On estime qu’environ 90 % des cosmétiques se présentent sous cette forme : crèmes, gels, laits, gommages, masques, fonds de teint, dentifrices… sont tous des émulsions. Et bien que leurs indications soient très différentes, leurs bases ont toutes la même structure : c’est d’abord un mélange d’eau et de corps gras… et de quelques autres ingrédients.
L’eau
Elle est désignée par le terme " Aqua " dans la liste des ingrédients et peut constituer plus de la moitié d'un produit cosmétique (voire, dans certains cas, plus des 3/4). L' eau peut être de source, thermale, déminéralisée, distillée, osmosée… ou simplement provenir du robinet. Toutes sont bonnes en cosmétique pour peu qu’elles répondent à des critères de pureté et de potabilité assez classiques.
L’eau est envisagée comme un ingrédient à part entière. Base neutre s’il en est, elle peut toutefois être considérée comme un actif, si elle apporte des propriétés spécifiques, comme c'est le cas pour les eaux thermales (avec leurs minéraux) ou les eaux florales (avec leurs extraits végétaux).
Elle est classée dans la catégorie des ingrédients naturels, mais ne peut jamais être qualifiée de biologique puisqu’elle n’est pas "cultivée" suivant les principes qui régissent cette agriculture.
Les corps gras
C’est le deuxième constituant principal des émulsions, qui peut prendre la forme d’huiles, de beurres ou de cires. La cosmétique en utilise principalement de quatre types :
• les huiles minérales et cires, ce sont des dérivés d’hydrocarbures (issus de l'industrie pétrochimique).
• d’origine synthétique, entièrement artificiels, ce sont essentiellement les
silicones
et leurs dérivés.
• les huiles végétales et les beurres, très nombreux et divers, pouvant provenir de graines, de noyaux, de fruits… d’amande, d’olive, d’argan, de tournesol, d’avocat, de bourrache…, etc.
• les corps gras d’origine animale, ils sont prélevés sur des carcasses ou des animaux morts.
En fonction de leur origine, les corps gras sont dotés de propriétés (et d’ effets indésirables potentiels) bien différents. Sur la peau, pour la santé ou pour l’environnement, le moins qu’on puisse dire est que ce n’est pas la même chose !
Les émulsifiants
Avec seulement des
corps gras
(les huiles et cires) et de l’
eau
, on n’obtient jamais un mélange homogène, ces deux types de composés étant non miscibles, c’est-à-dire qu’ils ne se mélangent pas entre eux.
Imaginez une vinaigrette maison : l’huile se dépose au fond du récipient, le vinaigre reste en surface et le tout se présente en deux "couches" bien séparées. Qu’est-ce qui rend les vinaigrettes du commerce bien homogènes et onctueuses ? Un
émulsifiant
. Un ingrédient qui, selon sa définition officielle, favorise la formation de mélanges intimes entre des liquides non miscibles en modifiant les interactions de surface. Il n’y a pas une
émulsion
qui n’en contienne au moins un. Et cela vaut de la même façon pour les produits d’hygiène et de beauté.
La cosmétique a à sa disposition un nombre impressionnant d’ émulsifiants différents. Certains peuvent être d’origine naturelle (la lécithine du jaune d’œuf, par exemple, émulsifiant traditionnel des mayonnaises maison, se retrouve aussi en cosmétique…), d’autres le sont beaucoup moins : on trouve notamment dans cette famille d’ingrédients beaucoup de composés éthoxylés .
Les tensioactifs
L’action des émulsifiants est très fréquemment complétée par celles de tensioactifs : eux réduisent la tension superficielle, favorisant une répartition uniforme du produit lors de son utilisation. Ils ont également la très précieuse propriété de se mélanger facilement avec l’ eau et avec l’huile, jouant également le rôle, selon les cas, d’agents moussants ou nettoyants (ce qui les rend particulièrement présents dans les shampooings et les gels douches), éventuellement antistatiques ou filmogènes , agents de contrôle de la viscosité ou hydrotropes (augmentant la solubilité d'une substance dans l'eau), également aussi souvent émulsifiants …
Comme ces derniers, si quelques-uns peuvent revendiquer une origine naturelle, nombre d’entre eux sont des composés synthétiques, souvent obtenus également par éthoxylation .
Les agents de texture
Antiagglomérants, liants, filmogènes , gélifiants, opacifiants, solvants, stabilisateurs d’émulsion, humectants , émollients … : tous travaillent à améliorer la consistance du produit et/ou son contact sur la peau ; ils sont, là encore, très nombreux et fort divers, pouvant être présents dans le produit en quantité limitée ou en nombre important. Certains s’avèrent d’une innocuité totale, d’autres peuvent se révéler beaucoup plus problématiques…
Les conservateurs
Avec ses corps gras et son eau , dans la chaleur et l’humidité d’une salle de bains, quotidiennement exposée à l’air le temps de remplir son office, une émulsion a tout ce qu’il faut pour constituer un nid des plus accueillants pour tous les germes, bactéries et autres champignons. Pour garantir la sécurité sanitaire des utilisateurs, il faut donc lui ajouter des conservateurs , des agents antibactériens et/ou antifongiques , des antiseptiques … qui vont empêcher les contaminations et les proliférations microbiologiques.
Pratiquement toutes les substances répertoriées en tant que conservateurs sont des molécules synthétiques, y compris dans les produits estampillés naturels et bio. C’est aussi une classe d’ingrédients parmi les plus fréquemment associés à des phénomènes d’intolérance, d’irritation ou d’allergies. Nombre d’entre eux sont également suspectés de toxicité pour l’organisme, à des degrés plus ou moins importants.
Les colorants
Ils n’interviennent pas seulement dans le maquillage, où évidemment leur rôle est primordial, mais sont également présents dans la grande majorité des produits d’hygiène ou de soin. Quand le shampooing est vert pomme, le gel douche orange ou la crème d’un beau rose tendre, on ne le doit jamais à un extrait de pomme verte, d’écorce d’orange ou de pétale de rose ! Il en est de même évidemment pour les rayures rouges ou bleues des dentifrices…
Les colorants proviennent essentiellement de pigments minéraux (oxydes de fer, mica, lazurite…) ou de composés synthétiques, parmi lesquels les colorants diazoïques sont les plus controversés.
Les parfums
Il faut le savoir, les matières premières cosmétiques, pour la plupart, sentent… eh bien, disons, pas très bon ! Même une huile végétale peut paraître d’une fragrance un peu brute au naturel, alors un composé synthétique ou chimique… C’est simple, si on nous les proposait tels quels, on ferait instinctivement une grimace répugnée et on n’en voudrait pas. Tous les cosmétiques ou presque sont donc parfumés.
Cela peut être avec une ou plusieurs huiles essentielles , qui éventuellement interviennent aussi en tant qu’actifs. Cela peut être aussi avec des molécules synthétiques.
À noter qu’en matière de parfum , rien n’est vraiment anodin. Entre le caractère allergisant de nombre d’ huiles essentielles , le potentiel toxique des molécules synthétiques et des solvants qui les accompagnent, les parfums constituent tout simplement la catégorie n°1 pour le nombre d’ effets indésirables associés à leur utilisation !
Les actifs
Non, on ne les oublie pas, bien sûr ! Même si ce sont rarement les composés quantitativement les plus présents dans une formule, et qu’ils sont bien difficiles à définir qualitativement. Parce qu’en fait, un actif, ça peut être à peu près tout (on n’a pas dit : et n’importe quoi…).
Une
huile végétale
qui compose l’
excipient
d’une crème de soin peut être, avec ses acides gras, ses vitamines et ses propriétés
hydratantes
, considérée comme un actif. Un extrait végétal également, au même titre qu’une molécule synthétique. Même un
conservateur
peut être qualifié d’actif s’il agit en
antibactérien
dans une crème pour peau à tendance acnéique… Et une
huile essentielle
: faut-il la classer dans les composés parfumants, dans les agents de conservation si elle a une activité
antibactérienne
ou dans les actifs pour ses propriétés purifiantes ?
Certains cosmétiques jouent ainsi sur les multi-propriétés de leurs ingrédients pour revendiquer une formule composée à 100 % d’actifs. D’autres, plus classiquement, proposent, dans un
excipient
réputé neutre, de miser toute leur efficacité sur un actif (ou une synergie de deux ou trois).
En la matière évidemment, la notion de pourcentage a son importance. Un actif doit être justement dosé pour générer l’effet qu’on attend de lui. Et il faut préciser que si certains doivent être présents de façon conséquente pour être efficaces (la
caféine
dans les produits amincissants, par exemple), d’autres (comme le
Bisabolol
apaisant
) se révèlent plus performants quand ils sont limités à seulement 1 ou 2 % du produit fini… D’autres encore agissent de façon différente selon qu’ils sont plus ou moins dosés : un
acide salicylique
, par exemple, sera
conservateur
à moins de 0,5 %, mais
kératolytique
à un pourcentage plus élevé.
Ainsi, la seule revendication de leur présence ne suffit jamais pour juger du service que peuvent rendre les actifs. L’indication de leur dosage exact est assez rare sur les étiquettes, mais quand le fabricant, alors que rien ne l’y contraint, se donne la peine de donner cette précision, cela doit toujours être compris comme un souci de transparence vis-à-vis du consommateur (de marketing, aussi, parfois, c’est vrai, mais tant qu’on dispose de l’information…).
Enfin, l’action d’un actif peut être tout aussi bien potentialisée que contrecarrée par le reste de la formule. Un composé à visée régulatrice pour peaux grasses sera nettement moins intéressant s’il intervient dans une base riche en huiles minérales occlusives et comédogènes, par exemple…