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mercredi 17 février 2016Cosmétothèque

PurCellin™, l’histoire d’un ester devenu star

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Du grec "bios", vie, et "mimésis", imitation, le biomimétisme observe et s’inspire de la nature pour produire des applications respectueuses de l’environnement. Cette approche globale est prometteuse de découvertes. On ne se rappelle assez souvent que ce sujet, particulièrement d'actualité, a déjà fait l'objet de nombreuses recherches dans le passé, avec, dans quelques cas, des applications tout à fait intéressantes.

Temps de lecture
~ 10 minutes

La naissance du biomimétisme ?

Dans le cadre de la série "les concepts oubliés " de la Cosmétothèque, nous vous racontons aujourd'hui l'histoire d'un ingrédient un peu particulier que certains ont peut-être oublié, mais pas tous, puisqu'il est actuellement un des actifs de base d'un produit particulièrement "succesfull".
C'est Michelle Vincent qui nous raconte cette histoire et nous décrit les utilisations plus récentes.

Jean Claude Le Joliff

Cet ingrédient, presque banal, aurait pu passer inaperçu et être finalement oublié. C’était sans compter sur le génie marketing de deux hommes d’affaires, les frères Letschert, qui rachètent la compagnie Union Swiss en 2 000, et vont se focaliser sur une pépite, la marque Bio-Oil.
Voici comment un simple composé chimique synthétique, déposé sous le nom de marque PurCellin™ par Dragoco (aujourd'hui Symrise), va devenir un ingrédient phare, 50 ans plus tard, grâce à un storytelling sur-mesure.

À l’origine, Dragoco, la chimie et le biomimétisme

À l'aube du 20e siècle, les émulsionnants font leur apparition et révolutionnent le marché des soins de la peau.
Jusqu’alors, les huiles végétales étaient largement utilisées pour soigner la peau et l’esprit dans les différentes médecines ancestrales. Les produits étaient souvent des pommades, mélanges anhydres presque essentiellement constitués de corps gras et sans eau. La technologie des émulsionnants dans les années 40 va contribuer à l’essor d’une nouvelle génération de produits; le mélange eau/corps gras, améliorant les performances et l’agrément des produits et réduisant sensiblement le coût des formules. La cosmétique va connaître une démocratisation sans précédent. Les chimistes peuvent alors s’en donner à cœur joie.

L’étude des esters, corps chimiques très communs, combinaisons d'un alcool et un acide gras, présents dans de nombreux corps gras (huiles, cires), va permettre de synthétiser une multitude de composants, entre autres pour l’industrie cosmétique.

Parmi eux, l’huile de Purcellin™(marque déposée) qui n’est autre que le nom commercial du Cetearyl octanoate (maintenant appelé Cetearyl ethylhexanoate). Cet émollient synthétique a été très largement utilisé pendant de nombreuses années et dans de nombreux produits. Il est couramment présent dans les formulations de produits capillaires et de soin de la peau, tout comme le Crodamol™, le Tegosoft® et le Luvitol®.

Le concept Dragoco

Dans les années 1 920, l’utilisation de composants d’origine minérale à la place des corps gras végétaux va s’avérer fort intéressante. Les propriétés chimiques et notamment la non-oxydation (phénomène de rancissement) de ces substituts en font des bases très courantes pour la cosmétique (cf. Nivéa). Ainsi, les crèmes formulées avec des huiles "chimiques" sont plus blanches, moins collantes et plus faciles à parfumer; un vrai atout.
Cependant, les huiles végétales gardent un capital sympathie fort puisqu’elles sont utilisées depuis des décennies, sont plus naturelles et présentent une meilleure affinité avec la peau. Selon la firme Dragoco, le bémol des huiles minérales (chaînes carbonées saturées) est qu’elles rendent la peau totalement imperméable en formant un film occlusif en surface, ce qui empêche les échanges avec le milieu extérieur. À long terme, cela peut engendrer des symptômes négatifs liés à l’occlusion (l'e mprisonnement de substances par d'autres à l'aide de mécanismes divers) : température excessive de la peau, hyperhydratation du stratum corneum, changement de la flore microbienne, etc. Ce mécanisme a même été associé par certain à ce que l’ont a appelé "l’acné cosmétique", décrit également sous le terme d’effet comédogène.

Le challenge a été de chercher des corps gras plus compatibles avec la peau. Après la seconde guerre mondiale, la graisse de laine de mouton, la fameuse lanoline, s’avéra prometteuse car il était possible de la purifier. Elle fut largement employée par l’industrie dans les années 50, en mélange avec des corps gras chimiques pour ses propriétés anti-occlusive mais filmogène. Mais les recherches vont se poursuivre pour améliorer encore l’application et la texture des crèmes afin de les rendre plus sensorielles.

De nombreuses matières grasses animales furent étudiées et, grâce au développement des méthodes analytiques, celle qui retint l’attention de Dragoco fut une huile trouvée dans les glandes uropygiennes des oiseaux (situées au niveau du croupion), glandes sébacées spécifiques qui produisent un mélange complexe de corps gras et de cires. Ce mélange servait à l’entretien du plumage en agissant sur la flexibilité des plumes et comme agent antimicrobien, tout en assurant un effet de protection. La découverte de cette huile, qui avait un pouvoir répulsif sur l’eau et des propriétés d’étalement remarquables, va tout de suite intriguer les chimistes de Dragoco. Elle montrait des propriétés très intéressantes pour la peau mais aussi pour les cheveux. Mais elle était produite en toute petite quantité par les oiseaux et ne pouvait pas être récupérés pour une application industrielle.

Après de longues recherches sur le plan analytique, il a été montré que les propriétés de ces huiles de glandes uropygiennes étaient associées à la forte concentration en esters d’acides gras saturés à longue chaine ramifiée (Dragoco report 4/1985), principalement de type esters cireux, de composition complexe. La copie par synthèse s’avérant très délicate et très longue, les recherches se sont portées sur d’autres esters ayant des propriétés très proches, en particulier l’ester palmito-stéarique du 2-éthylehexyle alcool. Cet ingrédient présente des similitudes avec les huiles de référence.

L’objectif est alors de le synthétiser. Ainsi est né le 2-ethylhexyl ester, mélange d’acides stéarique et palmitique, qui sera dénommé le Pur-Cellin oil. Cette nouvelle huile présentait des propriétés tout à fait intéressantes, en particulier l'absence d'odeur et de couleur, ainsi qu'une remarquable résistance à l'oxydation. Tout comme les huiles de glandes uropygiennes, elle montrait des propriétés de mouillabilité remarquables vis à vis de la peau, avec un étalement bien supérieur aux huiles minérales, tout en formant un film fin et non collant, présentent également un pouvoir occlusif nettement inférieur aux huiles minérales et améliorant ainsi la compatibilité des produits avec la peau.

Dans le même temps, un second ester d’acides gras est synthétisé par Dragoco, le Pur-Cellin, solide cette fois. Dragoco introduit dans l’industrie cosmétique, sous le nom de Pur-Cellin Oil et Pur-Cellin, deux composés qui seront rebaptisés plus tard dans de nombreux pays sous l’appellation de PCL Liquid et PCL solid. En mélangeant ces deux PCL, le point de fusion et le caractère répulsif de l’eau de la phase grasse d’une émulsion peuvent être ajustés et maîtrisés. Lors du dépôt de brevet de la marque Purcellin™ par Dragoco aux États-Unis en 1 961, ces actifs sont décrits comme étant une huile ou un corps gras synthétique basés sur l'huile issue des glandes d’oiseaux et pouvant être utilisés dans la préparation des cosmétiques (Copy Brevet Dragoco Pur-Cellin).

Ce nouveau composé a été une alternative remarquable aux corps gras végétaux et au triptyque courant en formulation : huiles végétales/huile minérale/lanoline. Une vraie rupture pour la formulation des cosmétiques, apportant de la modernité et un toucher sensoriel non gras, non collant, très doux, tout en formant un film protecteur et "respirant" pour la peau.

Le succès est immédiat aux États-Unis où le Purcellin™ sera retrouvé lors d'une enquête d'utilisation en 1 976 pour démontrer l'innocuité de ces substances, dans pas moins de 135 corps de formules, aussi bien des crèmes que des produits de maquillage, du capillaire, des soins pour bébé, etc. Un expert estime même que le produit, dans les années 80, après 25 ans d’utilisation par l’industrie, aurait été vendu à plus de 10 milliards d'unités !!! (Dragoco Report 4/1985). En Europe, cet ingrédient est également très largement utilisé dans de nombreux produits.

Dieter Beier, un chimiste visionnaire

Durant toute sa vie, Dieter Beier, un chimiste allemand vivant en Afrique du Sud, a mené des recherches sur les corps gras utilisés en cosmétique. Et il n'était pas étranger à cette industrie, puisque l'entreprise familiale, Beier, avait été à l’origine du développement des produits de soin Oil of Olay.

En 1972, Dieter Beier acquiert l’Union Suisse, une entreprise de distribution sud-africaine de produits de soin européens. L'idée de Dieter Beier de faire des recherches sur des huiles était basée sur sa propre expérience avec une gamme de soins de la peau suisse appelée Vitamol, que l’Union Suisse distribuait sous licence à l'époque. Vitamol était une des premières gammes de soin contenant des vitamines, avec plus de vingt-cinq produits. Tous les produits Vitamol étaient des crèmes à l'exception d'une huile, qui était de loin la meilleure vente de la gamme et la favorite de Dieter Beier pour le traitement de sa propre peau, très sèche.
Après plus de dix années de recherche, il lance l’huile Bio-Oil en 1987.

Bio-Oil, une success story bâtie sur un concept oublié

En 2 000, les frères Letschert rachètent l’Union suisse et repositionnent la marque Bio-Oil en l’internationalisant. Ils remettent au goût du jour, avec l’ingrédient star de Dragoco. Pour la marque, " ce soin spécialisé inclut un ingrédient unique, la PurCellin Oil™, qui assure une consistance non grasse et une absorption optimale. Cette base huileuse permet la mise en suspension de vitamines et une combinaison d'extraits de plantes (Huile de Calendula, Lavande, Camomille et Romarin) ". Et voilà, le recyclage est finalisé.

Bio-Oil (rebaptisée Bi-Oil en France pour des raisons réglementaires) est l’un des grands succès mondiaux de ces dix dernières années sur le segment de la dermocosmétique : 32 flacons vendus chaque minute dans le monde, n°1 des ventes de produits contre les cicatrices et les vergetures dans 20 pays depuis son lancement mondial en 2 002.

À propos de Dragoco
Dragoco, tout d'abord appelé Dragon Company et basée principalement à Holzminden en Allemagne, a été fondée par Carl-Wilhelm Gerberding en 1 919, , autour des parfums et des arômes. Rapidement, elle compléte son catalogue avec des produits pour la formulation cosmétique. La croissance économique permit à Dragoco de se développer dans le monde entier : Italie (Milan), États-Unis (New-York), Autriche, France (Paris), Grande-Bretagne, Mexique, Espagne, Australie, Suisse, Canada, Brésil, Asie depuis 1 975 et Afrique depuis 1 984. La société intègre le groupe Symrise, créé en 2 003 suite au rapprochement de Haarmann & Reimer (H&R) et de Dragoco, basés tous deux à Holzminden.

Nous devons cette nouvelle contribution à Michelle Vincent.
Diplômée de l’ENSAM Montpellier (aujourd’hui SupAgro)  en sciences des aliments, Michelle commence sa carrière comme ingénieur Qualité dans le groupement Intermarché. Au cours de cette première expérience, elle côtoie des PME et des filières amont de l’industrie agro-alimentaire. En  1993, le destin la conduit vers un univers plus glamour, celui des cosmétiques. Elle intègre Chanel à Neuilly sur Seine. Son challenge : mettre en place un laboratoire d’analyse sensorielle afin d’optimiser les galéniques des formules cosmétiques. En 2008, changement de cap pour la presse professionnelle en tant que directrice des rédactions. Parallèlement fin 2012, elle crée son cabinet conseil pour accompagner les entreprises dans le développement de méthodes d’évaluation cosmétique et de rédaction de contenu scientifique. Enfin, elle est enseignante à l’ISIPCA sur des modules de développement durable, RSE, filière du naturel. Elle collabore à la Cosmétothèque® depuis sa création.

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