ou naturel, allongeant ou épaississant, et ceci quelle que soit l’implantation des cils. Il présente toutefois l’inconvénient d’être peu résistant, en particulier aux conditions d’humidité : larmes, pluie, etc.
Ce produit, bien qu'il existe encore, sera supplanté par le mascara dit automatique qui verra le jour progressivement, mais initialement aux États-Unis. La version actuelle du mascara "automatique" comprenant un tube et un applicateur intégré a été présentée en 1939 par Helena Rubinstein. Cette invention prend le nom de Mascara Matic , puis deviendra, en 1964, Long Lash , le mascara automatique, rechargeable et waterproof.
D’autres marques fameuses (Maybelline avec Ultra Lash en 1960 et Great Lash en 1970) feront de même pour populariser définitivement ce type de produit. À ce jour, les principaux opérateurs sont actifs dans tous les circuits. Ce produit, qui a subi un effet de massification important, est à la base de très nombreuses gammes de maquillage. Il est le second produit de maquillage en termes de taux de pénétration. Initialement développé en Europe, il a fini par gagner ses lettres de noblesse même en Asie, où sa progression était relativement moins importante compte tenu de l’implantation ciliaire des Asiatiques (cils courts et plus droits).
Il fait l’objet d’une recherche intense en particulier au niveau du packaging et des applicateurs, mais le domaine de la formulation n’est pas en reste. Les autres chapitres de ce dossier se proposent de compléter cette revue technologique tant pour les formules que pour le pack.
Contribution réalisée par Jean Claude Le Joliff
Biologiste de formation, Jean Claude Le Joliff a été un homme de R&D pendant de nombreuses années. Successivement en charge de la R&D, puis de la Recherche et de l’Innovation dans un grand groupe français de cosmétiques et du luxe, et après une expérience de création d’un centre de recherche (CERIES), il s’est tourné vers la gestion de l’innovation. Il a été par ailleurs Professeur associé à l’Université de Versailles Saint Quentin (UVSQ) et reste chargé de cours dans le cadre de plusieurs enseignements spécialisés : ISIPCA, IPIL, ITECH, UBS, UCO, SFC etc. Il est le fondateur de inn2c, société de conseil en R&D et Innovation. Consultant auprès de plusieurs sociétés internationales, il a participé activement à des projets comme Filorga, Aïny, Fareva, et bien d’autres. Il a créé la Cosmétothèque®, premier conservatoire des métiers et des savoirs faire de cette industrie. |