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mercredi 22 février 2017Cosmétothèque

Histoire des produits de protection solaire, des cosmétiques d’apparition récente

© CosmeticOBS-L'Observatoire des Cosmétiques

L’histoire des produits de protection solaire ne manque pas de piquant. Ces produits mis sur le marché, alors que n’existaient pas encore de méthodes d’évaluation de leur efficacité, constituent une classe à part au regard des autres produits cosmétiques. Si la part de rêve est indéniable et bien excusable dans le domaine de l’anti-âge (retrouver sa peau de bébé est sûrement illusoire) ou de l’amincissement (gagner x tailles de pantalon grâce à l’usage exclusif et assidu des cosmétiques est peut-être présomptueux), le rêve est interdit en ce qui concerne ce type de produit dont l’efficacité rime avec santé. Afin de mieux comprendre les enjeux en question, nous nous proposons de dresser un rapide panorama d’un produit qui à lui seul déclenche les passions.

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~ 20 minutes

Le soleil a été, pendant bien longtemps, fui par les classes aisées qui voyaient dans le teint hâlé le signe d’une basse extraction. Cours royales ou impériales, courtisanes, bourgeoises ont lutté pied à pied pour maintenir la qualité de leur teint, de l’Antiquité à la toute fin du XIXe siècle. Afin de conserver un teint pâle, on a recours à l’éviction solaire (solution de loin la plus efficace !), à la protection vestimentaire ou à l’aide d’accessoires de mode (ombrelles, chapeaux à larges bords).

D’autres solutions moins inoffensives peuvent également être utilisées : préparations à base de céruse pour dépigmenter la peau, saignées destinées à donner au visage un merveilleux air alangui comme vidé de toute vie (Mme d’Esparbès, maîtresse du comte d’Artois aura recours à cette pratique pour fidéliser son amant volage). Autant de pratiques utilisées afin de sacrifier aux critères de beauté à la mode. Prêtes à tout, en effet. Des exemples sont là pour l’attester. Les fashion victims (terme à prendre au sens propre) ne sont pas la panacée du XXIe siècle. Au XVIIIe siècle, la très belle Marie Gunning use et abuse de préparations blanchissantes ce qui fera titrer à la presse lorsqu’elle mourra en 1760 : "Comtesse de Coventry : victime des cosmétiques". Sept ans plus tard, l’actrice et courtisane Kitty Fisher, décède, elle aussi, victime d’une intoxication au plomb. Ce métal fera parler de lui encore longtemps. C. Cotton Kenneby et H. Audrey Lynas du Royal Victoria Hospital de Belfast dressent, en 1949, dans la revue The Lancet , un triste constat. Des cas d’intoxications au plomb suite à l’application de cosmétiques sont régulièrement évoqués dans la presse médicale, et ce quel que soit les pays ou continents considérés.

 1900-1930

Les premiers produits de protection solaire voient le jour dans les années 1930 : des formes huileuses, des crèmes n’affichant aucun indicateur d’efficacité… et pour cause.
On découvre à la fois les joies du bronzage et ses conséquences désagréables : les coups de soleil. La mise sur le marché des premiers produits de protection solaire s’impose donc.

La paternité du bronzage est souvent attribuée à Coco Chanel. Les congés payés de 1936 sont également avancés… Il est bien évidemment difficile de dater précisément une mode qui s’est imposée progressivement. Une étude rapide de la littérature nous permet de nous rendre compte du changement des mentalités qui est en train de s’opérer et de rendre à César ce qui lui appartient. Bien que présentée comme la porte-parole du bronzage, Coco Chanel n’est en réalité qu’une personnalité parmi tant d’autres à s’être vouée au culte du soleil. Dès 1902, André Gide se fait le chantre du bronzage. Michel, le héros de L’immoraliste, souffre en comparant son corps débile à celui des Italiens rencontrés dans la région d’Amalfi. " La vue des belles peaux hâlées et comme pénétrées de soleil, que montraient, en travaillant aux champs, la veste ouverte, quelques paysans débraillés, m’incitait à me laisser hâler de même ". Michel sort, tout juste, d’une longue maladie qui le laisse encore bien ébranlé. Considérant l’état lamentable de " décoloration" de sa peau, il décide d’offrir son corps à la " flamme" du soleil. Il se laisse alors envelopper par "une cuisson délicieuse " qui ne manquera pas de le faire ressembler aux beaux Italiens pris comme modèles.
Le soleil est recherché à la fois pour ses vertus esthétiques et pour ses vertus thérapeutiques. Si l’on en croit Marcel Proust, dès la fin de la Première Guerre mondiale, on commence à voir sur les plages " le beau déroulement des vierges, à la fois dorées et roses, cuites par le soleil et par le vent, […], aux belles jambes, à la taille souple […] ". ( À l’ombre des jeunes filles en fleur,  1919).
Jean Cocteau, quant à lui, qui supporte mal son physique, voue une véritable passion au soleil, seul capable, selon lui, de l’embellir. " Fais-moi le corps tanné, salé / fais ma grande douleur s’en aller / […] Soleil, je supporte tes coups / tes gros coups de poing sur mon cou " ( Batterie,  1920). " Tu grises mieux que l’opium ", affirme le célèbre opiomane, démontrant ainsi que l’exposition au soleil relève plus de la dépendance que du simple souci esthétique.

 1925, c’est l’année de la gloire pour Joséphine Baker qui triomphe à Paris dans la Revue nègre. Son teint métisse fait sensation. Elle ignore alors que 70 ans plus tard, on considérera son teint comme la référence à atteindre. Le bronzage constitue un moyen de séduction… qui n’est pas réservé aux seules et uniques femmes. Teint hâlé, allure sportive… voilà ce que l’on est en droit d’attendre d’un mari viril. Le pauvre Raimu ne peut pas lutter contre celui qui lui a ravi sa femme. Abandonné par sa femme Aurélie, le boulanger de Marcel Pagnol ( La femme du Boulanger,  1938), prend fait et cause pour celle qui l'a trahi. Aurélie mérite tout de même mieux qu'un vieil artisan bedonnant. " Une femme aussi belle et aussi jeune qu'elle, ça doit avoir un mari superbe : jeune, musclé, jeune, bronzé, jeune, intelligent, jeune…" . Les critères de choix sont donc dans l'ordre, la jeunesse (le jeunisme est déjà sous-jacent), la force, le fait d'arborer un teint bronzé et en dernier lieu l'intelligence. Aurélie ne s'y trompera pas, elle reviendra auprès de son vieux mari aimant, tout comme la chatte Pomponnette qui revient indéfectiblement, dans son foyer, après chaque escapade amoureuse.

 1930-1960

Le pharmacien René Cerbelaud réalise à partir des années 1900 une compilation de différentes formules cosmétiques. Il consacre un chapitre entier de son ouvrage " Formulaire de Parfumerie " (édition 1930) aux produits antisolaires. Il distingue, à juste titre, deux catégories de crèmes : les crèmes grasses et les crèmes non grasses. Chaque catégorie de crèmes est présentée sous un titre assez long qui explique dans quel cas elles peuvent être utilisées, titre qui bien souvent fait sourire le lecteur d’aujourd’hui. Il est également fait mention du protocole de fabrication. On ne fait évidemment pas référence au SPF ( Sun Protection Factor ), cette notion n’existant pas encore officiellement. Notons que pour certaines formules, René Cerbelaud emploie le terme de crèmes " recommandables ". On peut supposer, dans ce cas, que ces crèmes ont été testées par René Cerbelaud lui-même et que le qualificatif " recommandable " a été attribué aux crèmes présentant des caractéristiques organoleptiques intéressantes.

Comme exemple, on pourra citer : dans la catégorie : " Les crèmes antisolaires à base de véhicules gras convenant aux personnes qui font des sports d’hiver, sur la neige ou sur les glaciers, ou des excursions en montagne, l’été : car ces sports provoquent une sudation abondante qui enlèverait en partie les crèmes non grasses ", les crèmes grasses antisolaires ne laissant pas passer les rayons ultra-violets – formules recommandables.

Ingrédients Q uantité
Chlorhydrate basique de quinine  2 g
Uréthane ou carbamate d’éthyle  1 g
Uréthane ou carbamate d’éthyle  75 g
Eau distillée de rose  20 g
Extrait concentré pour eau de Cologne  0,5 g

R. Cerbelaud

On retrouvera également des crèmes antisolaires opaques renfermant des poudres telles que le dioxyde de titane, l’oxyde de zinc et le kaolin. On ne dispose alors que de formules simples ne renfermant que peu d’ingrédients. Les armes pour lutter contre le rayonnement ultra-violet sont des plus limitées.

 1946 : un jeune chimiste du nom de Franz Greiter commercialise un produit solaire inventé quelques années plus tôt, sous le nom de "Crème des glaciers", de la marque Piz Buin, en souvenir des coups de soleil dont il fut victime après l’ascension de ce sommet alpin. Il se déclarera, quelques années plus tard, l’inventeur de l’indice SPF ( Sun Protection Factor ) indice qui sera, ultérieurement, mondialement reconnu.

 1950 : La mise sur le marché des premiers produits autobronzants entretient une cacophonie en ce qui concerne le message à faire passer. L’histoire de cette catégorie de cosmétiques peut s’écrire en 3 dates :
• 1920 : une découverte ;

• 1950 : l’exploitation de cette découverte et la naissance d’une nouvelle catégorie de produits ;

• 1960 : la mise sur le marché des premiers autobronzants.
L’histoire de la dihydroxyacétone (ou DHA) commence en 1920. Elle est alors utilisée comme substitut de glucose pour les diabétiques. En 1950, les pédiatres de l’hôpital de Cincinnati ont recours à cette molécule pour réaliser un test de tolérance pour le dépistage de maladies liées au stockage du glycogène. Une coloration de la peau au niveau des zones de régurgitations chez les enfants traités fait entrevoir une exploitation cosmétique de cet ingrédient. On s’empresse de réaliser des solutions de DHA pour un usage topique ; le résultat observé est le même. On comprend alors que la DHA réagit avec les acides aminés présents à la surface de la peau pour former des complexes colorés. La fin des années 1950 voit la naissance de ce type de produit innovant aux États-Unis. L’accueil reste toutefois mitigé car la couleur obtenue est bien souvent orangée et l’application difficile rend la coloration de la peau assez inégale. Lorsque l’on feuillette les magazines féminins de l’époque, on se trouve face à une véritable jungle de produits solaires et de produits autobronzants. Le vocabulaire employé est loin d’être clair. La plupart des produits solaires évoquent le bronzage. C’est celui-ci qui est évoqué en premier, avant toute notion de protection.

Produits solaires Au t obronzants
Sun Tan Lotion, Quick Bronze (Helena Rubinstein) Tan in a minute (Helena Rubinstein)
Sun Bronze (Charles of the Ritz) Segor (Antoine)
Brunior (Antoine)  200 fin solaire (Elizabeh Arden)
Crème brunissante (Lancaster) Tan cristal, Bronze permanent (Harriet Hubard Ayer)
Spray Tan (Rigaud)
Tan a sol (Orlane)
Bronze Beauty (Gemey)
Oléo-Bronze (Fernand Aubry)
Huile pour brunir (Guerlain)

Produits solaires ou autobronzants, comment s’y reconnaître ?

Les filtres à disposition sont peu efficaces. On citera les salicylés (salicylate de phényle, de triéthanolamine, de glycéryle…), le sulfate de quinine, le para-aminobenzoate d’isobutyle… Dans une brochure intitulée " Hygiène des plages et de la montagne " datant de 1947, René-Maurice Gattefossé fait le point avec un certain nombre de collègues chimistes sur les connaissances acquises sur le sujet. L’ingénieur chimiste Mahler conclut, d’une manière prophétique : " Il est vrai que l’étude des corps filtrants est loin d’avoir dit son dernier mot et que les travaux qui se poursuivent, appuyés sur des méthodes spectrographiques précises, nous réservent la mise au point d’antisolaires encore plus efficaces que ceux connus jusqu’à ce jour. " Il faudra, toutefois, attendre de longues années pour réussir à formuler des produits performants.

Les années 1970

Des années déterminantes dans la vie des produits de protection solaire… La détermination du Sun Protection Factor (SPF) en utilisant un panel de volontaires est considérée par Robert Sayre, en 1978, comme la technique de choix pour déterminer l’efficacité des produits solaires. Il s’appuie alors sur les travaux de Willis et Kligman (1970) et sur ceux de Cripps (1974). Il relie ce facteur de protection à la transmission de la "lumière érythématogène efficace" (SPF = 1/T efficace ). En effet, plus le produit solaire absorbe les radiations néfastes, moins il les transmet. Le protocole peut être mis en œuvre, selon lui, en intérieur, en utilisant une lampe à arc xénon, ou bien, en extérieur avec des contraintes liées à la météorologie donc beaucoup plus aléatoires. Robert Sayre est à l’origine de la relation SPF = f(T) reprise par la suite par Bryan Diffey. Toutefois, la vie des produits de protection solaire ne s’écoule pas tel un long fleuve tranquille. Dès 1969, Guinter Kahn et George Wilcox posent le problème de la grande variété des tests utilisés par les industriels et les chercheurs dans le cadre de la détermination de l’efficacité des produits solaires. Ils aspirent à la mise au point d’une méthode facile à mettre en œuvre et reproductible. Ils font le point sur les résultats obtenus avec dix produits du commerce en utilisant sept techniques de détermination différentes (six méthodes in vitro et une méthode in vivo ). Ils pointent déjà du doigt les difficultés susceptibles d’être rencontrées. Concernant le volontaire, ses caractéristiques cutanées varient en fonction de critères génétiques, en fonction de son âge, de son mode de vie… Côté produits testés, leurs caractéristiques physico-chimiques (viscosité, stabilité, diffusion de la lumière …) sont autant de paramètres à prendre en compte. Dose appliquée et supports utilisés constituent également des éléments importants à prendre en compte. Sans le savoir, ces deux chercheurs posent les bases d’un débat qui durera de longues années. Les produits commercialisés alors affichent des indices faibles (3, 6, 20, grands maximums). L’accent est toujours mis sur le bronzage. Plus qu’un effet protecteur, on promet au consommateur un bronzage idéal. Les produits Bergasol à base de bergaptène, pourtant connu comme un agent photo-sensibilisant, s’inscrivent dans cette logique. On veut bronzer à tout prix… On bronze à tout prix…

De 1980 à 1990

Cette décennie voit les indices des produits de protection solaire augmenter progressivement et l’apparition d’une mode qui perdure toujours de nos jours : celle des produits de maquillage photo-protecteurs.
 1990
Carole Franck crée un fond de teint solaire (IP 3) ; l’indice est certes faible mais on peut d’ores et déjà noter que l’idée d’une protection solaire quotidienne se met en place.

 1994
Le COLIPA (Comité de Liaison des Industries de la Parfumerie), devenu depuis Cosmetics Europe, établit un protocole pour la détermination du SPF in vivo . Des précisions sont apportées quant au spectre d’émission de la lampe qui doit être utilisée ; des critères de sélection concernant les volontaires (appartenant à trois groupes de phototype) sont retenus. La dose de PPS appliquée est fixée à 2 mg/cm  2 .

 1995
Paula Bégoun, se déclare, intuitivement, en faveur de l’utilisation de produits de soin et/ou de maquillage affichant un facteur de protection solaire supérieur ou égal à 15.

 1997
Sophie Seité, du service Recherche et Développement de L’Oréal à Clichy, publie avec ses collègues les résultats d’une étude réalisée pendant six semaines sur 12 volontaires sains, de phototypes II et III. Ceux-ci vont être exposés à un simulateur solaire, cinq jours par semaine, pendant six semaines, à raison d’une DME (Dose Minimale Érythématogène) par jour. La partie irradiée est la fesse. Différentes zones ont été distinguées : une zone contrôle est non irradiée, elle sert de témoin ; trois autres zones sont prévues : l’une est irradiée mais non traitée, une autre est irradiée et protégée par une crème de jour contenant trois filtres solaires (Uvinul ® N539, Parsol ®  1789 et Mexoryl ® SX) appliquée à raison de 2 mg/cm  2 , la dernière enfin est irradiée et protégée par une crème ne contenant pas de filtre. Différents critères histologiques et cliniques sont évalués. Il en ressort que l’application journalière d’une crème de jour de SPF 7 et de facteur de protection UVA (FP-UVA) 6 est nécessaire et suffisante pour réduire ou prévenir les altérations cutanées liées aux expositions solaires.

Les années 2000

 2000
La méthode COLIPA fait l’objet d’une réflexion entre différents pays et continents (Europe, USA, Japon) afin d’harmoniser au mieux les méthodes de détermination de l’efficacité des produits anti-solaires par méthode in vivo . Il faudra toutefois attendre dix ans avant que le consensus ne soit obtenu. La norme ISO  24444:2010 est le témoin de ces débats. Elle sera complétée, un an plus tard, par une deuxième norme ISO (ISO  24442:2011) établissant les conditions de détermination de l’indice de protection UVA.

Les indices sont de plus en plus élevés. Il n’est pas rare de trouver sur le marché des produits de protection solaire affichant un indice 100. Devant cette escalade des valeurs affichées, escalade ne touchant que les indices de protection UVB, un certain nombre de dermatologues français réagissent souhaitant la mise en place d’un cahier des charges à respecter. Il n’est pas souhaitable qu’un produit de protection solaire soit très efficace dans le domaine UVB et peu efficace dans le domaine A.

 2001
Une publication parue dans une revue d’éco-toxicologie sème le trouble dans l’esprit des consommateurs. Margret Schlumpf, chercheuse au laboratoire de Pharmacologie et Toxicologie de l’Université de Zurich, s’intéresse aux filtres UV utilisés dans les produits de protection solaire et à leur impact sur l’environnement. Pendant plusieurs années, elle va focaliser son activité de recherche sur l’activité œstrogénique des ingrédients en question, orchestrant une peur vis-à-vis des produits de protection solaire et plus largement vis-à-vis des ingrédients cosmétiques en général. Elle établit un classement des filtres étudiés en termes d’œstrogénicité. Il convient de relativiser la portée des résultats obtenus par Margret Schlumpf. Gardons toujours à l’esprit que le benzylidène-camphre et la benzophénone-2, qui possèdent un caractère oestrogénique similaire, sont, selon ses propres dires, environ 700 000 fois moins actifs que le 17-boestradiol, molécule de référence. Leur impact sur la nature et sur l’homme reste donc à prouver. Il paraît étonnant d’incriminer ouvertement les filtres UV dans des désordres environnementaux et des pathologies humaines, sans faire état d’autres sources possibles d’œstrogènes… En stigmatisant les filtres UV de cette façon, Margret Schlumpf fait une grave erreur. Elle porte atteinte à une catégorie de produits cosmétiques dont l’efficacité de protection vis-à-vis des cancers cutanés n’est plus à prouver. La critique des filtres UV présentés systématiquement comme des "filtres chimiques" toxiques et polluants est prise au sérieux par l’industrie cosmétique biologique qui espère voir ses parts de marché augmenter par ce biais.

 2006
La Recommandation de la Commission du 22 septembre 2006 relative aux produits de protection solaire et aux allégations des fabricants quant à leur efficacité, constitue, pour les laboratoires cosmétiques désirant fabriquer des produits de protection solaire, un texte de référence. Désormais, il n’est plus possible d’afficher n’importe quelle valeur SPF. Quatre catégories de niveau de protection sont retenues : protection faible, moyenne, haute et très haute. Huit valeurs sont affichables : 6, 10, 15, 20, 25, 30, 50 et 50+. Le facteur de protection UVA minimal recommandé doit représenter 1/3 du facteur de protection solaire affiché sur l’emballage. Des recommandations concernant la dose d’application et la nécessité de ré-application sont faites. Un certain nombre d’allégations susceptibles de donner aux consommateurs un faux sentiment de sécurité sont à bannir. Protection à 100 % contre le rayonnement UV (notion d’écran total ou de protection totale) et encouragement à ne pas réappliquer le produit (prévention durant toute la journée) ne sont, bien évidemment, pas souhaitables.

 2007
Notre travail de recherche, débuté trois ans plus tôt, donne ses premiers fruits. Jusque-là, on ne disposait que de peu d’informations relatives à l’efficacité des PPS, aucune équipe académique ne travaillant sur le sujet. Ayant mis au point au Laboratoire de Pharmacie industrielle et de Cosmétologie (LPiC) une méthode in vitro de détermination de l’efficacité des PPS fiable et rapide, nous décidons de comparer l’efficacité les filtres autorisés au niveau européen. Pour ce faire, nous incorporons ces filtres à des pourcentages variables dans un excipient de base, une émulsion H/E, réalisée par nos soins. Pour tous les filtres étudiés, on constate que le SPF augmente avec la concentration pour atteindre un plateau. Il n’est donc, généralement, pas nécessaire pour le formulateur d’atteindre la concentration maximale autorisée pour obtenir l’effet optimal. Dans la plupart des cas, la représentation SPF = f(c) correspond à un polynôme d’ordre 2.
Un autre élément à prendre en compte concerne la photo-stabilité des filtres. Une comparaison de l’efficacité des émulsions formulées avec les différents filtres a pu être réalisée avant et après irradiation, celle-ci simulant une exposition solaire. Après irradiation, la diminution du SPF au cours du temps suit une cinétique d’ordre 1 apparent, pour l’ensemble des filtres étudiés.
On peut distinguer deux groupes de filtres : ceux que nous qualifierons de peu photo-stables (t  90% < 120 minutes) car ils perdent plus de 10 % de leur efficacité au bout de deux heures et ceux que nous considérons comme photo-stables car ils possèdent un t  90% supérieur à 120 minutes. Cette valeur de deux heures a été choisie du fait des conseils prodigués par les autorités sanitaires pour la bonne utilisation des produits solaires. Une application toutes les deux heures étant recommandée, toute photo-stabilité inférieure à cette durée sera donc considérée comme médiocre.

Par la suite, nous nous intéressons au dioxyde de titane, filtre inorganique autorisé à concurrence de 25 % dans les produits de protection solaire. Il est à noter que ce pourcentage ne peut être atteint concrètement du fait de limites d’ordre galénique. En effet, à cette dose, on obtient une pâte très consistante et non une émulsion réellement applicable.
Il existe un très grand nombre de fournisseurs de dioxyde de titane et, selon la spécialité considérée, on pourra constater que le pourcentage de matière active ainsi que la nature de l’enrobage peuvent être très différents. Devant cette grande diversité de matières premières à disposition, il nous a paru intéressant de dresser un état des lieux en comparant l’efficacité des principaux filtres inorganiques disponibles sur le marché.
Au total, 57 écrans ont été étudiés. Les filtres inorganiques ont été introduits à des doses allant de 5 à 25 % (m/m) dans une crème de base H/E. Le dioxyde de titane s’avère de manipulation plus simple que l’oxyde de zinc qui est assez difficile à incorporer. Les formes hydrophiles ont été dispersées en phase aqueuse, les formes lipophiles dans la phase grasse. Les formes non enrobées ont, quant à elles, été incorporées en fin de préparation. Les courbes de tendance SPF = f(c) correspondent à des polynômes d’ordre 2.

Nous avons ainsi pu démontrer la supériorité du dioxyde de titane sur l’oxyde de zinc (filtre autorisé en Europe seulement depuis quelques mois) en ce qui concerne l’efficacité. Par exemple, l’Eusolex TS ® est quatre fois plus performant que le Z-Cote Max ® . Par ailleurs, le processus de micronisation, outre le confort d’application procuré (disparition de ce que l’on avait coutume d’appeler le "masque de Pierrot "), permet de démultiplier les performances du dioxyde de titane. En comparant les résultats obtenus avec le dioxyde de titane d’une granulométrie de 200 nanomètres utilisable comme pigment fourni par la société LCW et ceux obtenus avec l’Eusolex TS ® présentant une granulométrie de l’ordre d’une dizaine de nanomètres destiné spécifiquement à la formulation des produits anti-solaires, on constate un facteur multiplicateur de huit. Ce travail nous a permis de montrer qu’il est impossible de réaliser, à l’heure actuelle, des produits biologiques ou minéraux affichant des valeurs 50 ou 50+. L’utilisation exclusive de l’un ou l’autre de ces filtres minéraux ne permet pas d’atteindre des niveaux de protection élevés. Une association à des filtres organiques est donc indispensable si l’on souhaite atteindre de hauts indices, ce qui explique les associations filtrantes comportant cinq, six, sept ou huit filtres fréquemment rencontrées.

L’histoire des produits de protection est une histoire toujours en court d’écriture. À les regarder, on ne leur donnerait sûrement pas 70 ans. Les impératifs de formulation sont nombreux. Il faut limiter au maximum le phénomène de passage transdermique et bien au contraire renforcer une action de surface.
Si formuler une crème hydratante est à la portée d’un formulateur débutant, il n’en est pas de même pour ces produits susceptibles de protéger la peau des cancers photo-induits.
L’enjeu est considérable, il ne faut jamais le perdre de vue.

Nous devons cette contribution à Laurence Coiffard et à Céline Couteau
Elles dirigent le LPiC ou laboratoire de Pharmacie industrielle et de Cosmétologie de la Faculté de Pharmacie de Nantes. Né dans les années 1970 de la scission du Laboratoire de Pharmacie galénique de la Faculté de pharmacie de Nantes, le LPiC s’est inscrit dès sa création dans une logique de mise au point de formes topiques destinées aussi bien à l’usage pharmaceutique qu’à l’usage cosmétique. Ce laboratoire est également impliqué dans la formation puisque depuis la création du diplôme de Master 2, ayant succédé à un DESS, des centaines de cadres ont été formés à Nantes.

Contribution réalisée par Céline Couteau et Laurence Coiffard
Elles exercent leur activité au LPiC ou laboratoire de Pharmacie industrielle et de Cosmétologie de la Faculté de Pharmacie de Nantes. Né dans les années 1970 de la scission du Laboratoire de Pharmacie galénique de la Faculté de pharmacie de Nantes, le LPiC s’est inscrit dès sa création dans une logique de mise au point de formes topiques destinées aussi bien à l’usage pharmaceutique qu’à l’usage cosmétique. Sur le versant recherche, différentes thématiques ont été développées au fil du temps. La valorisation des ingrédients d’origine marine grâce à la caractérisation de la composition des macro- et des micro-algues (création d’une base de données du nom de Biotekalg) a constitué la part la plus importante des investigations menées dans les années 1980 et  1990. Puis, l’étude de la thermo- et de la photo-stabilité de différents ingrédients à usage cosmétique a précédé la thématique actuelle du laboratoire, à savoir l’étude in vitro de l’efficacité des produits de protection solaire. Cette thématique mise en place au niveau des années 2000, se traduit actuellement par une quarantaine de publications de niveau international. Ce laboratoire est également impliqué dans la formation puisque depuis la création du diplôme de Master 2, ayant succédé à un DESS, des centaines de cadres ont été formés à Nantes.

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