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mercredi 14 mai 2014Cosmétothèque

Le vernis à ongles à la SNPE

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La nitrocellulose occupe une place particulière dans le monde du vernis à ongles. Compte tenu de son importance, mais également de ses caractéristiques, il nous a semblé utile de faire un focus particulier sur cet ingrédient. Pour ce faire, l’ancien directeur technique de l’un des principaux fabricants de cet ingrédient, la SNPE (Société Nationale des Poudres et Explosifs), nous permet de le découvrir un peu plus précisément. Merci à lui.

Temps de lecture
~ 11 minutes

Un peu d’histoire ancienne

Le maquillage de l’ongle était déjà connu dans l’Égypte ancienne. On utilisait des essences de benjoin, des résines naturelles et des ocres naturelles.
La nitrocellulose industrielle dérivée des stocks importants de coton poudre à la fin de la 1ère guerre mondiale sera utilisée comme agent filmogène dans les formulations de vernis à ongles à partir de 1920.

C’est en 1932 que Charles Revson lance la gamme Revlon Reds. Les vernis sont alors dits "sédimentants" (les pigments sédimentent au fond des flacons et des petites billes métalliques permettent de ré-homogénéiser le milieu).
Au milieu des années 60 apparaissent des "vernis antisédimentants" alliant les qualités de stabilité et de facilité d’application grâce à l’incorporation d’un agent rhéologique (une argile organophile bien connue sous son nom commercial : la Bentone®).

À la fin du XXe siècle, les diverses réglementations imposent une meilleure prise de conscience de la tolérance cutanée (élimination du toluène, du formaldéhyde, des phtalates de dibutyle etc.). Les matières d’origine animale sont bannies, ce qui entraîne la reformulation avec des agents rhéologiques modifiés par des amines fabriquées à partir de corps gras d’origine végétale.

Fabrication des vernis à ongles à Bergerac

Une Poudrerie Nationale (dépendant du Service des Poudres) est créée en 1915 sur un site de 200 ha en bordure de la Dordogne. La production est la fabrication de la nitrocellulose, essentiellement à usage militaire pour la fabrication de "poudre à canon", puis ensuite pour les industries de revêtement (peintures industrielles) et enfin pour la préparation d’encres d’imprimerie.
En 1972, une structure civile est créée: la S ociété N ationale des P oudres et E xplosifs.

C’est à cette époque que le Directeur Commercial du site lance l’idée de développer une gamme de vernis cosmétiques.
À partir des qualités utilisées pour la fabrication des encres, des nitrocelluloses à hautes qualités optiques sont alors produites (qualité TX) grâce à :
• une sélection de celluloses sur base linters de coton exclusivement,
• une déshydratation poussée (le taux d’eau est inférieur à 2,1 %)
• un process de fabrication plus lent qui permet une nitration améliorée.
Ces nitrocelluloses seront utilisées pour la réalisation des premiers vernis incolores de la SNPE (réf. 306). Ils sont adaptés pour obtenir des vernis transparents. Ils peuvent être utilisés pour produire des vernis sédimentants, qui sont à cette époque "la norme". C’est l’origine de la présence des petites billes dans les flacons pour ré-homogénéiser les vernis colorés et remettre en suspension "provisoire" les pigments qui se sont déposés dans le fond des flacons.

En 1973, des études sont réalisées au sein du Laboratoire d’Études pour développer des vernis antisédimentants. Les gels nécessaires sont alors développés sur broyeurs à microbilles par dispersion d’argiles organophiles dans des collodions de nitrocellulose. La première référence commercialisée est le gel 373. Elle est utilisée pour produire le premier vernis antisédimenant français (réf.375X). Auparavant, les vernis antisédimentants sont produits aux USA par Kirker et Durlin et importés en Europe où ils sont pigmentés en France par Pyraline et en Belgique par Promoter.

En 1991, Pyraline installée à Melun, est rachetée par la SNPE et sa production (incolores, antisédimentants, vernis colorés) est transférée sur les sites SNPE de Bergerac et Creysse. La gamme de SNPE s’enrichit. Elle était limitée jusqu’alors aux bases pour vernis, non colorés excepté quelques vernis colorés sous traités à une petite unité (Véronique installée à Creysse, et elle aussi originaire de Melun).

En 1994, la production et la commercialisation de la nitrocellulose sont filialisées par le groupe et la nouvelle entité s’appelle Bergerac NC.
Le département vernis à ongles de SNPE est rattaché à cette nouvelle entité, et continue son internationalisation (démarrée en 1989 avec le rachat de Tevco et Durlin, 2 sociétés américaines de vernis situées à South Plainfield) avec successivement les créations de joint-venture suivantes :
• création de Durlin Asia près de Bangkok en partenariat avec une société de cosmétique thaïlandaise Thai Millot,
• création de Bergerac Japon avec le groupe Nikkol (matières premières cosmétiques) dans la province de Toshiki au nord de Tokyo,
• création de Durlin East Europ en Pologne (Ciehanow au nord de Varsovie),
• création enfin par Tevco en 2000 de Durlin Cosmo au Mexique (joint-venture avec Regio Empresas).

En août 2003, les vernis à ongles sont séparés de Bergerac NC, et production et commercialisation sont regroupées sous le nom de Durlin France.
Le groupe SNPE maîtrise ainsi une part importante du marché mondial du vernis.

La nitrocellulose d’origine française et à usage cosmétique représente 50 % des ventes mondiales de vernis et le groupe SNPE avec ses filiales et Joint-Venture produit 30 % des vernis à ongles dans le monde.

Suite à l’explosion sur le site Total de La Grande Paroisse, voisin de l’usine de Toulouse, la SNPE est contrainte de réduire puis de vendre ses activités dans le domaine de la chimie et des vernis à ongles.
En 2010, SNPE poursuit son démantèlement et vend à Chromavis son activité de production et de commercialisation de vernis.

La nitrocellulose

Elle a 2 qualités principales.
• Des qualités énergétiques : lors de sa décomposition (pression en particulier), beaucoup de chaleur est libérée en une fraction de seconde. Cette propriété sera mise à profit pour fabriquer des explosifs (poudres à canon, douilles combustibles), et assurer les besoins des militaires lors de la 1ère guerre mondiale). Le choix du site est dicté par la présence de la Dordogne, qui permet d’assurer une importante disponibilité en eau nécessaire pour le process de fabrication.
• Des qualités filmogènes : utilisées en peinture d’abord, puis dans la fabrication des encres (très bonnes brillance et transparence).

Fabrication

La nitrocellulose, agent filmogène principal des vernis est utilisée sous forme d’un solide pulvérulent à fibreux (selon le grade) imbibée d’alcool (principalement alcool isopropylique). Son rôle est de constituer une pellicule souple, brillante, qui adhère à la surface de l’ongle. Elle résulte de la nitration de la cellulose par des mélanges sulfonitriques (acide sulfurique et acide nitrique).
Deux paramètres la caractérisent : le degré de substitution et le degré de polymérisation.

Le degré de substitution

C’est le nombre de fonctions alcool estérifiées par groupement anhydroglucose, il peut varier de 0 à 3. On utilise le taux d’azote (méthode Dewarda) exprimé en pourcentage pour le mesurer.

Cellulose Mononitrate Dinitrate Trinitrate
Degré de substitution  0  1  2  2
Taux d’azote  0  6,76 %  11,11 %  14,14 %
Masse moléculaire élémentaire  162,1  207,1  252,1  297,1

Pour les nitrocelluloses à usage cosmétique, le degré de substitution est de l’ordre de 2,2.

Le degré de polymérisation

C’est le nombre de maillons élémentaires anhydroglucose formant la chaîne polymérique. C’est le facteur le plus important agissant sur la viscosité. Il est relié à la viscosité intrinsèque de la nitrocellulose par une relation du type :
[viscosité] = K (DP) a où K est une constante dépendant du polymère et a est voisin de 1.

Viscosité Européenne standard Viscosité Type Bergerac Viscosité USA (Herculès-Aqualon)
Soluble dans les esters
 37E
 33E
 30E
 27E
 24E
 22E
 19E
 15E
 9E
 7E




E15
E20
E24
E27
E32
E35
E40
E80
E90
E110
E130
E140
E160
E220
E250

 18-25 mPas.s
 30-35 mPas.s
 1/4 s
 3/8 s
 1/2 s
 3/4 s
 5-6 s
 15-20 s
 30-40 s
 60-80 s
 75-125 s
 125-175 s
 600-1000 s
 1000-1500
Soluble dans les alcools
 30A
 27A
 21A
A15
A20
A30
 30-35mPa.s
 1/4s
 1/2s

Selon les matières premières utilisées et le procédé mis en œuvre, elle aura des caractéristiques différentes (filmogène ou énergétique) et des domaines d’utilisation très différents, peintures, encres, vernis, explosifs à usage militaire (poudre à canon et douilles combustibles) et à usage civil (Airbags).
En cosmétique, les viscosités type utilisées sont dans l’intervalle E15 - E35.

Tableau 1 : Caractéristiques des nitrocelluloses

Pour les vernis à ongles, c’est la qualité CA4EX à faible taux d’eau et hautes qualités optiques (cf. tableau 1) qui est utilisée. Elle apporte au vernis, une très bonne transparence en solution, une faible rétention des solvants, ce qui favorise le séchage. Elle a, de plus, l’avantage d’être bien tolérée par la peau. L’absence de monomères résiduels (la cellulose est un polymère naturel) en fait une matière première dont l’utilisation est assurée pour le futur.
La nitrocellulose introduite correspond en général à 10 à 20 % du poids total du vernis.

Procédé de fabrication

Le procédé général de fabrication des vernis à ongles est basé principalement sur des mélanges de constituants à température ambiante et des dispersions de particules pigmentaires dans des équipements à force de contrainte élevée type broyeur à microbilles.

Le schéma général de production peut être résumé en 5 étapes :
• Préparation d’un vernis incolore transparent
• Préparation d’un gel thixotrope
• Préparation d’une base antisédimentante
• Préparation de bases pigmentaires
• Réalisation d’un vernis coloré

Conclusion

De par sa position de producteur de la matière première principale, SNPE a marqué l’histoire du vernis à ongles. Elle a acquit une position reconnue dans le monde de la cosmétique grâce à la reconnaissance de sa technicité et à son implantation mondiale.

Contribution réalisée par Alain Deswartvaegher
Après une thèse à l'Université des Sciences et Technique de Lille en 1972 sur la synthèse organique de dérivés d'acides aryl tétrahydrophtaliques, Alain Deswartvaegher est incorporé au Service Scientifique de l’armée, et est affecté au Service des Poudres à la Poudrerie Nationale de Bergerac. À la création de la SNPE, il travaille au laboratoire d'études, chargé en particulier du développement de gel thixotrope pour vernis à ongles.
Il devient ensuite responsable technique de Pyraline France (production et développement de bases pour vernis et conditionnement de vernis finis colorés).En 1991, lors du rachat par le groupe SNPE, il rejoint le site de Bergerac, comme responsable du développement et de l'assistance technique, où il est chargé de développer des produits spécifiques en liaison avec les principales marques internationales.
Avec l’équipe de R&D, il publie plusieurs brevets sur de nouvelles bases pour vernis et l'utilisation de solvants et de plastifiants d’origine végétale.
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