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mercredi 6 avril 2016Cosmétothèque

La cosmétique binaire : une approche originale de la silhouette

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Dans le cadre des concepts oubliés, nous publions aujourd'hui une contribution d'Étienne Soudant concernant le développement d’un produit original du début des années 2000. Il concerne plus spécifiquement des préparations pour le corps s'adressant à la problématique du remodelage de la silhouette.

Temps de lecture
~ 7 minutes

Cette question renvoie à celle de la cellulite qui, pendant très longtemps, a été abordée dans le monde de la beauté et de la cosmétique uniquement sous l'angle de la gestion de la lipogénèse. Dans ce domaine, il existe un actif roi presque incontournable, qui est la caféine. Son action sur la gestion du stock d’AMPc est maintenant bien connue et reconnue.
Il n'était pas évident de tenter une approche différente, avec des cibles biologiques également différentes. Cette approche, encadrée par plusieurs brevets, a donc fait l'objet d'un développement original sous la forme d'un produit, Top Model, lancé en 2004, destiné à remodeler la silhouette par une double action. Après un début prometteur, le produit subira la dure loi du marché extrêmement concurrentiel des amincissants, dans lequel l’originalité des produits, pas plus d’ailleurs que leur efficacité, n’est un garant de longévité.
Cette idée de moduler l'activité des adipocytes de façon binaire sera reprise ultérieurement dans le cadre de toute une série de principes actifs que l'on trouve dans de nombreuses gammes d’ingrédients cosmétiques.
Il n'était comme toujours pas évident d'être innovateur trop précocement !!!

Jean Claude Le Joliif

Composition cosmétique binaire pour le développement du buste féminin et l’amélioration de la silhouette : le cas Top Model (2004)

Cette idée est née, il y a un peu plus de 10 ans, de la constatation que peu de produits amincissants à l’époque étaient suffisamment efficaces pour permettre une amélioration réelle des surcharges pondérales localisées.

La principale raison en était que, même en cas d’activation effective de la lipolyse, peu d’acides gras étaient réellement libérés. En effet, ces derniers ont pour vocation de se fixer le plus rapidement possible là où il y a de la place : c’est-à-dire exactement là où la lipolyse en crée. Le bilan est donc trop souvent décevant. De plus, même si quelques acides gras sont libérés, ils ne peuvent pas disparaître sans activité musculaire.

Autre constat : l’adipocyte, cellule du tissu adipeux chargée de stocker les graisses, est capable d’une certaine autonomie. En effet, un même message peut être compris par l’adipocyte soit comme un signal de stimulation de lipolyse soit, à l’opposé, comme un signal d’inhibition de lipolyse. Ce message peut provenir des hormones dites de stress que sont les catécholamines (adrénaline, mais surtout noradrénaline). Plus précisément, l’adipocyte se comporte différemment suivant l’endroit où il se trouve. Chez la femme, lorsque l’adipocyte est situé par exemple au niveau des joues ou de la poitrine, un stress va générer une lipolyse dont la finalité est de libérer les graisses sous forme d’acides gras. Cette activation se fait via la stimulation des récepteurs béta-adrénergiques adipocytaires. À l'inverse, lorsque l’adipocyte est situé au niveau des cuisses, le stress va générer, au contraire, une inhibition de la lipolyse qui se fait via l’activation des récepteurs adrénergiques alpha-2 adipocytaires.
Finalement, l’adipocyte, en s’équipant soit de récepteur béta soit de récepteur alpha-2, détermine  lui–même comment  comprendre les informations qu’il reçoit.
Dans les zones adipocytaires équipées spécifiquement de ces récepteurs alpha-2, comme les zones glutéo-fémorales (cuisses) de la femme, cette inhibition est puissante car ces récepteurs y sont beaucoup plus nombreux. Ils ont également beaucoup plus d’affinité pour les catécholamines que les rares récepteurs béta-adrénergiques. Le résultat est que les catécholamines vont se fixer en priorité sur les récepteurs alpha-2, bloquant ainsi toute lipolyse.
En résumé, suivant que l’adipocyte s’équipe ou pas de certains récepteurs en fonction de sa localisation corporelle, son comportement face à un même signal peut être totalement différent. C’est ce qui arrive, au repos, lorsqu’en cas de stress, les catécholamines ont pour effet de vider les adipocytes des joues et des seins pour remplir ceux des cuisses, dégradant ainsi la silhouette. Il en est de même dans le cas de la privation calorique chez la femme, où il est flagrant que, plus la masse corporelle diminue, plus le volume de la poitrine et des joues diminue sans grande modification au niveau des cuisses. Ce qui donne ainsi à la personne en restriction calorique un aspect plus âgé (ptose mammaire, rides plus profondes, perte de fermeté cutanée) et des effets non satisfaisants sur la silhouette.

D’où l’idée d’avoir une action totalement opposée à celui des régimes caloriques ou des stress sur la silhouette. C’est-à-dire de :
• libérer les graisses des surcharges localisées glutéo-fémorales (des cuisses) par une action de blocage des récepteurs adrénergiques alpha-2. Cette action était d’ailleurs déjà possible avec l’état de la technique de l’époque (voir par exemple les brevets US5194259 et FR2964321* ),
• et surtout de fixer ces graisses ainsi libérées ailleurs afin que les effets de cette libération soit nettement perceptibles.
*Brevet FR2964321 : Utilisation de Xylopia aethiopica en tant qu'antagoniste de récepteur adrénergique alpha-2 dans la préparation d'une composition destinée à une application topique ainsi que lesdites compositions. L'application topique d'une telle composition est susceptible d'enrayer l'accumulation locale de graisse et ainsi améliorer l'aspect esthétique de la peau.

Le problème se résumait alors à : où donc fixer ces acides gras ainsi libérés ?
La réponse est assez évidente si l’on considère que le sein féminin est constitué de 80 % d’adipocytes, principale différence entre l’aspect d’un sein féminin et celui d’un sein masculin. Finalement, le sein est sans doute le seul endroit du corps de la femme où la graisse est esthétique !
Arriver donc à permettre, en application locale, la fixation de ces acides gras sans avoir recours à des hormones a été un des objectifs de nos travaux. Cela a été possible par l’utilisation d’un inhibiteur puissant de lipolyse déjà utilisé en cosmétique dans d’autres indications, ainsi que des extraits végétaux en contenant naturellement.
Top Model était né (voir brevet WO2004037221), premier cosmétique permettant à la fois d’améliorer la silhouette et d’augmenter le volume des seins.

La seule contrainte pour combiner deux effets différents à deux endroits éloignés du corps était qu’il s’agissait d’une double composition cosmétique à appliquer pour l’une sur les seins (en rose sur la photo ci-dessus) et pour l’autre sur les cuisses (en vert).
Les études en autoévaluation sur échelles analogiques non structurées ont montré des effets significatifs sur ces deux paramètres pour 30 % des sujets dès la première semaine et de plus de 70 % après quatre semaines. Ces conclusions ont été confirmées par les utilisatrices lorsque le produit a été commercialisé.

Au tout début de sa commercialisation, Top Model, apparaissait incroyable et les résultats ont montré l’intérêt et la véracité du concept.
Aujourd’hui, certains actifs repulpants disponibles sur le marché pourraient avoir un effet voisin ou synergique à ceux utilisés en 2004 .
Le dessin critique, ci-contre, publié le 29 avril 2004 dans un journal Danois montre, en tout cas, que l’effet de cette composition binaire a été bien compris… même si la fillette explique à sa mère que cette dernière a inversé les deux compositions !

Contribution réalisée par Étienne Soudant
Biologiste de formation et normalien, Étienne est un homme de R&D depuis de nombreuses années. Successivement biophysicien dans un grand groupe français puis en charge d’une R&D, il a contribué à la création d’un centre de biotechnologie avec deux de ses idées avant-gardistes, que sont la dormance des graines et des végétaux ainsi que les caroténoïdes incolores, toutes deux appliquées à la cosmétique.
Il a été par ailleurs Professeur vacataire à l’Université de Versailles Saint Quentin (UVSQ) plusieurs années pour un master Matière Première Naturelles et Cosmétique (MPNC) et Président de la Société Française de Cosmétologie (SFC). Il est également spécialiste en chronobiologie, et la physiologie de l’adipocyte, le massage et la microcirculation lymphatique sont ses passions.
Actuellement Directeur scientifique de la société Peaux-Cibles qu’il a créée, il se consacre plus particulièrement  aux peaux noires et métissées et a co-organisé plusieurs congrès sur ces thèmes à Dakar. Il y est d’ailleurs Professeur chargé de cours dans un master Phytothérapie et Cosmétique à la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Dakar(UCAD).
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