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mercredi 29 avril 2015Cosmétothèque

La peau sous toutes ses coutures – Partie 3

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Dans cette partie, Michelle Vincent nous entraîne vers d'autres contributions, celles décrivant comment certaines sociétés privées ont assuré la continuité des travaux de recherche universitaire en bio-ingénierie cutanée pour compléter à leur façon les connaissances initiales. Ces contributions ne sont pas les seules (et nous essaierons d'obtenir d’autres témoignages), mais elles représentent la façon dont les choses ont été approchées. - Jean Claude Le Joliff

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~ 9 minutes

 3. Le continuum avec les initiatives privées

En 1977, le CERCO (Centre d’Études et de Recherche cosmétologiques) voit le jour sous l’impulsion d’un chimiste cosmétologue passionné, Paul Tisnes, qui en sera l’administrateur, et du Pr. Jean Pierre Escande, dermatologue, tous deux étudiant alors le film hydro-lipido-protidique (HLP) de la surface cutanée. Ce G.I.E (Groupement d’Intérêt Économique), est hébergé initialement chez Sanofi. Il regroupe les sociétés Yves Rocher (40 %), Roger & Gallet (20 %), Stendhal (20 %) et Expansion Biologique Française (20 %). Ginette Brouchot, esthéticienne chez Yves Rocher, sera également de l’aventure. Ces trois pionniers, entourés d’une équipe restreinte de techniciens, avaient bien conscience de participer au démarrage d’une nouvelle voie en cosmétologie. Pour effectuer leurs recherches, le CERCO va disposer :
• d’un plateau technique pour étudier la surface cutanée et son relief, rechercher des nouvelles méthodes d’investigation, mettre au point des protocoles d’études,
• d’un laboratoire pour réaliser les tests d’efficacité des produits cosmétiques,
• et d’un mini-institut de beauté afin de récompenser les volontaires participant aux tests.

L’étude la plus marquante, celle qui définira l’ADN du CERCO, concerne la description du réseau micro-dépressionnaire (RmD) [1] de la peau révélé grâce à la technique de la microphotographie d’empreintes. Jusqu’alors, la peau était schématisée en coupe, mais jamais la surface n’avait été reproduite, mis à part en criminologie avec la prise des empreintes digitales au XIXe siècle. Il aura fallu attendre la fin du XXe pour visualiser le RmD grâce à la technique des empreintes. Réalisée avec un composé élastomère, elle va permettre de reproduire fidèlement les structures les plus fines de la peau. Cet élastomère déposé sur la peau va se polymériser et donner un négatif (ou empreinte). Celui-ci est alors converti en réplique positive par l’action d’une résine et d’un catalyseur. Ces empreintes durcies se conservent très facilement.

L’équipe du CERCO montre que la peau est structurée par un réseau de fins sillons, le RmD, dont on distingue deux sortes de lignes :
• celles de premier ordre, organisées en mailles losangiques, qui reflètent exactement l’organisation de la jonction dermo-épidermique (JDE),
• celles de deuxième ordre, plus fines, qui se surajoutent aux premières et témoignent d’altérations épidermiques.

Ils ont également démontré que le vieillissement cutané se traduit par un élargissement des mailles du RmD [2]. Et que chez les hommes, ces mailles se désorganisent précocement sous l’action d’agressions comme le rasage ou le savonnage. Ces différences hommes-femmes sont nettement visibles sur les clichés d’empreintes de peaux (photo).

La métrologie des rides va devenir le cheval de bataille du CERCO, dès son origine. En 1997, Sanofi se retire et le CERCO devient une société en nom collectif (SNC).

Virginie Couturaud en assure alors la direction. Elle dirige encore aujourd’hui ce centre avec toujours la même passion.
Et nous expose sa vision : " L’objectif du CERCO était de pouvoir mesurer les effets des produits cosmétiques. Nous avons été les premiers à avoir cette démarche en 1977. Les trois grands axes sur lesquels nous avons travaillé étaient le film hydrolipidique, le RmD et le pH cutané. La découverte du RmD s’est révélée être une fidèle reproduction des structures sous-jacentes. D’où l’intérêt ! L’observation du RmD permet de juger à la fois de l’état externe et interne de la peau. Il est notre réserve d’élasticité, et, comme un accordéon, se distend en vieillissant. Depuis, nous continuons de développer de nombreuses techniques physiques : profilométrie, projection de franges, microscopie confocale, RAMAN… En 1997, Sanofi se retire et le CERCO devient un GIE des marques du Groupe Rocher pour devenir depuis 2013 une société en nom collectif (SNC). Nous restons des experts du microrelief cutané . Avec le RAMAN, nous souhaitons identifier un "code barre" interne de la peau qui reflèterait l’état de surface".

Autre approche, le CE.R.I.E.S., CEntre de Recherche Épidermique et Sensorielle

En 1996, l’annonce est faite, par la société Chanel SAS, de la création d’un centre de recherche sur la peau saine (structure autonome), mettant en avant que la dermatologie et la cosmétologie doivent travailler ensemble pour mieux répondre aux attentes des femmes.

Depuis 1992, un noyau de chercheurs (dermatologues, pharmaciens, médecins, épidémiologistes, etc.) travaille sur le concept de peau saine. Partant du constat que la classification traditionnelle des types de peaux est obsolète, ils vont proposer une approche clinique, basée sur le postulat que la peau est la résultante d’un vécu à la fois génétique et consécutif aux conditions environnementales, de mode de vie et de pratiques d’hygiène. L’originalité de cette recherche repose sur l’association d’une approche clinique et d’une démarche épidémiologique.

Pour mettre en œuvre sa mission, le CE.R.I.E.S. s’entoure d’un comité scientifique international composé de six experts en dermatologie, dont la présidence sera confiée au Pr. Louis Dubertret, chef du service de dermatologie à l’hôpital Saint-Louis à Paris. Le rôle de ce comité est de conseiller le CE.R.I.E.S. et de valider les options scientifiques prises. Le Professeur Erwin Tschachler en assure la direction scientifique. De nombreuses collaborations sont réalisées dans le monde entier pour appréhender toutes les caractéristiques de la peau sous différentes latitudes et de différentes cultures.

Le début d’une aventure qui dure depuis plus de 20 ans avec à la clef plus de cent publications dont le score d’âge cutané, la description des peaux sensibles, une nouvelle classification de la peau saine, les gènes associés au vieillissement cutané, etc., une base de données de 20 000 images de visages de femmes, le développement d’outils d’imagerie, de méthodes de mesure de l'apparence… et des études venant appuyer les lancements de produits de soin Chanel.

L’aventure continue au sein du Département Biologie & Beauté des femmes dédié à ces activités au sein du Centre de Recherche Chanel. Parmi les thèmes travaillés depuis quelque temps, la compréhension des caractéristiques du visage définissant les critères de beauté est au centre de toutes les attentions. Ces techniques utilisent entre autres les approches de l’Eye Tracking, méthode particulièrement prometteuse.

Quelques publications du CERIES & CHANEL Recherche et Technologie

• Guinot C, Malvy D, Tenenhaus M, Latreille J, Ambroisine L, Mauger E, et al. Relative contribution of intrinsic versus extrinsic factors to skin aging as determined by a validated skin age score. Archives of Dermatology, special issue « Aging ». 2002;138:1454-60.
• Guinot C, Malvy D, Morizot F, Tenenhaus M, Latreille J, Lopez S, et al. Classification of healthy human facial skin. In: Maibach RBeHI, editor. Textbook of Cosmetic Dermatology. Taylor & Francis ed. London2005. p. 27-39.
• Morizot F, Guinot C, Lopez S, Fur IL, Tschachler E, Wood C. Sensitive skin: Analysis of symptoms, perceived causes and possible mechanisms. Cosmetics and Toiletries. 2001;115:83-9.
• Le Clerc S, Taing L, Ezzedine K, Latreille J, Labib T, Coulonges C, et al. A genome-wide association study in Caucasian women points out for a role of the STXBP5L gene in facial photoageing. Journal of Investigative Dermatology. 2013;133:929-35.
• Porcheron A, Mauger E, Russell R. Aspects of Facial Contrast Decrease with Age and Are Cues for Age Perception. PLosOne. 2013;8(3):e57985.
• Morizot F, et al. Development of photographic scales documenting features of skin ageing based on digital images. XXth World Congress of Dermatology, Paris, 1-5 July 2002.
• Tschachler E, Morizot F. Ethnic differences in skin aging. In: Gilchrest B & Krutmann J, eds: Skin aging, Chapter 3:23-31, Springer, 2006.
• Ambroisine L, Ezzedine K, Elfakir A, Gardinier S, Latreille J, Mauger E, et al. Relationships between visual and tactile features and biophysical parameters in human facial skin. Skin Research and Technology. 2007;13:176-83.

Et maintenant ?

Le succès croissant du traitement d'images, le développement des méthodes non invasives d'analyse in vivo de la composition et de la structure de la peau (spectroscopie Raman in vivo , ne se dément pas. Une multitude de sociétés privées comme publiques continuent de travailler au développement d’outils de plus en plus pointus.

Comme mentionné en introduction, l’objet de cet article n’est pas de faire une liste exhaustive de tous les appareils existants, de nombreux sites le font , mais de relater quelques initiatives précurseurs en leur temps et d’imaginer le futur.

Acte 3, le futur est en marche avec la conception de mini-laboratoires sous la peau, de capteurs connectés délivrant une information en temps réel…

[1] Référence dossier interne CERCO, brochure Le RMD, dossier scientifique des laboratoires SAUBA  Dermatologie, Paris.
[2] Thèse de Melle Sorel, 1989, Étude du réseau micro-dépressionnaire par une technique d’analyse d’images : mise au point d’une méthode pour mesurer le vieillissement cutané.

Nous devons cette nouvelle contribution à Michelle Vincent.
Tous nos remerciements particulièrement à Frédérique Morizot, Directrice du Département Biologie & Beauté des Femmes au sein de Chanel Parfums Beauté et à Virginie Coutureau, Directrice du CERCO (groupe Yves Rocher), pour leur contribution et leur disponibilité.

Michelle Vincent
Diplômée de l’ENSAM Montpellier (aujourd’hui SupAgro)  en sciences des aliments, Michelle commence sa carrière comme ingénieur Qualité dans le groupement Intermarché. Au cours de cette première expérience, elle côtoie des PME et des filières amont de l’industrie agro-alimentaire. En  1993, le destin la conduit vers un univers plus glamour, celui des cosmétiques. Elle intègre Chanel à Neuilly sur Seine. Son challenge : mettre en place un laboratoire d’analyse sensorielle afin d’optimiser les galéniques des formules cosmétiques. En 2008, changement de cap pour la presse professionnelle en tant que directrice des rédactions. Parallèlement fin 2012, elle crée son cabinet conseil pour accompagner les entreprises dans le développement de méthodes d’évaluation cosmétique et de rédaction de contenu scientifique. Enfin, elle est enseignante à l’ISIPCA sur des modules de développement durable, RSE, filière du naturel. Elle collabore à la Cosmétothèque® depuis sa création.

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