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mercredi 8 mars 2017Tendances

Perturbateurs endocriniens : Pour lever la manufacture du doute

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Ce n’est pas parce que les hommes politiques ont découvert ce sujet que je m’y intéresse à ce jour, mais plus simplement parce que les choses se cristallisent autour de ce thème. Cette question des perturbateurs endocriniens prend une place de plus en plus importante et ne va pas aller sans poser de sérieux problèmes à l’industrie.

Temps de lecture
~ 4 minutes

La très grande majorité des scientifiques activement engagés dans la recherche des causes de ces évolutions préoccupantes s’accordent à dire que plusieurs facteurs y contribuent, dont les produits chimiques capables d’interférer avec le système hormonal. L’actualité met de nouveau l’accent sur cette question avec une série de d’articles “grand public” sur le thème : les produits cosmétiques contiennent de façon récurrente ce type de substance. Est-il besoin de rappeler ces publications qui ont fait le buzz récemment ? Cet épisode nous a même valu un communiqué de presse de la FEBEA, ce qui n’est pas si courant.

Mais dans la coulisse, la bataille fait rage et une centaine de scientifiques a publié récemment une lettre ouverte, “une manufacture du doute”, dénonçant de “puissants intérêts industriels” qui déforment délibérément des preuves scientifiques s’accumulant contre les perturbateurs endocriniens. Une action en référence à la tentative de la Commission européenne de forcer les résultats scientifiques pour faire passer une réglementation a minima sur les perturbateurs endocriniens. Ce devait être la première tentative de définition et de réglementation restrictive fin 2016. L’Observatoire des Cosmétiques s’était d’ailleurs fait l‘écho de ces questions.

Il y a une forte probabilité pour que les choses passent quand même par la réglementation, c’est-à-dire la restriction. Or comme toujours, l’innovation sous la contrainte, entre autres sous l’effet de la réglementation, est un moteur du progrès. On pourrait, comme ce fut souvent le cas, commencer par dénier (cf. parabènes !), mais il y a de fortes chances que ce ne soit pas suffisant. Alors, comment anticiper ? Et le mieux, ne serait-il pas de regarder le problème précisément ?

La première étape consistera immanquablement par essayer de définir ces substances. C’est la phase actuelle et on voit ce qu’il en est. Une fois que cette définition sera donnée, il faudra les identifier. Or, les méthodes permettant de le faire sont difficiles et semble-t-il peu répandues. C’est sur ce point qu’il semble y avoir des avancées significatives. En effet, des méthodes permettant dorénavant d’appréhender le comportement de ces substances commencent à exister. Et à défaut d’être utilisables en routine dans l’industrie, elles pointent petit à petit et proposent des solutions envisageables, alors que jusqu’à maintenant les choses étaient compliquées. Elles pourraient assez probablement permettre de constituer une première liste de substances, puis, à l’aide de méthodes analytiques plus facilement programmables, de travailler à leur suppression dans les produits destinés au public. Ce sera un long chemin, raison de plus pour commencer sans tarder.

Sans faire une recherche exhaustive de la bibliographie existante sur le sujet, il est intéressant de noter tout d’abord la méthode proposée par l’équipe de Barbara Demeneix qui, avec des têtards fluorescents, aurait la possibilité de détecter les perturbateurs endocriniens de la thyroïde. Plusieurs publications vont dans ce sens. Gare aux filtres UV !

Quid des estrogènes ? Il y a par exemple l’OEDT, pour Oestrogenic Endocrin Disruptor Test qui a été développé en partenariat avec le Limatb (Laboratoire d’Ingénierie des MATériaux de Bretagne) au Centre de Recherche Yves Coppens de l’Université de Bretagne Sud à Vannes. L’Observatoire des Cosmétiques avait déjà mentionné ce test. Il s’agit d’un test biologique, qui a demandé plusieurs années de recherches. Le principe n’est pas d’aller détecter dans un produit, une par une, toutes les substances qui pourraient agir en perturbateur endocrinien, mais de cibler l’activation des récepteurs aux œstrogènes. On peut donc tester aussi des produits ou des formules.

Donc, il existe des méthodes et des approches qui permettent d’anticiper cette problématique objectivement, y compris au niveau des produits. Certes, ce n’est peut-être pas parfait, mais ça mériterait largement que l’on s’intéresse à cette question. Tout en insistant sur son importance et sur les inquiétudes qu’elle soulève.

Comment l’industrie va-t-elle s’y prendre ?
• Par le biais de revendications commerciales comme c’est son habitude, et ce qui a apparemment déjà été fait par plusieurs marques ?
• Et/ou par le biais d’un travail mutualisé dans le cadre par exemple d’un consortium d’études permettant de mener les travaux nécessaires à documenter correctement cette question ?
Les paris sont ouverts, mais j’ai déjà une petite idée de la chose…

Pour en savoir plus
• Écouter l’émission de France Culture : La méthode scientifique – Que peut la science contre les perturbateurs endocriniens ?

Jean-Claude Le Joliff
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