C’est une histoire d’amour qui n’est pas près de s’arrêter entre le monde de la beauté et les algues. Réputées pour leurs vertus sur la peau, elles permettent également de créer des galéniques innovantes en remplaçant les gélifiants synthétiques. Agrimer, fournisseur d’ingrédients marins, nous livre les particularités des algues qu’il commercialise.
Noël Guelennoc (directeur commercial) et Lætitia Tetedoux (responsable marketing) ont répondu aux questions de l'Observatoire des Cosmétiques.
Fiche d’identité
Agrimer est basée à Plouguerneau, sur la côte nord de la Bretagne. Cette entreprise familiale, fondée il y a une vingtaine d’année, s’est spécialisée dans la transformation de ressources marines en ingrédients ou actifs pour différents secteurs industriels comme la cosmétique ou l’agro-alimentaire.
Agrimer exporte ses produits dans le monde entier, dans près de 20 pays. Noël Guelennoc se targue que l’entreprise"soit sollicitée pour cette matière première "magique" qui permet de créer des galéniques uniques et innovantes avec une charte de formulation plus verte, en phase avec les tendances de naturalité du marché".
Quelles sont les caractéristiques propres aux algues récoltées par Agrimer ?
Les algues sont récoltées dans le bassin de la mer d’Iroise, un site classé par l’Unesco dans la catégorie réserve de la biosphère, basé à quelques kilomètres de l’usine Agrimer.
Lætitia Tetedoux explique que "les conditions climatiques y sont idéales pour nos algues, ce premier parc naturel marin de France est brassé en permanence par d’importants courants, l’amplitude des marées est forte avec de grandes variations climatiques. Le marnage (la différence de niveau de l’eau entre deux marées) pouvant aller de huit à dix mètres selon les coefficients. Les algues sont ainsi découvertes deux fois par jour et doivent développer des molécules d’auto-défense pour résister aux différents stress comme les vents, le soleil ou encore la pollution de l’air. En somme, elles réagissent comme notre peau face au climat. Ce sont ces molécules de résistance que l’on extrait pour les valoriser en cosmétique".
Méthodes de collecte
Le littoral breton s’étend sur 1800 km soit près d’1/3 des côtes françaises avec une forte biodiversité au niveau de la flore sous-marine. Les différentes espèces exploitées par Agrimer sont extraites de leur milieu naturel avec des techniques adaptées à chaque zone de récolte.
"Les laminaires poussent en pleine mer et sont récoltées par bateaux (goémoniers), équipés d’un scoubidou, un grand bras mécanique articulé équipé d’un crochet qui par rotation va arracher ces grandes algues brunes accrochées au fond rocheux.
Pour les algues de rives, comme les algues brunes ascophyllum, fucales, source d’alginate, la récolte se fait à marée basse à la main. Il s’agit d’une coupe à la faucille à 20 cm du crampon de fixation pour favoriser la repousse. Cette longueur est variable selon les espèces.
Les chondrus, algues rouges, source de carraghénanes, sont récoltés à la main en cueillette à marée basse, plus délicate. Il faut attendre de plus grand coefficient pour qu’elles soient découvertes", précise Noël Guellenoc.
Toutes ces collectes sont encadrées par des procédures d’autorisation pour délimiter les zones de récolte, la quantité de prélèvement et la période de prélèvement. Les ouvriers qui travaillent sur les différents sites sont des professionnels soumis à une demande d’autorisation de travail préalable, à l’année, pour des zones et des espèces précises.
Ont-elles des allégations cosmétiques objectivées ?
Noël Guelennoc indique que "les algues fonctionnelles tel que les laminaires ou les fucus sont moins explorées en recherche fondamentale mais bénéficient d’une large bibliographie avec de nombreuses allégations cosmétiques grâce à leur richesse moléculaire en mannitol ou en laminarine. Chez Agrimer, nous avons fait le choix de développer des programmes de recherche pour identifier des algues encore non-utilisées en cosmétique dont les propriétés peuvent être objectivées. Nous avons notamment mis en évidence le pouvoir apaisant (test interleukine) et la stimulation de collagène et de kératinocytes sur deux fractions de Calliblépharis jujaba et de Polisiphonia".
Ces algues sont également cultivées en laboratoires et réintroduites en pleine mer afin de préserver la ressource.
Quel est le cahier des charges lié aux méthodes de récoltes ?
Il est géré par les affaires maritimes qui délivrent des permis par espèce avec une quantité déterminée en début de campagne pour un nombre de licences données.
Tous les prélèvements sont encadrés par des normes définissant les espaces et les volumes de récoltes autorisées par année. Certains endroits sont en jachère pour laisser l’écosystème reprendre vie et préserver le renouvellement de la ressource.
Quelles sont les conditions de stockage/fabrication ?
Lætitia Tetedoux indique que "les algues sont déshydratées dans les 24 h après la récolte sous forme de poudres ou de paillettes visant une humidité résiduelle inférieure à15 %. Conditionnées en sac à double paroi écran lumière et en un sac plastique anti humidité, les algues se conservent trois ans à température ambiante, à l’abri de la lumière, sans altération".
Les algues sont-elles problématiques pour la formulation ?
À ce sujet Noël Guellenoc convient que "c’est en effet une matière première colorée qui peut présenter une odeur très marquée. Tout l’art de nos laboratoires de formulation est de travailler les algues de façon moderne, séduisante et à des pourcentages efficaces".
Les algues sont également de parfaits nutriments pour les bactéries, "il nous est donc indispensable de maîtriser les conditions de formulation pour éviter une éventuelle contamination", ajoute-t-il. Enfin, leur charge ionique due à leur forte salinité est également un inconvénient non négligeable pour stabiliser les gels et émulsions.
Actuellement, seule une quarantaine d’algues sont utilisées en cosmétique alors qu’on dénombre des milliers d’espèces différentes à travers le monde. Une chose est sûre, elles n’ont pas fini de faire parler d’elles
JS