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mercredi 14 décembre 2016Créateurs

La cosmétologie lyonnaise

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La réputation de Lyon n'est plus à faire, que ce soit dans le domaine culturel, sportif ou encore mieux, culinaire. Mais on ne peut pas parler de cosmétiques, et d'enseignement de la science cosmétique en France, sans faire référence à cette ville. En effet, c'est là qu’a commencé à se dessiner une longue saga qui concerne tout autant l'enseignement et la réglementation que les ingrédients et la naissance de quelques pépites pour certaines encore très actives dans le monde de la cosmétique.

Temps de lecture
~ 10 minutes

Le Professeur Marie-Claude Martini a intimement participé à cette aventure, en étant un des acteurs essentiels. Elle nous fait l'amitié de nous en raconter les principaux épisodes.
De nombreux acteurs de l'industrie cosmétique actuelle se reconnaîtront probablement dans ce récit, soit qu'ils soient eux-mêmes diplômés de ces formations, soit pour avoir participé aux mémorables Journées Européennes de Dermocosmétologie comme auditeurs ou intervenants, ou au minimum pour en avoir entendu parler.
Un grand merci à elle. Nous essaierons dans un avenir proche de compléter ce travail par un portrait des principaux intervenants. Ceci est un appel aux volontaires qui voudraient y contribuer !
Merci d’avance.

Jean Claude Le Jollif

Histoire du Centre Européen de Dermocosmétologie (CED) et de l’avènement de l’enseignement de la Cosmétologie Scientifique à Lyon

L’histoire du CED et l’enseignement de la cosmétologie scientifique à Lyon ont toujours été intimement mêlés, surtout au moment de la création de l’un et de l’autre.
L’enseignement de la cosmétologie scientifique a débuté à Lyon dans les années soixante sous l’impulsion de trois amis aux compétences complémentaires :
• le Professeur Thiers, dermatologue à l’hôpital Édouard Herriot,
• Marcel Gattefossé, PDG de la société familiale éponyme spécialisée dans la transformation des corps gras et l’extraction des huiles essentielles,
• Jean Cotte, Pharmacien biologiste des hôpitaux, dont les relations personnelles avec l’Oréal facilitaient les contacts avec l’industrie.

Cet enseignement a d’abord été destiné aux pharmaciens d’officine dont certains s’intéressaient au conseil et à la distribution des produits de dermopharmacie, sous la forme de journées de formation (payantes) qui faisaient intervenir des dermatologues, des professeurs de galénique, des industriels dont les principaux acteurs de la Société Gattefossé. Pour abriter les sommes reçues de façon légale, une association sous l’égide de la loi 1901 fut créée, baptisée sans complexe : Centre Européen de Dermocosmétologie (CED). Le succès rencontré lors de ces journées amena à les transformer en une sorte de mini congrès annuel, puis bisannuel, dont la renommée s’est imposée au cours des années pour atteindre la dimension d’un véritable congrès tel que nous le connaissons actuellement*. Les premières sessions étaient extrêmement conviviales, avec visite des caveaux du Beaujolais, intronisation de quelques personnalités… ce qui a sans doute contribué à faire connaître et apprécier la science cosmétique. Les suivantes furent moins ludiques, mais de plus en plus prisées pour leur contenu d’abord scientifique, respectant la discipline et l’éthique de la pharmacie, tout en préservant les à cotés gastronomiques.

En 1972, le thème de la VIe semaine était "La peau qui vieillit", celui de la VIIe semaine en 1973 portait sur "L’équilibre hydro-électrique des téguments". Suivirent l’étude du cheveu et du cuir chevelu en 1974 puis "Microbes et peau" en 1976, "Innocuité et biométrie de la peau" en 1977…Tous ces sujets de recherche sont toujours actuels et se montraient, pour l’époque, totalement novateurs.

Parallèlement, l’Institut de Pharmacie Industrielle de Lyon (I.P.I.L), très connu au niveau national et jouissant d’une excellente réputation, formait, en particulier, des galénistes pour l’industrie, mais souhaitait développer diverses options. C’est ainsi qu’un enseignement universitaire de Cosmétologie a été mis en place dès 1967. La première promotion, en octobre 1969, ne comportait que trois étudiants dont je faisais partie tout en assurant des fonctions de Maître de conférence en toxicologie. Les travaux pratiques indispensables à l’étude de la formulation avaient lieu dans les locaux de la Société Gattefossé sous la baguette de Geneviève Calmet, chef du département de technologie cosmétique. L’enseignement théorique, assuré conjointement par des industriels et des universitaires, était complété par des stages en industrie, successivement dans les laboratoires des Établissements Gattefossé à Lyon et ceux des sociétés l’Oréal et Roc à Paris. Le diplôme dispensé en 1970 était un certificat de Pharmacie industrielle option Cosmétologie.

Jean Cotte, au cours de cette période, après obtention de l’agrégation de Pharmacie galénique, avait été nommé Professeur de technologie pharmaceutique et avait pris la direction de l’Institut de Pharmacie industrielle.

Le succès de l’option cosmétologie grandissant et la Faculté de pharmacie n’ayant pas de locaux à consacrer à une activité qu’elle considérait comme mineure, il était nécessaire d’en trouver ailleurs. La rencontre entre le Professeur Cotte et le Professeur Valet, chargé du département de recherche sur les macromolécules à la Faculté des sciences et Directeur du Centre technique du cuir (CTC), apporta la solution. Une cellule de recherche travaillait au CTC sur le collagène , ce qui fournit la liaison avec l’enseignement de la cosmétologie.

En 1973, à la demande du Professeur Cotte, j’organisai les travaux pratiques de l’option cosmétologie dans les nouveaux locaux ainsi que le démarrage d’un petit laboratoire de recherche. Décidemment plus intéressée par la cosmétologie que par la pharmacie, j’ai demandé et obtenu une mutation en Pharmacie galénique en 1974.

Il s’est alors développé au cours des années 70 un enseignement de cosmétologie dans d’autres facultés : à Nantes sous la direction de Mme De Roeck , Professeur de pharmacie galénique et à Paris XI, à l’initiative de Mr Wepierre, Professeur de pharmacologie qui souhaitait approfondir la recherche dans ce domaine en créant un DEA. L’Institut de Pharmacie Industrielle de Lyon, sous la forme de son option cosmétologie, s’est évidemment associé à ces universitaires pour délivrer conjointement un DEA de Biologie cutanée. Les étudiants suivaient un enseignement dans les trois sites. Il était ouvert aux pharmaciens, aux biologistes et aux médecins. Le nombre d’étudiants était limité pour chaque site et la sélection était sévère. Le diplôme de DEA était dispensé à Paris. À Lyon, le Pr Thivolet avait succédé au Pr Thiers dans le département de dermatologie à l’hôpital Édouard Herriot.

Le CED, de son coté, s’était développé et travaillait sous contrat avec l’industrie sur différents thèmes de recherche, en particulier sur la mise en évidence des propriétés des ingrédients actifs et de l’efficacité des produits finis. Les recherches sur le collagène se poursuivaient activement avec le développement d’une unité de fabrication au sein de la Société anonyme de développement des utilisations du collagène (SADUC). C’est à cette époque que le CTC créa une entité de recherche associant ses propres laboratoires, le CED et la SADUC, association bénéficiant d’une subvention du ministère de la recherche, et portant le nom de CERAD (Centre d’enseignement et de recherche appliquée en dermocosmétologie).

Les stages des étudiants du DEA avaient lieu dans divers laboratoires de recherche universitaires ou industriels, à Lyon ou ailleurs en France et même à l’étranger. À Lyon, participaient à cet enseignement : l’Inserm (Daniel Schmidt), le laboratoire des substituts cutanés (Odile Damour), la SADUC (Michel Dubois), le laboratoire de recherche du CTC (Alain Huc), le département des macromolécules (Daniel Herbage), le CED (Marie-Claude Martini), le département hospitalier de culture cellulaire de l’hôpital Debrousse (Monique Mathieu)….

Peu à peu, les difficultés inhérentes aux déplacements exigés par un enseignement dans trois sites différents firent que les trois universités associées se séparèrent pour proposer leur propre vision de la cosmétique, mais pendant plusieurs années ont cohabité deux types d’enseignement dont l’un présentait une orientation recherche (DEA), l’autre une orientation plus professionnelle (DESS). La sélection pour le DESS n’en était pas moins sévère et à Lyon, il n’était pas accepté plus de 20 élèves, pharmaciens ou biologistes, parfois ingénieurs en provenance de l’ITECH, ancienne école du cuir associée alors au textile.

En 1976, le Ministère de la Santé avait chargé Jean Cotte de représenter la France au niveau de la Communauté Européenne qui élaborait une Directive cosmétique. Je faisais moi-même partie, avec un certain nombre de chefs de laboratoire industriels, de la délégation devant définir des méthodes d’analyse des produits cosmétiques. Ceci nous permettait de connaître en avant-première les exigences des États et l’avancement de la recherche, dont nous faisions profiter, dans les limites légales, l’enseignement dispensé à Lyon.

Les produits cosmétiques ayant été revalorisés et considérés comme produits de santé, j’ai obtenu en 1985 un poste de Professeur de Dermopharmacie et cosmétologie, le premier de cette qualification en France.

Parallèlement, le CED continuait à se développer, tant au niveau de ses congrès, domaine du Professeur Cotte, que de son laboratoire, dont j’avais la responsabilité, capable de proposer des méthodes adaptées à la formulation, à l’objectivation de l’efficacité par mesures instrumentales, à la mise en évidence d’activité sur culture cellulaire. En 1993, le CTC ayant changé de direction, recentré son action sur le cuir, abandonné la recherche sur le collagène en licenciant le personnel qui s’y consacrait, construit de nouveaux locaux dont nous étions exclus, il était nécessaire de trouver une solution de repli. Par ailleurs, les contrats industriels qui faisaient vivre en partie le CED, bien que de plus en plus nombreux, n’arrivaient plus à couvrir les frais occasionnés par la culture cellulaire. Le laboratoire du CED fut donc rapatrié dans les murs de la Faculté avec une activité plus réduite intégrée à celle du laboratoire universitaire de Dermopharmacie et cosmétologie. Seul un secrétariat réservé à l’organisation des congrès et aux manifestations extérieures demeura quelques années dans les locaux de l’ITECH jusqu’au déplacement de l’École.

Au cours des années suivantes, l’évolution de l’enseignement fut dictée par celle de l’industrie cosmétique et il parut indispensable de concevoir une double formation : technique et managériale. Pour ce faire, des contacts furent pris avec l’EM Lyon, une des grandes écoles de commerce française, dans le but de mettre à la disposition des élèves du DESS une mini-formation adaptée aux besoins spécifiques de la profession. Cette formation de quatre semaines à temps plein eut un très grand succès, tant au point de vue des étudiants que des professionnels. À partir de ce moment, l’enseignement du DEA fut abandonné à Lyon.

Les relations avec le Département de Dermatologie de l’hôpital Édouard Herriot n’en furent pas affectées, tant au niveau de la recherche avec Marek Haftek que par le biais du CED qui fit appel pour ses congrès au Professeur Claudy, successeur du Professeur Thivolet. Son intervention sur les interrelations entre psychisme et peau lors des XXe Journées Européennes de Dermocosmétologie en novembre 2000 est restée dans les mémoires.

Le Professeur Cotte a été "admis à prendre sa retraite" en 1992, mais exerça comme professeur émérite jusque en 1995. Après son départ, la direction de l’IPIL subit quelques vicissitudes pendant plusieurs années, ce qui n’eut pas d’influence sur le DESS, confié aux bons soins du département de Dermopharmacie et cosmétologie. En revanche, au cours des années 2000, la réforme des études supérieures, transformant les DESS en Masters, a imposé un enseignement sur deux ans, ce qui conduit les étudiants en pharmacie à commencer le master en même temps que la 6e année. La sélection est devenue plus délicate puisqu’elle s’adressait auparavant à des diplômés et qu’elle ne concerne plus que des étudiants n’ayant pas encore obtenu leur diplôme. J’ai, à mon tour, cédé la place en 2002 à Marie-Alexandrine Bolzinger, actuellement Professeur de Dermopharmacie et cosmétologie et Directrice de L’IPIL.

Bien qu’il ait assuré sa succession en confiant le CED à Alain Huc, alors PDG de la Société Bioetica, la disparition brutale du Professeur Cotte en 2004 a laissé un vide considérable. Il est à jamais lié à l’établissement de la cosmétique scientifique, qui n’aurait pas vu le jour aussi tôt et aussi bien, poussée par son enthousiasme, ses idées foisonnantes, son charisme, son intelligence et ses vues à long terme.

Le CED, de plus en plus indépendant de l’enseignement, se consacre à la formation et à l’aide aux professionnels en maintenant tous les deux ans les très anciens congrès sous la dénomination de "Journées Européennes de Dermocosmétologie". L’impulsion donnée par les derniers Présidents : Alain Huc puis Dominique Bouvier, PDG de Strand Cosmetic Europe, elle-même diplômée de l’option cosmétologie de l’IPIL, a considérablement fait évoluer l’association qui entretient des relations suivies avec la FEBEA, avec la SFC, avec l’Institut des protéines, avec le centre de formation de la plasturgie, avec l’ITECH, tout en maintenant ses relations privilégiées avec l’IPIL. Le CED est présent lors des manifestations importantes telles que les salons In-Cosmetics, les congrès de l’IFSCC, les congrès de pharmacie galénique. Il organise chaque année des journées thématiques sur différents sujets d’actualité, faisant intervenir les meilleurs spécialistes de la question.
Il s’est définitivement positionné comme un pôle scientifique d’excellence.

*Le CED organise les XXVIIIe Journées de Dermocosmétologie à Lyon les 30 et 31 janvier 2017 sur le thème "Génomique personnalisée et épigénétique, avenir de la dermocosmétologie ?".

Nous devons cette contribution au Professeur Marie-Claude Martini.
Marie-Claude Martini fait référence dans le domaine de la cosmétique au travers de nombreux travaux. Collaboratrice du Professeur Jean Cotte, elle a largement contribué au développement du Centre Européen de Dermo-cosmétologie, dont elle fût un membre éminent pendant de nombreuses années. Le centre sera un des éléments clé du pôle cosmétique lyonnais. Enseignante, expert auprès des autorités françaises et européennes, elle a également laissé une forte empreinte par la rédaction de plusieurs ouvrages de référence. On citera en particulier celui concernant les actifs et additifs en cosmétologie.
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