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mercredi 15 octobre 2014Cosmétothèque

"Encore des peptides ! Quel intérêt ???"

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Telle pourrait être la réaction d'un Responsable Marketing d'une gamme "anti-âge" quand le laboratoire de formulation présente la dernière proposition d'actifs innovants. Effectivement, les peptides – tels que décrits dans la première partie de cet article – ont été introduits, utilisés, commentés, loués et parfois critiqués depuis longtemps. Pourquoi ces peptides présentent-ils encore aujourd'hui un intérêt cosmétique ?

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Nous avons brièvement mentionné le concept des Matrikines à la fin de la première partie de cet article sans nous attarder sur les détails de cette notion. Elle explique néanmoins le mécanisme fin de l'activité des peptides et en conséquence les avantages et bénéfices de leur utilisation continue et accrue dans les produits de soin cosmétique.

Tout part de la recherche sur la cicatrisation. Une plaie (par ex. une coupure) nécessite réparation et la peau est équipée pour la réaliser. Ici n'est pas la place pour en décrire toute la complexité, mais de manière très schématique on peut dire ceci : les macromolécules lésées du tissu endommagé doivent être évacuées pour faire place à la création du tissu nouveau ; des enzymes protéolytiques (pour les protéines telles que collagène, élastine, fibronectine, laminine…) et glycolytiques (pour les polysaccharides tels que les GAG, HA et autres proteoglycanes) œuvrent pour fragmenter ces macromolécules : les fragments sont plus solubles et peuvent être éliminée par la lymphe et/ou le sang.

Mais la Nature est économe : il s'avère que certains de ces fragments protéiques (donc des petits "peptides") possèdent une activité de messager (Bien que délicat à manier dans notre métier, le mot messager en Grec ancien se dit "hormone"…), une fonction de déclencheur de la néosynthèse du tissu. Le fait d'avoir libéré par cette action protéolytique quelques-uns de ces fragments peptidiques spécifiques est un signal donné aux cellules fibroblastes du derme de mettre en marche la régénération de la matrice extracellulaire. Joli cercle de communication entre tissu et usines cellulaires. C'est le concept des Matrikines déjà évoqué (Le même mécanisme opère, apparemment aussi pour les fragments des polysaccharides; on parle ainsi des Glycokines; mais cet aspect est encore moins étudié à ce jour).

Venons donc aux peptides en cosmétique. La publication d'un article des résultats d'une recherche faite à l'Hôpital des Vétérans en Tennessee - K Katayama, J Armendariz-Borunda, R Raghow et al. A pentapeptide from type I procollagen promotes extracellular matrix production. J Biol Chem  268 (14): 9941-9944, (1993) – relance vers l'année 1998 l'intérêt des peptides de cicatrisation. Katayama (qui dans un hôpital de vétérans s'intéresse évidemment à la cicatrisation) montre qu'un pentapeptide de séquence KTTKS (Lys-Thr-Thr-Lys-Ser), fragment du pro-collagène I, est le plus petit fragment possédant encore une activité stimulatrice significative de néosynthèse de ce même collagène dans les fibroblastes des poumons…

La société Sederma, ayant entretemps acquis une certaine expérience avec les peptides à utilisation cosmétique, s'empare de cette idée : fidèles aux observations antérieures (cf. la 1ère partie ), les chercheurs attachent une chaine palmitoyle à ce pentapeptide et décident d'aller plus loin que d'habitude pour combattre le vieillissement de la peau : les rides ("cicatrices du temps qui passe", selon les Odes d'Horace) n'apparaissent qu'après 30 ans ou plus, elles ne peuvent être réparées durablement qu'en donnant du temps de cicatrisation à la peau : un test clinique sur 6 mois (une "Première" dans le métier des ingrédients actifs) contre placebo sur 35 personnes est entrepris.
Les résultats de l'efficacité antirides dépassent toute attente, aussi bien du point de vue significativité statistique que du point de vue visuel (macrophotographie).

D'autres études ( in vitro pour étayer les mécanismes d'action au niveau génétique et protéique, in vivo sur plusieurs panels avec biopsies, en comparaison avec des substances de référence) confirment les premiers résultats. Une présentation de ces travaux au World Dermatological Congress à Paris en 2000 lance la gamme des peptides du type Matrikines, dont la famille des MATRIXYL® est la plus connue.

Évidemment, ce fragment KTTKS n'est pas la seule Matrikine d'intérêt cosmétique, l'idée fait son chemin. Les sociétés Lipotec (Espagne), Cognis (Nancy), Pentapharm (Suisse) et d'autres s'intéressent au grand nombre d'autres fragments protéiques à activité biologique. Le but ici n'est pas d'en dresser le catalogue.

Mentionnons néanmoins le peptide connu sous le nom ARGIRELINE® développé par la société Lipotec sur une idée similaire et pourtant très originale. Les injections Botox® ayant fait leur succès auprès d'un grand nombre de consommatrices, il était intéressant d'en comprendre le mécanisme exact et d'essayer de reproduire une efficacité similaire par voie topique, sans injection. Les détails de ces travaux ont été publiés dans l'IJCS (C. Blanes-Mira et al. A synthetic hexapeptide (Argireline) with antiwrinkle activity. Int. J. Cosmet. Sci.  2002, 24, 303-310) ; disons ici simplement qu'un peptide synthétique qui interfère avec la formation du complexe SNARE (qui assure la communication entre neurones et muscles) permet de bloquer les (micro-) contractions musculaires ; il imite ainsi d'une certaine manière l'action du BOTOX®, bien que moins rapidement, évidemment. Les études cliniques classiques antirides ont en tout cas confirmé l'efficacité du concept.

Pour la petite histoire, dans les années 2000-2005, les deux peptides phares MATRIXYL® et ARGIRELINE® se livraient une course acharnée au niveau des citations Google® : quand un jour ARGIRELINE® prenait la tête avec > 800 000 "hits", le lendemain, le MATRIXYL® passait devant avec > 850 000 pages et vice versa . Très souvent d'ailleurs, les deux "blockbusters" se trouvaient formulés ensemble dans les mêmes crèmes antirides ; mais aucune étude (publiée) n'a montré une synergie qui pourrait pourtant exister.

Comme disent les Américains : "the rest is history". Depuis cette période de croissance spectaculaire de l'utilisation cosmétique des peptides synthétiques fragments de protéines naturelles, un grand nombre de peptides possédant des activités ciblées diverses a vu le jour. Aujourd'hui, on trouve des peptides raffermissants (renforçant le tissu élastique), des peptides amincissants (stimulant la lipolyse par divers mécanismes), des peptides calmants (agissant aux niveau des neurones sensibles de l'épiderme), des peptides anti-inflammatoires/anti-irritants (fragments des immunoglobulines IgG qui diminuent la sécrétion d'interleukines), des peptides anti-chute des cheveux (renforçant l'ancrage des phanères dans le follicule pilaire), des peptides bronzants ou blanchissants (modulant la mélanogénèse), des peptides protégeant les cellules souches en leur environnement…

Et voilà la raison de la pérennité de l'utilisation cosmétique des peptides : avec par exemple seulement 5 acides aminés enchaînés (pentapeptide), il est possible de concevoir 3,2 millions de séquences différentes, dont un grand nombre vont sans aucun doute présenter des activités bien ciblées, intéressantes et bénéfiques pour l'application dans nos produits, du shampoing traitant au sérum contour des yeux, du rouge à lèvres au mascara, du raffermissant du buste jusqu'aux traitements des vergetures…

Certes, d'autres substances peuvent parfois posséder des activités cosmétiques similaires, attractives et/ou exotiques. L'avantage des peptides, déjà évoqué dans la première partie, réside néanmoins dans leur proximité à la physiologie humaine : acides aminés, peptides et protéines sont des constituants naturels de notre corps, contrairement aux flavonoïdes, alcaloïdes et autres xanthines…

Notre Responsable Marketing du début de cet article devra donc se réjouir plutôt que de se plaindre : E ncore un peptide ! Et que fait-il de beau ?

Karl Lintner
KAL'IDEES S.A.S.

Karl Lintner est Ingénieur Chimiste de l’Université Technique de Vienne (Autriche) et possède un Doctorat en Biochimie (PhD) de la même Université. Après 10 ans de recherche sur les Peptides Biologiques au Centre d’Études Nucléaires de Saclay, il intègre HENKEL KGaA à Düsseldorf (Allemagne). En 1990, il devient Directeur Technique chez SEDERMA (développement d’Ingrédients Cosmétiques Actifs), puis Directeur Général. Parmi les nombreuses réalisations de cette société, on retiendra plus spécifiquement l’introduction du concept Peptides aux applications cosmétiques ("MATRIXYL®"). Lauréat de plusieurs Prix d’Innovation pour le compte de la société SEDERMA, il est récipiendaire du In-Cosmetics Life Time Achievement Award 2013. Professeur associé à l’UVSQ, c’est un conférencier mondialement reconnu dans le monde de la cosmétique.
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