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mercredi 15 juin 2016Créateurs

Le Laboratoire de Pharmacie industrielle et de Cosmétologie

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Il existe une recherche universitaire de qualité dans le domaine de la cosmétique. Elle se fait souvent par l’intermédiaire de centres spécialisés qui sont peu connus. Après avoir donné la parole au CERT, La Cosmétothèque® revient de nouveau vers eux pour qu’ils expliquent leur démarche et leur domaine de recherches. Aujourd’hui, place au LPiC de Nantes. Jean Claude LE JOLIFF

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Le Laboratoire de Pharmacie industrielle et de Cosmétologie (LPiC) est né dans les années 1970 par scission du laboratoire de pharmacie galénique en deux entités, les Professeurs Yannick De Roeck-Holtzhauer et Michel Rouzet n’étant pas du genre à vouloir partager le commandement d’un même navire. Âgée de 40 ans, Yannick De Roeck-Holtzhauer est alors pleine d’ambition pour ce laboratoire tout jeune qui vient de voir le jour sous son impulsion. Si le Professeur De Roeck souhaite conserver un pied dans le domaine pharmaceutique par le biais de cours de pharmacie galénique (art d’associer les ingrédients entre eux afin de permettre la dispensation des principes actifs), d’homéopathie et de pharmacie vétérinaire, elle décide également (et même surtout) de consacrer toute son énergie à une discipline ancienne comme le monde, la cosmétologie. Si celle-ci date de l’Antiquité, l’industrialisation, en revanche, est, elle, toute récente. Tout reste à faire dans le domaine de la réglementation. Les scandales sanitaires du début des années 1970 (affaires des talcs Baumol et Morhange) aboutiront à la loi Veil du 10 juillet 1975. Une discipline est née : la réglementation cosmétique. Il s’agit désormais de l’enseigner ! Le Pr. De Roeck, pédagogue dans l’âme, se saisit de l’opportunité et voit les choses en grand. Il faut se retrousser les manches et créer des diplômes, l’un à destination des techniciens (le célèbre DU de technicien spécialisé en cosmétologie) et l’autre à destination des cadres (le non moins célèbre DESS de Cosmétotechnie). C’est dans une structure préfabriquée située sur le campus de science qu’environ 200 diplômés seront formés. Locaux exigus, chaleur intense dès les beaux jours et froid non moins intense dès les premiers frimas n’arrêtent pas les candidats. Ceux-ci sont sélectionnés dans le fameux bâtiment. Du fait de sa petite taille, les candidats attendent à l’extérieur, parfois en plein soleil, ce qui vaudra à certains des coups de soleil mémorables (ironie du sort lorsque l’on connaît la thématique actuelle du LPiC). Afin d’être la plus performante possible, Yannick De Roeck, dans une vision très moderne de son métier, décide d’adosser l’enseignement qui lui tient à cœur à sa thématique de recherche. Amoureuse des rivages bretons et du milieu marin en général, Yannick se penche sur une source d’ingrédients encore peu exploitée : les algues (la banque de données Biotekalg voit ainsi le jour, compilant pour chaque algue de multiples informations concernant leur composition) et développe avec son mari un certain nombre de protocoles visant à démontrer l’efficacité anti-âge, particulièrement la profilomètrie (ah, la réalisation des empreintes et des contre-empreintes par étudiants et chercheurs statutaires afin de démontrer l’efficacité anti-rides !), l’efficacité des dentifrices (détermination du degré d’abrasivité de ces derniers à l’aide d’une machine à brosser les dents qui a laissé des souvenirs à plus d’un étudiant)… Chromatographie gazeuse, liquide, spectrophotométrie UV et de flamme : autant de techniques qui constituaient, par ailleurs, des moyens de vérifier que la toute jeune réglementation était bien respectée. Un enseignement de qualité légitimé par une recherche active dans le domaine permit au LPiC de se faire rapidement connaître de l’industrie. Afin de ne pas être limité par des problèmes financiers, diverses associations (le CAEC, IRVALMER) virent le jour. Les contrats avec l’industrie affluèrent.

Dans les années 1990, vingt ans après sa création, le LPiC est suffisamment fort et reconnu pour passer dans la cour des grands. Un déménagement à St Herblain (rue du moulin de la Rousselière) dans une structure de plus de 1000 m² conforte la situation de Mme De Roeck. Chercheurs au nombre de quatre (Laurence Coiffard, Anne-Marie Leray, Françoise Peigné et Pierre Rivalland), thésards au nombre de deux (Céline Couteau, Gwenaëlle Bourbigot), technicien (Alban Tacquet) et secrétaires (Danielle Buisard et Céline Adjacin) partagent les locaux avec une trentaine d’étudiants recrutés chaque année. Les thématiques de recherches sont nombreuses, aussi nombreuses que les bras présents dans la structure. Stabilité des ingrédients cosmétiques (actifs édulcorants, éclaircissants, antipelliculaires), criblage d’ingrédients marins à valoriser, mise en place de méthodes alternatives visant à tester l’innocuité des ingrédients cosmétiques (les lapins utilisés sur le campus de science pour démontrer l’innocuité des produits finis ont laissé la place à des tests in vitro ), mise en place de méthodes de dosage (dosage du fluor…) sont autant de sujets qui passionnent les uns et les autres. Avant que le géant cosmétique n’ait inventé son célèbre slogan "parce que vous le valez bien", Mme De Roeck fidélise ses partenaires industriels "parce qu’elle le vaut bien". Infatigable, Yannick De Roeck court les congrès, présentant les résultats obtenus au LPiC au niveau international. Accompagnée de l’un ou de l’autre (et toujours de son mari), elle multiplie les collaborations avec la Grèce, le Maroc, la Serbie…

Le 31 mai 1999, coup de tonnerre, Mme De Roeck décède après plusieurs mois d’une maladie qui ne l’a vu faiblir que dans les derniers instants. Commence alors une période de flottement. La Faculté de Pharmacie de Nantes qui, pendant des années, a suivi de loin la vie du laboratoire, se rappelle à son bon souvenir et souhaite le voir rapatrier le centre-ville. Cela ne se fera pas d’un seul coup. Il faudra passer par une étape de purgatoire dans des locaux mis à disposition par le CHU (Nord Guillaume-et-René-Laennec). Des étudiants y suivront les cours avec vue sur… chambres de patients. L’activité de recherches y sera maintenue, dans des locaux pourtant très peu adaptés. Les doyens successifs souhaitent soutenir la discipline originale qu’est la cosmétologie, à Nantes. Toutefois, les cartes sont rebattues et le personnel payé sur les fonds propres du LPiC sont remerciés. Le personnel enseignant compte, désormais, trois personnes (Laurence Coiffard, Françoise Peigné et Céline Couteau). Danielle Buisard continue à assurer le secrétariat du laboratoire.

Une fois la qualification aux fonctions de Professeur en poche, plus rien n’empêche plus Laurence Coiffard de prendre la chefferie du service. La tour verte située rue Gaston Veil en plein centre ville nous accueille désormais. Nous disposons d’un splendide laboratoire situé au 7e étage du bâtiment avec une vue à 360° sur les toits de la ville. Tous nos visiteurs s’émerveillent face à ce panorama imprenable. Si le laboratoire a perdu un maître de conférences (passé peu avant le décès de Mme de Roeck au laboratoire de pharmacie galénique), il gagne en revanche une technicienne en septembre 2004. Après plusieurs années où nous fûmes à la fois "Cuisinet, Torchonnet et Baptiste" pour réutiliser l’expression d’un cousin, colonel de l’armée française, et qui s’est trouvé dépourvu de personnel lors de sa retraite, il est plaisant de se reposer sur une aide technique très précieuse. C’est donc avec l’aide de notre nouvelle technicienne, Eva Paparis, que nous développons ce qui va devenir notre thématique de recherches, à savoir la photoprotection topique et plus spécialement les méthodes in vitro destinées à démontrer l’efficacité des produits de protection solaire. Il faudra tester des centaines de produits et des enduire des milliers de plaques de polyméthacrylate de méthyle de produit de protection solaire avant que nos résultats ne soient validés. La première publication sur le thème concerne la détermination de l’efficacité des 18 filtres UVB alors autorisés et disponibles dans le commerce, et l’établissement de la relation dose-effet pour chacun d’entre eux. Cette thématique qui nous rapproche de notre formation d’origine (Laurence Coiffard et Céline Couteau sont toutes les deux des pharmaciens formés à la Faculté de Pharmacie de Nantes) nous permet de conjuguer santé publique et cosmétologie. Comme l’avait fait précédemment Mme De Roeck, nous adossons solidement notre enseignement sur notre recherche. Ceci est primordial à nos yeux ; il paraît, en effet, difficile d’enseigner une matière que l’on ne pratique pas quotidiennement.

Les temps changent. Les diplômes changent de noms. Le DU de Cosmétologie devient une Licence professionnelle et le DESS, un Master. Le parcours Cosmétologie s’associe au parcours contrôle analytique (du Pr. Pégon) et au parcours Biotechnologie (Pr. Aubry) pour devenir le Master2 Développement et Contrôle des Produits de Santé (DCPS). Au départ en retraite du Pr. Pégon, la responsabilité du Master revient tout naturellement au LPiC du fait de l’investissement de Laurence Coiffard au niveau de cette formation.

En 2013, un DU de Socio-esthétique voit le jour ; c’est l’aboutissement d’un projet dont la gestation a duré une dizaine d’années. Cette discipline qui donne toutes ses lettres de noblesse à la cosmétologie est une discipline qui nous tient particulièrement à cœur. En effet, parallèlement à l’enseignement et par l’intermédiaire de la Fondation de l’Université de Nantes, des fonds suffisants (94 500 €) ont été collectés afin d’offrir aux patients hospitalisés au CHU de Nantes (site de l’Hôtel-Dieu), mais également dans un centre hospitalier local et un EHPAD tous deux situés à Machecoul (44), des soins esthétiques gratuits. Sur le site de l’Hôtel-Dieu, sont concernés de nombreux services hospitaliers, tout particulièrement l’hémodialyse, l’ORL, la stomatologie, l’ophtalmologie, la gastro-entérologie… Nous avons dépassé les 1144 patients différents concernés. Pour certains services, l’hémodialyse chronique, tout spécialement, les patients ont déjà fait appel de multiples fois (plus de dix fois) aux services de la socio-esthéticienne. L’âge moyen des personnes concernées est de 58 ans. Le choix avait été fait d’emblée d’offrir les différentes prestations à toute personne, homme ou femme, et ce quel que soit le motif de l’hospitalisation, à la différence d’autres projets qui ciblent spécifiquement les bénéficiaires. Ce choix était pertinent, puisque un certain nombre d’hommes ont recours à ce qui est proposé. Toutefois, force est déjà de constater que ce sont très majoritairement des femmes qui font appel aux services de la socio-esthéticienne. Depuis trois ans, plus de 5 000 soins différents ont été prodigués. Ce sont toujours les soins du visage et les modelages de détente qui sont les plus demandés. Si l’on entre dans le détail des modelages réalisés, on constate que ce sont les modelages des mains et du visage qui sont les plus nombreux. Pour revenir au DU de Socio-esthétique, il est important de préciser qu’il entre dans le cadre d’une offre originale de formation, puisqu’il est unique en France. Il nous paraissait extrêmement important de former des personnels soignants (infirmières et aides-soignantes) et des esthéticiennes à ce métier en émergence qu’est celui de socio-esthéticienne, métier qui s’inscrit vraiment dans la logique d’une prise en charge globale du patient. Les titulaires du DU doivent être capables de travailler en milieu hospitalier et/ou en milieu social (auprès de personnes plus ou moins désocialisées, incarcérées) afin d’y assurer des soins esthétiques au sens large. Le programme du diplôme est centré sur la connaissance des ingrédients cosmétiques, afin de permettre un choix éclairé des gammes qui seront choisies dans la pratique du métier de socio-esthéticienne. Du fait des contextes particuliers à ces situations de travail, il convient, en effet, de minimiser au maximum les risques d’effets indésirables, allergiques, en particulier.

En 2016, si l’on veut dresser un bilan, on peut dire que le LPiC, c’est d’abord et surtout les personnes qui se sont succédées pour faire perdurer enseignement et recherche dans un domaine original assez peu représenté en France. Ce sont deux chefs de service (Mmes de Roeck et Coiffard) qui ont insufflé, à tour de rôle, leurs idées et leurs passions. Ce sont des enseignants-chercheurs qui, au fil du temps, ont permis la rédaction d’une centaine de publications (dont 45 sur le sujet de la photoprotection topique) et d’ouvrages, ainsi que la présentation de posters, de communications orales dans des congrès nationaux et internationaux… Ce sont des techniciens qui ont recueilli les résultats avec minutie et précision. Ce sont des secrétaires qui ont géré avec efficacité des centaines de dossiers de candidature au niveau Licence et Master (merci à Nathalie Calvi qui a pour mission la gestion de ces dossiers). Ce sont des centaines de stagiaires (de tous niveaux), de thésards (de 3e cycle ou d’exercice en pharmacie) qui ont apporté leur pierre au laboratoire en recherchant des références bibliographiques utiles et en multipliant les déterminations. Ce sont des centaines de diplômés qui nous font le plaisir de former à leur tour des stagiaires et nous remercient ainsi de la formation que nous leur avons offerte, il y a 10, 15 ans ou plus… Ce sont des créateurs d’entreprise, des responsables de formation, des techniciens de laboratoire… qui viennent partager lors de la Journée des anciens (journée organisée chaque année en début de formation afin de mettre en lien jeunes ou moins jeunes diplômés et étudiants nouvellement inscrits) leur expérience, leur parcours, leur vision de monde cosmétique. Ce sont des anciens qui reviennent nous voir régulièrement, qui échangent par mail ou par téléphone et qui nous demandent notre avis sur tel ou tel sujet "brûlant" d’actualité… Le site de The Conversation constitue d’ailleurs, à ce titre, un moyen de toucher un grand nombre "d’anciens" et de leur montrer que nous n’avons pas perdu, au fil du temps, notre esprit critique.

Le LPiC, c’est une continuité rassurante pour les étudiants qui se savent précédés par plusieurs générations d’étudiants ; c’est aussi la volonté farouche de maintenir une discipline passionnante au sein d’une Faculté de Pharmacie.
Le LPiC, c’est avant tout une équipe, qui, contre vents et marées a tenu bon, permettant de faire perdurer au sein de la Faculté de Pharmacie de Nantes un enseignement et une recherche afférents au domaine cosmétique vieux de plus de 45 ans.

Contribution réalisée par Céline Couteau et Laurence Coiffard
Elles dirigent le LPiC ou laboratoire de Pharmacie industrielle et de Cosmétologie de la Faculté de Pharmacie de Nantes. Né dans les années 1970 de la scission du Laboratoire de Pharmacie galénique de la Faculté de pharmacie de Nantes, le LPiC s’est inscrit dès sa création dans une logique de mise au point de formes topiques destinées aussi bien à l’usage pharmaceutique qu’à l’usage cosmétique. Ce laboratoire est également impliqué dans la formation puisque depuis la création du diplôme de Master 2, ayant succédé à un DESS, des centaines de cadres ont été formés à Nantes.

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