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mercredi 16 décembre 2015Cosmétothèque

Mascara automatique : les applicateurs

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En général, la notion de produit doit se concevoir en intégrant tous les éléments le constituant et en particulier l’interaction contenu/contenant. Parmi tous les produits cosmétiques, s’il en est pour lequel cette notion est incontournable, c’est bien le mascara dit automatique. L’évolution majeure de cette catégorie de produits est d’ailleurs fortement associée à celle de son système d’application. Tous ceux qui ont travaillé sur ce segment savent à quel point il est important. La formule revêt souvent un aspect secondaire et, très fréquemment, l’essentiel du travail du formulateur consiste à ajuster son formulaire au type d’applicateur choisi, et pas le contraire.

Temps de lecture
~ 9 minutes

Dans cette première contribution sur ce thème, nous allons nous attacher à décrire le système de base qui régit tous les applicateurs.
Dans une suivante, nous ferons, avec l’aide d’un expert, une revue de détail des différents systèmes, y compris des plus fous ayant existé.
D’autres articles sur des systèmes spécifiques pourront compléter le tout, mais une revue exhaustive de l'ensemble des types d’applicateurs s’avère pratiquement impossible à faire.
Enfin, on retiendra que la partie “propriété intellectuelle” joue un rôle essentiel dans cette catégorie. Ce point sera rapidement abordé, mais reste une contrainte majeure compte tenu de l’activité un peu frénétique régnant dans ce domaine !

Jean Claude Le Joliff

Le dispositif

Improprement appelé automatiques, car ils ne font rien tout seuls, les mascaras automatiques sont constitués de quatre parties essentielles qui vont déterminer leur fonctionnalité :
• l’applicateur,
• la tige,
• l’essoreur,
• le container.

Ces différents éléments jouent un rôle spécifique dans la performance du produit et sont à prendre en compte spécifiquement, séparément ou simultanément suivant les cas.

Le premier élément est l’applicateur proprement dit. Si l’un des tout premiers produits, le Mascara Matic de Rubinstein, utilisait une tige filetée en guise d’applicateur, le choix s’est porté très rapidement vers des brosses, comme sur les premiers mascaras Maybelline.

De formes et de géométries différentes, elles sont composées de fibres synthétiques assez rigides.  Initialement réalisées à partir de fibres pleines, en particulier le Tynex™, proche du Nylon préalablement utilisé pour la confection de brosses à dents. Des fibres profilées ont été progressivement utilisées pour améliorer la dépose et le transfert du produit. Ces types d’applicateurs ont très longtemps dominé la catégorie et continuent d’être au cœur de l’offre.

On a vu apparaître ensuite des applicateurs réalisés à partir d’élastomères de silicone, dits “applicateurs élastomères” ou “brosse à picots”, qui se caractérisent par une très grande souplesse, l’absence de fibres, remplacées plutôt par des sortes de poils ou picots, permettant une application et une sensation différente sur le cil.

La troisième génération d’applicateurs remarquables a été réalisée en plastique injecté, dits “brosses injectées”. L’applicateur se présente sous la forme d‘une pièce de plastique profilée permettant l’application du produit.

Régulièrement, on assiste au retour des peignes applicateurs, réalisés par injection, et qui permettent d’obtenir un geste de maquillage différent, plus naturel et moins chargé que les applicateurs brosse ou plastique injecté.

Des applicateurs de forme spécifique ont vu le jour avec plus ou moins de succès.

Ou encore les “mascaras doubles” proposant deux types de produits simultanément.

Depuis quelque temps, la tendance est au un retour aux fibres, par la mise à disposition par les fabricants de filaments de formes variées, dont l’intérieur peut-être creux et l’extérieur en relief.

Le second élément du dispositif est la tige qui supporte la brosse. Elle est généralement en plastique, plus rarement dans un autre matériau.

Le troisième élément , est indissociable de la tige, est l’essoreur du flacon. En effet, le résultat de maquillage dépend pour une part très importante de la quantité de mascara présente sur la brosse. Or, si l’essorage est trop efficace, il reste peu produit sur la brosse, on en transfère donc peu sur le cil. Il n’est donc pas totalement paradoxal qu’il n’essore pas du tout !

La nature des matériaux est variable et ne constitue pas un verrou technique majeur.

Le dernier élément de ce dispositif est composé par le flacon. Celui-ci est de forme et de contenance variables. La contenance est généralement inférieure à 10 ml, mais il n’est pas rare de trouver des produits dits “jumbo” dont la contenance peut-être plus importante.

La forme peut interférer avec la qualité perçue du produit compte tenu de la texture du contenu. En effet, les formules sont généralement assez thixotropes, et lors de l'utilisation, l’utilisatrice procède à un “pistonnage” important du produit avant application à l'aide de la brosse. Ceci peut fluidifier plus ou moins fortement la formule en fonction de l'intensité du mouvement. Donc une même formule, dans des flacons différents, peut avoir un rendu différent.

Les matériaux composant ces éléments de conditionnement sont très variables. Initialement en métal (Mascara Matic HR), le matériau peut-être le mieux adapté, d’autres matières ont depuis été ou sont utilisées : POE/PVC/PPG/Polycarbonate/Métal/PET, etc.

Les verrous techniques sur ce poste sont l’étanchéité au niveau du col et la porosité du matériau. Ces deux aspects peuvent fortement affecter les caractéristiques du produit en conduisant à un dessèchement accéléré, particulièrement sur les formules à base d’eau.

Ce qui est important dans la conception d'un mascara, et qui fait qu'il sera performant, est d'avoir une bonne adaptation entre la brosse ou l’applicateur et la formule. C’est le couple formule/Essoreur-Tige qui fait le succès du mascara. En aucun cas, un de ces paramètres seuls ne fait la différence. D’où l’importance, lors du développement du produit, de travailler en fonction de la brosse ou du type d’applicateur et vice versa.

Les brevets

Cet aspect constitue une aspérité particulière pour cette famille de produits. En effet, le poste brevet s’accompagne d’une activité intense de la part des opérateurs, marques ou développeurs amont (fournisseurs de pack).

Jean-Louis Mathiez, de la société Cinqpats, l’un des meilleurs experts sur ces questions rapporte : “ Ce qui se passe sur le créneau du mascara peut sembler fou, fou, fou…” . Il poursuit : " Compte tenu de la demande de la part de la filière concernant ce produit , j’ai dû m’atteler à un véritable travail de fourmi pour parfaire l’historique en matière de brevets. Et si on s’attache à tous les niveaux de brevets qui entrent dans la conception d’un mascara, j’en ai recensé pas moins de 900. Anecdote amusante, la première brosse tournante remonte, tenez-vous bien, à 1942…, et même le groupe Moulinex est à l’origine d’un brevet pour un mascara tournant à ressort déposé en 1976. Mais, c’est surtout à partir des années 2 000, et plus particulièrement 2 004,  que des dépôts apparaissent pour des mascaras électriques. Même des leaders de l’électronique comme Samsung ou Matsushita s’y sont mis avec des brevets sur des systèmes vibrants, chauffants ou tournants” .

Ceci montre à l'évidence à quel point ce segment est particulièrement actif et fait l'objet d'une bataille concernant la propriété intellectuelle qui est extrêmement dense. Les brevets portent sur tous les aspects du produit, que ce soit la formulation, les éléments packaging, les techniques de fabrication, la composition, etc. Une attention toute particulière de la part du développeur doit donc être portée sur ces différentes questions. Cet exercice estrendu particulièrement difficile par la multiplicité des brevets, leurs rédactions qui ne renvoient pas systématiquement au sujet ou à l’objet que l’on recherche, et surtout l’interprétation que l’on peut en faire.

L'évaluation des performances

Compte tenu de l’importance que représente ce paramètre, l'évaluation de la performance du système formule/applicateur est cruciale.

Il existe plusieurs façons d’aborder cette question.
• La première, la plus simple, consiste à tester en situation le produit en cours de développement. L’observateur est souvent juge et partie, et, de ce fait, l’évaluation est très subjective. Pour contourner cet aspect, l'une des meilleures solutions consiste à utiliser des panels experts permettant de classifier les produits, de les comparer entre eux et de les évaluer.
• L’évaluation métrologique a été tentée par certains en essayant de développer des systèmes d’application normée permettant l’évaluation de différents paramètres, tels que la quantité de produit déposée, l’épaisseur formée, le rayon de courbure du cil après séchage, etc. Aucun de ces systèmes ne fait référence.

Les revendications quantitatives comme l’augmentation de l’épaisseur du cil, la courbure, la pousse du cil et d’autres doivent faire l’objet d’une évaluation spécifique. Dans ce cas, on a généralement recours à des tests d’usage encadrés, couplés avec des mesures à l’aide d’analyse d’images numériques. Ces tests sont souvent lourds à conduire et ne prennent généralement pas place dans les procédures de développement.

Cette contribution est le résultat d’une collaboration à quatre mains, un peu comme dans le développement de ce type de produit : celles du formulateur d’un côté et de l’ingénieur packaging de l’autre.
Le point de vue du formulateur a été abordé par Jean Claude Le Joliff, ayant beaucoup travaillé sur cette famille de produits dans ses différentes expériences professionnelles : Bourjois, Chanel, mais aussi Intercos ou Mascara Plus.
Côté packaging, Jean-Louis Mathiez a apporté toute son expertise, elle aussi acquise au travers de nombreuses réalisations pour Bourjois, le groupe Coty (Rimmel, Margaret Astor, etc.) et d’autres. Il est également détenteur de nombreux brevets de dispositifs d’applications pour cette famille de produits.

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